Marseille Provence 2013 au crible de la presse internationale
Marseille Provence 2013 au crible de la presse internationale
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les clichés ont la vie dure. Partout. Prenons par exemple l’article de Joseph Hanimann paru dans le Sueddeutsche Zeitung – le premier quotidien allemand en terme d’abonnés – qui titre : "Entre la violence et le soleil". Tout un programme… Discours enflammés, trafic de drogue, inefficacité de la police… Un trop plein de stéréotypes qui pousse une lectrice à intervenir : « L’auteur n’a jamais été à Marseille (…) Merci d’avoir confirmé tous vos préjugés ». Mais le journaliste le souligne : quelle autre image de la ville relayée ces derniers mois à l’étranger que les tristes règlements de compte entre bandes rivales ?
Donc, voilà. Marseille se résume souvent hors de nos frontières (quand ce n’est pas à l’intérieur) à la mer, l’insécurité et la pauvreté. Pas un article, à l’exception de deux journalistes algériens, qui n’aborde la mauvaise réputation de la capitale provençale. Pire encore : quand un article comme celui de Tobias Grey dans le Wall Street Journal ne fait que l’évoquer, ce sont les lecteurs qui prennent le relai : « Marseille est un trou infesté de crimes », « si Marseille veut vraiment attirer des touristes, il faut qu’ils fassent quelque chose à propos de la criminalité ». Bien, bien, bien.
La Provence, grande oubliée
La réputation sulfureuse de Marseille n’aidera pas, on a compris. Mais dans Marseille-Provence 2013, n’y a-t-il pas aussi « Provence » ? Il faut croire que cela n’a pas marqué la presse étrangère. A peine nommée, quand elle n’est pas oubliée. Seuls Paolo Levi, envoyé par AnsaMed, filiale méditerranéenne de l’AFP italienne, et dans une certaine mesure Joseph Hanimann, accordent une place conséquente à celle qui pèse pourtant pour un tiers dans le budget total du projet.
Par contre, il faut intéresser ses lecteurs : chacun voit Marseille à sa porte. Le Wall Street Journal accorde logiquement une place importante à l’aspect économique du projet, quand Le soir d’Algérie interroge Jean-François Chougnet, directeur général de MP13, sur les problèmes de visa et la présence algérienne dans le programme. AnsaMed et Liberté Algérie soulignent quant à eux la dimension méditerranéenne du projet : « des artistes d’horizons divers seront ainsi conviés pour débattre de sujets sans tabou afin d’affirmer leur volonté de construire la paix dans une Méditerranée qui n’a pas fini de vivre des conflits aussi déstabilisateurs les uns que les autres ».
Un choix qui a d’ailleurs convaincu Ugur Hukum, journaliste turc et sociologue retraité qui salue une politique où a échoué Istanbul, capitale européenne de la culture en 2010 : « Les institutionnels turcs ont empêché de développer ce projet. Marseille doit apporter une ouverture, être le point attirant de la Méditerranée. C’est un projet à long terme utile pour le dialogue entre les peuples. La culture peut être ce lien entre les différents pays. »
Politique et économie
Une idée à laquelle adhère manifestement Salim Tamani, qui titre dans Liberté-Algérie : « La culture à la rescousse du politique », avant d’affirmer : « quelle ville européenne peut faire cette jonction entre le Nord et le Sud pour tenter une réconciliation des pays du pourtour méditerranéen ? On a choisi Marseille. » Une dimension que souligne également le quotidien allemand, qui mentionne la volonté de Michel Vauzelle de créer des ponts entre la Méditerranée et Marseille.
En somme, la culture, oui, mais au service de la politique… Et de l’économie : « Marseille veut mettre à profit cette manifestation pour renforcer son économie » (Le soir d’Algérie), « Monsieur Pfister (le président du conseil d’administration de MP13, ndlr) a pour objectif d’attirer 3 millions de touristes de plus par an après Marseille Provence 2013, une augmentation d’environ 30% du nombre de touristes habituel » (Wall Street Journal). Des retombées économiques souvent liées à ce qu’AnsaMed ou le Wall Street Journal nomment une « nouvelle Renaissance », qui pourrait permettre à Marseille de se débarrasser de l’image sulfureuse à laquelle elle est encore souvent associée.
La Renaissance marseillaise
C’est là que semble résider pour les journalistes étrangers le véritable défi qui attend aujourd’hui notre cité millénaire. Une Renaissance qui se traduit principalement par un renouveau architectural que développent longuement tous les articles sur la question. Cerem, MuCem, Frac, Belle-de-Mai, réhabilitation du front de mer… Le petit tour réservé à la presse sur les chantiers marseillais lors de la présentation du 25 janvier a semble-t-il fait son effet : « "Marseille on the Move" claironne le dernier slogan de l’office du tourisme, et il est difficile de ne pas être d’accord » (Wall Street Journal).
Ou encore : « une occasion unique pour donner du lustre à la région, mais surtout à Marseille, tristement connu pour ses problèmes de délinquance et de dégradation. Mais qui se refait aujourd’hui une beauté, avec des dizaines de chantiers à ciel ouvert et de musées en construction » (AnsaMed). Une politique de communication performative de la part des élus locaux selon Nicolas Maisetti, chercheur en sciences politiques, qui finit par produire ses effets : « Les médias étrangers s’approprient le sens commun, ils véhiculent le discours officiel ».
Mais si la refonte entamée du paysage marseillais en convainc certains, un autre reste très sceptique sur la capacité de Marseille à accueillir l’événement : Joseph Hanimann. S’il reconnaît un programme intelligemment conçu en vue d’une redéfinition de l’image marseillaise, il se montre d'abord critique envers une tentative d’embourgeoisement de la ville « sur le modèle de Barcelone ou Naples », dont l’échec le plus signifiant reste pour lui la désertion des investisseurs le long de l’avenue de la République rénovée.
Quand j'entends le mot "culture"…
Communication, politique, économie, c’est à se demander où est passé le contenu du (pré)programme. D’ailleurs, ils ont dû se dire que toute cette rhétorique était un peu trop compliquée… Ni une, ni deux, les journalistes internationaux ne se sont pas embarrassés : adieu la préposition, le 25 janvier, ils sont venus écouter le programme de Marseille-Provence 2013. Quant à savoir ce qu’ils en ont retenu, c’est une autre histoire.
Car force est de constater que peu de place est accordée à la (longue) présentation des quelques 500 évênements qui rythmeront la vie culturelle de la région en 2013, « surtout constituée de nombreux petits projets originaux » selon le journaliste du Sueddeutsche Zeitung. Pour Lylia Abbes, attachée de presse de Marseille-Provence 2013, rien d’anormal : « C’est encore un peu tôt. A l’étranger, beaucoup ne savent pas même pas que Marseille est la capitale de la culture 2013. A un an de l’événement, les journalistes font pour le moment davantage des articles de contexte ».
Face à cette diversité, deux choix : faire tout simplement l’impasse sur le programme culturel, à l’image des deux journalistes algériens en visite à Marseille. Ou alors se restreindre, souvent d’ailleurs de manière presque anecdotique, à quelques projets spécifiques : les ateliers de l’Euroméditerranée pour le Wall Street Journal ou le concept original de Transhumance notamment pour AnsaMed et le Sueddeutsche Zeitung… Des projets qui avaient tous été déjà présentés lors du pré-pré-programme (dévoilé il y a un an pour nous mettre en bouche, pour ceux qui ne suivent plus)… Tout ça, pour ça.
Merci à Nicolas Orsini pour sa (très grande) contribution à la traduction de l'article du Sueddeutsche Zeitung. Et pour ceux qui sont perdus dans cette revue de détails, notre arbre à perles :
Commentaires
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oui mais quand on voit que vauzelle, avec son discours de gauchiste cumule une retraite de préfet, un poste de député et celui de président de région qui ne semble pas vraiment l’interesser, c’est quand même pas gagné….quand à gaudin, ce doit être son jumeau…..mais en plus rigolo….. triste époque
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