le bon pain est livré

La communication à la baguette de Martine Vassal

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le 18 Jan 2016
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Dans les rues, sur les réseaux sociaux et jusque dans les boulangeries, le conseil départemental a lancé ces derniers mois d'importantes campagnes de communication. Une stratégie qui dit bien le besoin d'exister pour le département ... et sa présidente.

La communication à la baguette de Martine Vassal
La communication à la baguette de Martine Vassal

La communication à la baguette de Martine Vassal

“Je rentre chez moi, je pose ma baguette de pain sur la table et là, qui je vois ? Martine Vassal !”. L’expérience, ici racontée par un homme politique marseillais de gauche, a été partagée par de nombreux bucco-rhodaniens. Pour ses vœux, la présidente du conseil départemental a vu très, très grand. Sacs à baguette de pain, donc, mais aussi tramways recouverts, pleines pages de pub dans la presse et panneaux d’affichage public ont accueilli le message adressé par Martine Vassal.

“On a fait tous les supports disponibles” admet-on dans son entourage. Une campagne axée sur la solidarité après les attentats : “Pour 2016, soyons unis” est-il écrit. Selon les formats, une carte de France remplie de visages souriants et un bandeau bleu-blanc-rouge accompagnent la phrase. Mais surtout, elle est suivie de “Martine Vassal et le conseil départemental vous souhaite une belle année”.

Depuis son élection en mars, la nouvelle présidente n’a pas lésiné sur la com’. Plaquettes, affiches grand format et publications diverses apparaissent à intervalle régulier pour faire la promotion de tel ou tel projet. Le souci de communication est partout, jusqu’au remplacement du terme “Bouches-du-Rhône” par celui de “Provence” dans tous ses discours, comme dans le projet des “États généraux de Provence”Un nom jugé “plus vendeur” vis-à-vis des investisseurs, estime-t-on dans son entourage. Un “label” disent les spécialistes du marketing. 

“Nouvelle époque, nouveaux moyens”

Deux objectifs semblent guider la stratégie employée. Tout d’abord, rendre plus visible le rôle du département, notamment aux yeux des citoyens qui ont tendance à se perdre dans les couches du mille-feuille des collectivités locales. “Nous avons ouvert les portes et les fenêtres. Le conseil départemental doit retrouver sa place au sein des institutions. Nouvelle époque, nouveaux moyens”, a expliqué Martine Vassal lors de ses vœux à la presse le 14 janvier, en clin d’œil à son prédécesseur Jean-Noël Guérini.

“Le conseil départemental vient de changer politiquement, il a aussi changé de nom. Comme toute institution qui bascule, il est important de rappeler qu’elle existe et pour cela, de changer les codes de la communication” analyse Frank Confino, consultant spécialisé dans le marketing territorial. “L’important c’est que les gens remarquent la campagne, poursuit-il. Si c’est le cas, l’objectif est atteint. Et quand on veut toucher sa cible, on va la chercher là où elle est, que ce soit dans les boulangeries ou sur les réseaux sociaux.”

Un déficit de notoriété …

Et derrière cette urgence d’exister, se cache bien sûr celle pour le département d’exister… sans Jean-Noël Guérini, parti en toute discrétion en mars dernier, après des années de rebondissements politiques et judiciaires. “Tout le monde connaît Jean-Noël Guérini”, souligne Frank Confino. En effet, dans une étude que Marsactu s’était procurée en 2011, son nom faisait écho chez 90% des sondés. En revanche, seuls 37% d’entre eux le mentionnaient en réponse à la question “Quel est le nom du président du conseil général des Bouches-du-Rhône ?”. Il semble donc que l’institution départementale et son fonctionnement aient aussi du mal à trouver un écho précis dans l’esprit des citoyens. Il y a donc nécessité à remettre un coup sur la com’, surtout dans une période institutionnelle agitée, avec la création de la métropole et un avenir très flou pour le département à partir de 2020.

Le deuxième objectif de ces grandes campagnes consiste également à faire connaître la nouvelle présidente. Propulsée du rôle d’adjointe au maire de Marseille à celui de cheffe de la collectivité locale la plus riche de la région avec 2,5 milliards de budget, Martine Vassal souffre d’un fort déficit de notoriété. En plus d’apposer son nom sur les supports du département, son visage inonde les comptes réseaux sociaux du CD13, notamment en retweetant la patronne à tour de bras.

…et un dessein politique personnel ?

Car la ligne est fine entre communication institutionnelle et promotion personnelle. “On a constaté la même chose à l’arrivée d’Anne Hidalgo à la tête de la mairie de Paris, considère Frank Confino, la communication s’est personnalisée. Il n’y a pas de raison de s’effacer, mais ça ne doit pas servir de biais pour exprimer des prises de position politique.” Un risque d’autant plus grand que le département ne s’est pas privé d’acheter des espaces publicitaires à l’automne, quand la campagne des régionales avait déjà pris son élan.

Un opposant à Martine Vassal est moins nuancé et voit clairement le dessein personnel derrière cette surexposition : “Elle a beaucoup d’ambition politique, c’est légitime. Aujourd’hui elle est en position de force à droite, au niveau institutionnel mais pas au niveau politique alors elle y travaille”. Le même élu estime toutefois que l’offensive ne durera pas : “C’est une erreur, un manque d’élégance qui ne lui ressemble pas. Je ne pense pas que ça vienne d’elle directement”.

https://twitter.com/canardmigrateur/status/684708903905562624/photo/1

Communiquer, mais à quel prix

Pour Franck Confino, une telle offensive médiatique n’est pas sans risque. “Il ne faut pas non plus que les gens aient un sentiment d’overdose. C’est la première année, attendons de voir la suite. Mais il ne faut pas que les citoyens aient l’impression que l’argent a été gaspillé” met en garde le spécialiste du marketing territorial.

C’est justement l’un des sujets d’inquiétude de Benoît Payan, président du groupe socialiste et écologiste au conseil départemental. “Quand on annonce qu’on va couper dans les dépenses, on peut éviter les sacs à pain et les tramways recouverts de pub” rumine le conseiller départemental socialiste. “Le budget de la communication va aussi baisser de 25%. Nous allons mieux communiquer, mais à moindre coût” assurait Martine Vassal jeudi dernier, anticipant les critiques. À défaut d’information venant de ses équipes, chiffrer le prix d’une telle campagne de vœux semble impossible, tant le mélange entre les moyens internes déployés par le département et les prestations externes est complexe.

“Je suis pas sûr qu’elle ait augmenté le budget, mais je crois qu’elle le redéploie, devine Benoît Payan, elle aurait pu s’en passer.” C’est en effet la stratégie confirmée à demi-mot par les équipes de la présidente. En 2015, le conseil départemental a fonctionné avec un budget préparé par la précédente équipe. En 2016, l’entourage de la présidente promet d’être “imaginatif et créatif” pour communiquer avec moins de moyens. Mais avant les vaches maigres, le conseil départemental a profité en 2015 de moyens dignes d’un temps où l’on pouvait dépenser sans compter”

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le “déficit de notoriété” d’un(e) président(e) de Conseil départemental, est-ce vraiment un problème ? On lui demande de gérer avec rigueur et compétence l’institution qui lui est (provisoirement) confiée et l’argent public dont celle-ci est dotée. Inutile, pour cela, d’avoir de la notoriété.

    Il est vrai que Jean-Nono était très connu. Mais peut-être pas pour de bonnes raisons.

    Les dépenses de communication de ces élus qui gèrent leur ambition et leur carrière, au moment où l’on sabre dans les budgets d’aide sociale et de soutien aux acteurs culturels, sont à réduire de 90 %, et pas seulement de 25 % : un bilan de mandat à la fin de chaque année, ça devrait suffire pour confronter promesses et réalisations.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je précise que je mets en cause les dépenses faites sur fonds publics au profit de la communication individuelle des élus. Que ceux-ci utilisent leur patrimoine personnel pour financer la publicité sur leur nom ne me gênerait pas. En revanche, un peu de pudeur dans l’utilisation de l’argent des impôts ne peut pas nuire.

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  2. barbapapa barbapapa

    Le Conseil Général nous coûte très cher en impôts, et je n’apprécie vraiment pas qu’une partie de mes impôts serve à imprimer la réclame de madame Vassal Mart(ch)ine, qui plus est quand j’achète une baguette de pain, je préfère que l’argent soit utilisé pour les missions propres au Conseil Général, par ex faire qu’il y ait à disposition des collégiens et de personnel du papier non imprimé dans les toilettes du Collège Belle de Mai.

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  3. Mars1 Mars1

    Je me suis demandé en achetant ma baguette si le Conseil départemental subventionnait les boulangeries ou les minoteries… Il semblerait que la publicité soit plutôt tournée vers un intérêt très personnel.

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  4. marseillais marseillais

    La notoriété, Madame Vassal, elle se gagne dans la durée, une action efficace et de l’innovation.
    La seule innovation est pour l’instant de la régression sociale avec suppression de la carte RTM pour les bénéficiaires du RSA, la fin de la prime de noël, la fin d’Ordina 13…et maintenant la baisse des subventions de 20% qui va fragiliser de nombreuses associations culturelles, sportives et autres, donc de nombreux emplois.
    Alors, ce gaspillage en communication est choquant pour quelqu’un qui voudrait tourner la page Guérini et n’oublie pas de rappeler que si les finances du Conseil Départemental baissent, c’est la faute au Gouvernement.
    L’article de Marsactu ne dit pas combien coûte cette campagne de promotion Vassalienne…et si les boulangers en tirent un quelconque bénéfice.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Bonjour,
      ainsi qu’il est précisé en fin d’article, il est malheureusement difficile de chiffrer une telle campagne, dans la mesure où le cabinet de Martine Vassal ne le communique pas. Autrement on ne peut s’en tenir qu’à des suppositions ou des calculs au doigt mouillé…
      Concernant les boulangers, de nombreuses régies de publicités proposent ces prestations et font le lien avec les fournisseurs des boulangers, lesquels ne perçoivent, semble-t-il, pas d’avantage particulier pour opérer cette diffusion.

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  5. JL41 JL41

    Je suis pleinement d’accord avec Electeur du 8è pour souhaiter que nos présidents de conseils régional, départemental et métropolitain, comme les maires des communes, nous fassent le point de leurs actions tous les ans, ou au moins à mi-mandat, comme c’est déjà pratiqué ici ou là. Un certain nombre de collectivités prévoient d’ailleurs une interruption de séance avent le vote du budget pour que le public puisse s’exprimer. Il s’agit là d’exercices formateurs pour faire avancer la démocratie. Plutôt le dialogue et l’écoute qu’un vote extrême aux échéances électorales.
    Maintenant réduire de 90 % le budget de communication comme tu le proposes, n’est-ce pas une façon de faire une suggestion qui aurait du mal à être reprise ? Le réduire de 30 % serait déjà pas mal.
    On pourrait aussi demander aux communicants de ne pas se limiter à faire descendre la bonne parole de haut en bas, de mener aussi des enquêtes au sein de la population pour faire partager à tous ce que le plus souvent on n’écoute pas. Une autre source des votes extrêmes.
    Je me demande aussi si le tableau à charge brossé ici de la nouvelle présidente, de sa publicité ou de sa communication, correspondra à la réalité de son mandat ? J’espère que non. On aurait pu se poser ces questions à propos d’Eugène Caselli, qui a été le champion toutes catégories du culte de la personnalité, tout au long de son mandat à MPM et particulièrement juste avant l’ouverture de la campagne officielle pour les élections municipales de Marseille. Mais les services de communication ont forcément une certaine capacité d’influence et pas mal de gourmandise. Ce sont évidemment aussi des emplois.
    J’avais trouvé étonnant que le métro soit devenu un support de communication aussi massif pour le Conseil régional et MPM. Si quelqu’un a une explication ?

    Comme je ne veux pas me borner à critiquer, je voudrais faire une suggestion qui porte sur le bulletin d’information « Accents de Provence » (la référence à la Provence est antérieure à l’arrivée de Martine Vassal, peut-être une idée des communicants du département).
    Cela me fait mal au cœur de voir ce mensuel en papier glacé trainer autour des poubelles de ma rue, tellement on nous impose cette publication. Personnellement j’en reçois un par la poste et un autre qui m’est mis dans la boite aux lettres avec l’habituel paquet de publicités qui passe aussitôt à la poubelle. Alors que les journaux que je lis et l’information disponible sur internet, dont le site du CG13, me permettent de m’en passer. Pourquoi ne pas mettre dans 3 numéros successifs un bulletin d’abonnement gratuit, pour que ne reçoivent ensuite « Accents de Provence » que ceux qui en auront manifesté explicitement le souhait ? On ferait une énorme économie de papier inutilement imprimé, financé et perdu. On peut faire la même réflexion pour la région qui nous arrose de tout ce qu’elle peut, mais dont le site internet n’est pas une merveille de pédagogie, de communication et de mise à jour. Ainsi que pour les mensuels d’information qu’éditent les villes : demander de s’abonner au lieu de gaspiller des forêts entières de papier.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Certes, une réduction de 90 % du budget de communication peut apparaître comme une suggestion un peu extrême. Je ne suis pas sûr pour autant que ce soit plus extrême que la suppression d’aides sociales ou de subventions culturelles dont certains, dans la population, ont besoin pour simplement survivre.

      Ce qui me paraît discutable dans la communication du Conseil départemental, comme d’ailleurs dans celle de MPM sous Caselli – tu fais bien de rappeler cet exemple aussi -, c’est cette façon qu’ont les président(e)s de ces institutions de se mettre en avant et de faire de la pub pour eux(elles) mêmes autant voire plus que pour l’institution qu’ils(elles) président.

      Or le(la) président(e) d’une collectivité n’est qu’un primus inter pares : c’est une équipe qui a été élue pour diriger. Si l’un(e) de ses membres tient à afficher son nom partout, qu’il(elle) le fasse avec son propre fric, pas avec celui des contribuables. Je rappelle que les impôts ont été créés pour subvenir aux dépenses d’intérêt général, et je ne vois pas en quoi la notoriété de Mme Vassal est d’intérêt général.

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  6. Trésorier Trésorier

    Les com de Vauzelle au CR, de Caselli à MPM, de Guérini puis Vassal au CG étaient, sont outrancières. Dans une période ou le niveau de vie baisse et les impôts augmentent, cela ne peut plus passer auprès des habitants et citoyens. Il y a déjà une ambition des egos et la nécessité pour une collectivité de rappeler son existence pour justifier son maintien en place. Enfin, comme pour l’Etat (Hollande en est la caricature), on sent poindre aussi un passage de l’action politique à la gesticulation verbale, par manque de financements, d’ambition juridique ou de possibilité juridique.

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  7. leravidemilo leravidemilo

    Mm Vassal a quand même bien tort “d’envier” la notoriété de guérini, notoriété qui ne lui a pas épargné le goût amer d’un déculottée électorale (il faudra lui faire un dessein.). Nous sommes toujours visiblement dans “le temps où l’on pouvait dépenser sans compter”, mais pour certaines choses seulement, et les associations, primes de noël ou aides aux transports, pour les bénéficiaires de minima sociaux, n’entrent pas dans la liste. Votre communicant, comme habituellement, enfonce des portes ouvertes… Disons, pour faire court, que les citoyens ont le sentiment (bien fondé) d’un énorme gaspillage, sont d’ores et déjà affecté d’une overdose majeure, et aimeraient bien qu’on cesse de les prendre pour une cible, préférant être pris pour …des citoyens ! Ils l’expriment d’ailleurs régulièrement, lors de dominicales soirées mais, Vassal pas plus que guérini ni leurs conseillés et affidés n’entendent rien à ces messages, qui devront donc être criés plus fort, à la prochaine occase.

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  8. JL41 JL41

    Voilà que la Provence fait du Marsactu ! Voici un article critique sur ce que nous ont coûté les cérémonies des vœux de nos chers élus : http://www.laprovence.com/article/actualites/3780406/voeux-a-marseille-petits-fours-grosse-addition.html

    130 000 € pour la région, 25 000 pour le département, 75 000 pour la ville de Marseille, puis 15 à 32 000 dans les circonscriptions de Marseille (le maxi pour Valérie Boyer dans le 11-12è, qui passe son temps à manier le râteau, entre petits fours et grandes causes, comme les Arméniens ou la femme emprisonnée pour avoir trucidé son mari violent).
    Je remarque quand même que le budget de Martine Vassal a été plutôt réduit, alors qu’elle est critiquée ici pour communiquer à l’excès sur le département et sa personne. Inversement, Estrosi qui a dû régaler le PS et le personnel de la région (du monde !) souvent PS aussi (il va en avoir besoin pour contenir le FN). L’organisation de cette reconnaissance du ventre nous aura coûté 130 000 €.

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