Michel Peraldi : “Oui, Marseille est une ville moyenne de la province française”

Interview
le 6 Juil 2017
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Michel Samson, journaliste et auteur de nombreuses publications sur Marseille, poursuit sa collaboration avec Marsactu en proposant une série d'entretiens avec des intellectuels sur le contexte politique local. Une manière de mettre en perspective les récents événements électoraux. Pour conclure cette série d'échanges, il retrouve son compère de recherche, l'anthropologue Michel Péraldi.

Michel Peraldi : “Oui, Marseille est une ville moyenne de la province française”
Michel Peraldi : “Oui, Marseille est une ville moyenne de la province française”

Michel Peraldi : “Oui, Marseille est une ville moyenne de la province française”

Michel Samson : On emploie volontiers l’expression “classes moyennes” et nous-mêmes avons souvent expliqué que la ville de Marseille était dirigée depuis des décennies par des représentants, voire des acteurs des classes moyennes. Mais comment définir ces classes moyennes ? Tout le monde, sauf les chômeurs et des possesseurs du grand capital ? Michel Peraldi : C’est un […]
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Commentaires

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  1. Happy Happy

    Une réflexion semble s’adresser tout particulièrement aux lecteurs et commentateurs assidus de Marsactu (dont moi-même) :
    “Ceux qui disent aujourd’hui : « Nos élus sont des médiocres, des incompétents, des voyous », perpétuent ce qui est un préjugé de certaines fractions de classes. Celles qui sont porteuses d’un fort capital culturel ou de capital culturel technique (ingénieurs, cadres, etc) stigmatisent et méprisent ceux qui en ont moins. Ce qui est le cas des élus marseillais, souvent issus d’une promotion sociale par le politique justement.”
    Intéressant, parce que cela questionne certains ressorts de nos critiques permanentes (“nous”, commentateurs de marsactu, probablement issus des professions intellectuelles). Pour autant, la sociologie des motivations de la critique n’invalide pas forcément le contenu de la critique, me semble-t-il. Pour le coup, je reste sur ma faim par rapport au développement de la suite du raisonnement :
    “La question est plutôt de savoir pourquoi ces fractions de la bourgeoisie ou des classes moyennes ont laissé depuis longtemps le pouvoir à ces « parvenus » de la politique…”

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je suis pour ma part assez interloqué par cet aspect de l’analyse. En quoi un Gaudin, prof d’Histoire-Géo, un Teissier, administrateur de biens ou un Tian, chef d’entreprises, ont-ils eu besoin de la politique pour leur promotion sociale ?

      Il y a en France quantité de maires et de grands élus municipaux qui ont le même profil, sans qu’on puisse leur reprocher leur médiocrité. A Strasbourg, le maire est un ancien prof de l’enseignement secondaire, comme Gaudin. A l’époque glorieuse du PCF, de nombreuses villes étaient (bien) gérées par des maires issus de la classe ouvrière et formés par le parti.

      Je persiste et je signe : dire des élus municipaux marseillais qu’ils sont incompétents n’a rien à voir avec du mépris de classe. C’est purement factuel et basé sur l’examen de l’ensemble de leur oeuvre.

      On peut être un bourgeois diplômé de l’enseignement supérieur et n’avoir ni vision à long terme ni rigueur de gestion, ou inversement être ouvrier et gestionnaire avisé. Je vois tous les jours dans mon boulot que l’intelligence n’est pas toujours proportionnelle au diplôme ou à la situation sociale, loin de là.

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  2. Lagachon Lagachon

    Je rebondis sur “Marseille est une ville moyenne de la province française” qui me semble une prise de conscience salutaire à condition qu’elle interpelle, qu’elle choque et qu’elle fasse se dire aux décideurs marseillais “et maintenant on fait quoi ?”.
    Au risque de tomber dans une comparaison épuisée, ça me rappelle “Barcelona es el Titanic” paru en 1982 qui pointait justement la provincialisation de la capitale catalane et qui avait servi de point de départ de la stratégie d’internationalisation que l’on connait tous. https://elpais.com/diario/1982/05/14/opinion/390175205_850215.html

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      1982 – 2017 : 35 ans. Un nouvel exemple de ce qu’une stratégie territoriale s’inscrit dans un temps long, et suppose par conséquent une vision à long terme. Quelle est-elle chez nos élus (qu’il ne faut donc plus qualifier de “médiocres” : on se contentera de “myopes”) ?

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  3. Michel Michel

    juste une remarque, alors qu’il en faudrait plus, plus de discussion sur cette controverse ouverte , non seulement par cet article , mais par une pensée forgée depuis 20 années et plus et qui comme toute pensée forgée oublie les abords, les débords, ne voit pas toujours ce qui change, ce qui émerge du mouvement de la société.
    cette remarque, peut-être parce que j’en suis un, mais surtout parce que j’en côtoie beaucoup, la classification chez les riches des “créatifs” qui ici sont tout autre chose, très majoritairement des précaires mais faisant vivre une ville sans la moindre aide de la municipalité, ou si peu, en mobilisant surtout des ressources participatives. Je pense bien sûr à de nombreux lieux d’invention culturelle, d’animation des quartiers, d’espaces de re-création de rencontres publiques, mais aussi aux mobilisations citoyennes, comme l’exemple nous en est donné par le projet Cafoutch (article du même jour) et beaucoup d’initiatives non médiatisées aussi bien culturelles, sociales qu’économiques.
    Salut les deux Michel, Michel

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  4. corsaire vert corsaire vert

    Entièrement d’accord avec “electeur du 8 ème ”
    “Je persiste et je signe : dire des élus municipaux marseillais qu’ils sont incompétents n’a rien à voir avec du mépris de classe. C’est purement factuel et basé sur l’examen de l’ensemble de leur oeuvre.”
    On peut être un bourgeois diplômé de l’enseignement supérieur et n’avoir ni vision à long terme ni rigueur de gestion, ou inversement être ouvrier et gestionnaire avisé. Je vois tous les jours dans mon boulot que l’intelligence n’est pas toujours proportionnelle au diplôme ou à la situation sociale, loin de là.”
    Elle est ici la réalité de Marseille …
    Quant à prétendre que le clientélisme n’est pas une spécificité marseillaise c’est totalement méconnaître les recrutements et promotions soit sur le port ,soit dans les services municipaux, voire certains secteurs de la FP, ainsi que le fonctionnement de certain syndicat …
    Dans quelle autre ville en France un maire de droite est -il le Président d’honneur d’une puissante centrale syndicale ?
    C’est bien de la carence des édiles dont il s’agit et non d’une question de classes sociales .

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  5. Michel Peraldi Michel Peraldi

    Il est clair que notre discussion suscite des débats et des controverses, ce qui est plutôt signe positif de l’intérêt pour le politique. Un intérêt cependant très extérieur, et pour le dire sans procès – je pourrais assez bien me reconnaître dans ce que je vais dire- le politique au niveau local, plus on en parle moins on en fait… Traduction académique : une frange politisée des classes moyennes a abandonné le terrain du “local” en matière politique, soit parce que – c’est mon cas- on fait dans le social/global, soit parce qu’il n’y a plus un seul lieu ni situation où il est possible d’exister en tant qu’acteur politique local quand on a un peu de sens éthique…. Ceci à mon sens mérite aussi réflexion.
    Pour les critiques sur Marseille, disons-le en général : je (ce n’est pas pour écarter Samson que j’évites le nous, juste pour dire que c’est un point de vue personnel qu’il ne partage peut-être pas) pense que la critique politique du clientélisme n’a rien à gagner à le traiter comme un phénomène spécifique local, comme si au fond le problème n’était que marseillais ( ou napolitain, ou ajaccien).Outre le fait que cette position flirte avec un culturalisme nauséabond ( le clientélisme est dans les “gènes” culturel des villes et régions du sud), elle évite aussi de regarder la dimension institutionnelle du problème. Or je ne crois pas que le clientélisme marseillais soit “pire” ou plus excessif que le clientélisme nanterrois (la famille Ferraud Pisani qui règne sur cette partie de la banlieue parisienne depuis les années 50), ou que Gaudin ( et avant lui Deferre) soit pire que Dassault, Balkany, Chaban à Bordeaux ou Mauroy à Lille. Pour être démontrée et établie cette différence devrait résulter d’une approche rigoureusement comparative, qui, à ma connaissance, n’a jamais été faite ! Le “particularisme” local est un a priori, un prêt à penser, pas une variable mise en évidence par l’analyse. Je renvoie aussi ceux que la question intéresse au travail de fond mené par un sociologue américain (Mollenkoff) dans les années 80 sur la municipalité Koch à New York, très édifiant ! Donc, je persiste et signe, le “clientélisme” marseillais n’est pas une “maladie socialement transmissible” de la ville mais du système politique français, et c’est en tant que tel qu’il devrait être analyse, critiqué, transformé ! Ce qui bien sûr n’empêche personne de gueuler, même très fort, contre les “systèmes ” Gerrini, Gaudin, et autres, car toute structure de pouvoir fait système !
    Maintenant sur le personnel politique marseillais et sa médiocrité : un lecteur nous oppose les cas de Gaudin, Tian, Teissier, comme contre exemple de la promotion sociale par le politique. Il a en partie raison, l’ascenseur social a beaucoup mieux fonctionné à gauche qu’à droite, pour une raison évidemment “systémique”, la gauche socialiste ayant tenu les machines politiques locales (ensemble ou partiellement) mairie, CG et CR pendant plus de soixante ans !!!!! La promotion sociale se fait donc mieux au pouvoir que dans l’opposition…. Ce ne sont donc pas les “vieux” caciques qu’il faut regarder à droite mais les nouveaux, ceux issus de la droite au pouvoir….. Il faut cependant préciser que Gaudin en “prof” doit faire rigoler (lui-même compris) qui a je crois enseigné en tout et pour tout trois mois dans toute sa vie professionnelle, et ce dans une école privée ( catholique)…. La promotion par le politique, caractéristique là encore française va de pair avec la professionnalisation dans le politique, même si, pour la galerie, beaucoup d’acteurs politiques se cachent derrière des “professions” auxquelles ils auraient été formés… C’est toute l’utilité d’une description sociologique, qui s’appuie non pas sur les statuts et les déclarations mais la réalité des histoires de vie, y compris celle des politiques. Un critère simple : sur la durée d’une vie professionnelle, combien de temps chacun des hommes ( et femmes) politiques engagés ont-ils exercé une autre activité que celle du politique ???
    Pour le reste, oui, je suis sensible au fait, qu’il ne faut pas s’endormir sur une vision de la ville qui évolue, et donc, c’est une promesse, on va se remettre au boulot et affiner un peu les catégories, notamment sur les nouveaux “riches” marseillais, c’est vrai, il faut mener une vraie enquête et comprendre qui ils sont….

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    • Regard Neutre Regard Neutre

      @ Michel Peraldi
      Un grand merci pour votre éclairage scientifique sur l’ethnologie politique Marseillo-marseillaise.

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    • Michel Samson Michel Samson

      Je suis d’accord avec ce qu’écrit mon vieux camarades de travail. J’ajoute que dans notre entretien nous n’avons pas évoqué les liens singuliers mairie/FO qui datent de… 1953. Nous l’avions longuement fait dans Gouverner Marseille (ed. de La Découverte). Cela donne en effet une coloration particulière aux relations entre appareil municipal et salariés. Mais cela ne dit pas qu’il n’y qu’à Marseille qu’existe une relation clientéliste : il n’existe pas de livre décrivant (avec sérieux) les fonctionnements des différents appareils municipaux français. Quand Chirac maire de Paris Chirac embauchait dans les services de la voirie, il me semble qu’il choisissait aussi à “sa” manière…

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  6. Dark Vador Dark Vador

    Je prends le train en marche : je suis assez d’accord avec les arguments de “corsaire vert & électeur du 8eme”, sans oublier évidemment l’excellent travail de nos deux Michel que je salue au passage.

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