Marseille Provence capitale de la culture : exorciser le désenchantement

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le 2 Déc 2011
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Le théâtre du Centaure lors de la capitale européenne de la culture.
Le théâtre du Centaure lors de la capitale européenne de la culture.

Le théâtre du Centaure lors de la capitale européenne de la culture.

C’est devenu un rituel : après décembre 2010 et juillet dernier, les adjoints à la mairie de Marseille concernés par la préparation de la capitale européenne de la culture en 2013 se sont réunis jeudi pour faire le point, avant de rencontrer dans la foulée la presse. Avec toujours un leitmotiv : affirmer que Marseille sera prête, faire mentir les sceptiques et les critiques. « Dont certains d’entre vous ont fait partie », lance aux journalistes Renaud Muselier, Monsieur 2013 de la mairie.

L’air est connu, étant abondamment pratiqué par le maire Jean-Claude Gaudin : les problèmes, ce sont les journaleux avides de polémique qui les inventent… En fait, ils ne font la plupart du temps que les répercuter, comme le montrent ces 40 entretiens avec des acteurs culturels, politiques, syndicaux, économiques et universitaires publiés sur son site par Le Ravi.

Vieux démons

En attendant un débat le 9 à Aix-en-Provence, le mensuel régional consacre au sujet son dossier de décembre, en partenariat avec Mediapart (qui au passage profitez-en est gratuit aujourd’hui) : « 2013, capitale désenchantée ». Les doutes, les critiques ne sont là pas voilés. Et les vieux démons ne sont pas loin comme le côté « ministère de la Culture bis » et « tour d’ivoire » de l’association Marseille Provence 2013, chargée de la programmation (et dont le « train de vie » passe parfois mal dans un secteur en difficulté financière).

Idem pour le morcèlement du territoire, au détriment d’une vision globale, avec Maryse Joissains, la maire d’Aix. En découvrant que le sien « qui donne 7,5 millions d’euros à la Capitale européenne et qui a présenté 120 projets, ne recevra que 4,3 millions d’euros », elle récite son antienne sur l’air du « I want my money back » de Margaret Thatcher : « Le Pays d’Aix ne va pas payer pour les autres. Soit la programmation est revue, soit nous ne donnerons que 4,3 millions d’euros ».

De manière symptomatique, elle oublie les 8,5 millions d’euros du « Grand atelier du Midi » qui, tour de force, réunira autour de la même exposition Marseille et Aix. Et comment ne pas penser qu’un évenement comme « Au fil de l’eau », cité dans le dossier et où coopèrent Arles, Martigues, Gardanne, Aubagne, Istres et Salon, ou plus généralement la vitalisation de la culture sur toute la Provence ne profitera pas à Aix ?

Si l’on ajoute le retrait du SAN Ouest Provence (Istres, Fos…) et de l’Agglopôle (Salon), et le gel des budgets à Martigues sous prétexte de réforme des collectivités, on comprend que le désenchantement guette. Les faiblesses, le directeur général de MP2013 Jean-François Chougnet depuis son arrivée en plein maelström début 2011 : « Quand Bernard Latarjet m’a proposé pour le relayer, il m’a averti des difficultés qu’il avait rencontrées : un territoire morcelé, des élus politiques difficiles, une absence totale de travail en synergie et des opérateurs culturels pas vraiment enthousiastes », raconte-t-il dans une interview qui conclut le dossier.

Chaudron magique

Mais pour lui, « les choses vont se faire naturellement avec l’annonce de l’avant-programme et les plans de financement. Nous entrons désormais dans une troisième phase, celle du mariage de raison. Les fantasmes doivent être dissipés et tout le monde doit regarder la réalité en face : 2013, c’est dans un peu plus d’un an, nous avons des projets à mener, des budgets confirmés et plus forcément le temps pour la polémique. » A la mairie, on tente aussi d’exorciser les mauvaises ondes qui planent sur la capitale, avec de jolis films qui montrent l’avancement des chantiers et des séminaires qui montrent que la majorité travaille.

Et, il faut le reconnaître, son chaudron mijote : 50 bornes WiFi installées progressivement à partir du deuxième trimestre 2012, des applications, du sans contact, 600 panneaux avec le logo de la capitale pour guider les visiteurs, une stratégie pour l’accueil des cars de tourisme, des toilettes publiques un peu plus nombreuses (si la communauté urbaine le veut bien, précise-t-elle). Sans compter les aménagements que 2013 a permis de booster (voire d’éviter de rejoindre le « cimetière des projets marseillais ») : les travaux du Vieux-Port doivent démarrer le 15 mars 2012, le square Narvik et l’esplanade Bourdet amèneront un peu de normalité et d’ergonomie à la gare Saint-Charles… « Tous les utilisateurs du train se plaignent de ce capharnaüm. C’est la preuve que grâce à 2013 on peut rattraper des retards, gagner du temps », s’enthousiasme Yves Moraine, président du groupe UMP au conseil municipal.

Mais au final, difficile de savoir où l’on en est dans la liste d’environ 100 « paquets cadeaux » (les actions sur lesquels planchent les groupes de travail à la mairie) dressée en juillet. Renaud Muselier, qui déclarait alors que « si nous en réalisons 80% nous aurons déjà fait un bond en avant phénoménal », affirmait jeudi « rester sur [ses] 80% ». Et de brandir un tableau, sorte de baromètre de la capitale, qui lui permet de suivre l’état de réalisation de chaque action (validée, en retard etc.). D’après Muso, « il n’y a pas beaucoup de rouge », synonyme de retard, mais pas question d’avoir le document : mauvais esprit comme nous sommes, nous viendrions appuyer et questionner sur ce qui n’avance pas…

Pas question de le nier : à Marseille plus qu’ailleurs, la capitale ne peut de toute façon pas faire de mal, et aura apporté beaucoup à la ville. Et puis on commence à rentrer dans le concret avec les Ateliers de l’Euroméditerranée chez les pompiers ou la société nautique de Marseille Par ailleurs, ce qui n’est peut-être pas un hasard, même les réserves voire la contestation donnent lieu à des initiatives encourageantes
: le Off de Marseille 2013 (bientôt rejoint par le Out des exclus de la capitale annonce le Ravi) a fait un carton avec sa Trocade (selon les organisateurs plus de 3000 visiteurs ont pendant trois jours proposé 2049 trocs aux 85 artistes présents),

Quand revient la nuit

Montrant ainsi que l’aventure pouvait aller au-delà de la galéjade. Et réussissant à donner un peu de vie à cette morne plaine que constitue encore dès 21h la rue de la République. On en vient à un des points qui, comme les guerres de clocher et le côté distant de MP2013 revient hanter ceux qui portent la capitale : va-t-on réussir à accueillir une grande fête dans une ville où celle-ci a terriblement de mal à sortir de quelques lieux connus des noctambules ? La question a, comme en juillet, occupé une bonne part de la conférence de presse de jeudi. Avec des élus pas forcément plus convaincants, avançant simplement qu’une « charte de la vie et de la tranquilité nocturne » était en cours de concertation.

« Il faut que les établissements de nuit respectent les règles, pour autant en 2013 celles-ci seront plus large pour qu’on puisse faire la fête », a glissé Yves Moraine comme gage de volonté. Reste à trouver des établissements de nuit et des fêtards pour faire prendre la mayonnaise. Quel sera l’aspect à 23h du fameux boulevard du Littoral où la journée on se pressera du Mucem au Silo en passant par commerces des voutes de la Major et les Terrasses du Port ? Pour l’heure, on cherche difficilement les bars, les restos, et même pour les habitants les commerces de proximité. Une nouvelle rue de la République, la culture en plus ?

Avant Euromed, « il n’y avait rien, la vie dans Marseille s’arrêtait aux bars derrière la mairie et le Panier », plaide Renaud Muselier, qui additionne l’arrivée du tramway, de 1500 entreprises qui font tourner des restos « qui maintenant ouvrent la nuit ». Voire. En tout cas en la matière, c’est du moins notre avis, pas de magie possible : tout comme les transports en commun couche-tôt ont forgé d’autres habitudes qui ne s’effaceront pas du jour au lendemain, cela prendra du temps pour les Marseillais insufflent la vie nocturne dans ces quartiers. Et ce n’est pas les façades certes neuves mais plutôt illuminées par des bureaux vides le soir qui aideront. L’avantage : le bruit n’y gênerait pas grand monde. Là aussi, la formule 2013 ne fera de toute manière pas de mal…

Un lien Séminaire n°1 : ambiance casques de chantier, séminaire n°2 ambiance paquets cadeaux en plein mois de juillet, sur Marsactu

Un lien Débat public le Ravi/Médiapart le 9 décembre à 19h au théâtre Vitez d’Aix-en-Provence avec Jean-François Chougnet (directeur général de Marseille Provence 2013), Daniel Hermann (adjoint à la culture mairie de Marseille), Claire Antognazza (Arles), Sophie Joissains (Aix) et Nicolas Maisetti (doctorant à la Sorbonne qui tient le blog Marseille Internationale)

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Commentaires

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  1. Casanovette Casanovette

    Honnêtement, là, Julien … Vous nous parlez de l’Europe, ou à la rigueur, l’entente au sein des ” verts” ?

    ” Et les vieux démons ne sont pas loin comme le côté « ministère de la Culture bis » et « tour d’ivoire » de l’association Marseille Provence 2013, chargée de la programmation (et dont le « train de vie » passe parfois mal dans un secteur en difficulté financière)”.

    Voila résumé toute la difficulté : ceux qui le font et ceux qui en vivent … le malheur restant … que se ne soit pas les même.

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  2. athe athe

    Je pense que les aspects de MP 2013 sont multiples, et à force de les mélanger tous, on fini par dire n’importe quoi. Du côté officiel, ça ne peut être qu’un succès – ceux qui disent le contraire ne se souviennent peut-être plus d’où on est parti. Ce qui a été investit depuis quelques années est énorme, et je ne sais pas s’il y a beaucoup de villes sélectionnées qui n’en ont fait autant. Ceux qui disent toujours qu’avant c’était mieux, franchement, je ne sais pas de quelle époque il parlent. Ça fait un bail maintenant que l’Alcazar a fermé, que la Canebière n’est plus à la hauteur de son mythe – faudrait peut-être pas exagérer…
    Côté “off”, ça dépendra un peu de tout le monde. MP 2013 n’est pas le père noël qui distribue des cadeaux à tout le monde. Pour moi l’intérêt de l’événement est de découvrir un lieu avec sa culture. Celle qu’on pratique, pas celle qu’on consomme. Aux acteurs culturels de montrer ce qu’on fait ici, de profiter de l’événement et d’attirer les gens.
    Puis il y a le côté touristique de l’événement. C’est probablement Marseille, Aix, peut-être Cassis aussi qui vont en profiter. Marseille est une ville à part – les échanges entre la ville et le reste de la région ne se font pas automatiquement, comme ailleurs. Et faire participer tout et n’importe qui, était probablement une erreur – pas forcément de la part de Marseille. Et si certaines villes commencent à se poser des questions, il fallait peut-être y penser plutôt. Sinon – si on ne veut pas que les touristes mangent à partir de 21h des chips dans leurs chambres d’hôtel, il va falloir se bouger – et ça se fera. On ne transformera certainement pas des quartiers entiers d’ici là. Mais si on sent qu’il y a une demande, tout le monde se bougera pour en profiter. Et à Marseille, ça peut se faire aussi de façon tout à fait improvisée. Faudra peut-être faire un effort sur les transports publics…
    Reste les marseillais, Capital Culturel, ça commence évidemment devant leur porte. Une fois qu’on a visité l’essentiel, assisté à pas mal de spectacles, on va pas passer son temps à déambuler devant la cathédrale. Certains quartiers mis à part, on manque terriblement de lieux sympas, de petits bars, restos, cafés, des lieux où il y a encore de la vie après 9 h du soir. Parce que ce qui fera le succès de MP 2013, ce n’est pas ce la mairie aura organisé (ou pas), ou telle ou telle expo financée par je ne sais pas qui, mais tout simplement la vie qu’il y aura (ou pas) autour de cet événement.

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  3. Liseron duveteux Liseron duveteux

    reste,à savoir si l’utilisation repetée de la kalachnicov va devenir une composante culturelle de
    marseille.
    je ne mets pas de majuscules, je me suis cassé le poignet gauche.

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  4. piéton en colère piéton en colère

    Je n’étais pas à la rencontre du Ravi à Aix le 9, mais j’espère que l’on aura vraiment parlé de politique culturelle sur des territoires solidaires (et donc cela passe par un réseau commun de transports…où est l’autorité unique dans ce domaine ?).
    Les offres culturelles passent aussi par les accessibilités : attend on 2013 pour avoir des panneaux multilingues qui ne passent pas obligatoirement par des accés technologiques et ce sur tout le territoire concerné ? la communauté urbaine serait contre le développement des toilettes publiques ? (avec plans)
    A Lille que l’on cite toujours, toutes les stations de métro étaient accessibles par ascenseur : je n’ai guère vu de travaux de ce type à marseille ou de création d’escalators (que l’on cesse de dire que le tram double certaine ligne de métro puisque de nombreuses catégories de population ne peuvent pas prendre le métro…
    C’est curieux que l’on dise qu’il n’y a pas beaucoup de rouge : il suffit d’arpenter les rues et de les comparer à certaines villes qui ont déjà été capitales…

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  5. ERIC13012 ERIC13012

    Pour la réussite de MARSEILLE PROVENCE CAPITALE DES ÉVÈNEMENTS
    J’ai vu sur FACEBOOK – un homme avec une expérience nationale au niveau des évènements et de la culture avec une programmation digne d’une capitale
    Demandez sur FACEBOOK en ami : SERGE MAUREL – Producteur et créateur d’évènements
    Il nous faut des pro pour paraître crédible sur le plan NATIONAL et EUROPÉEN.

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