Frédérick Bousquet élu fantôme à la capitale européenne du sport

Actualité
le 13 Déc 2016
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Cela devait être son grand jour et il n'était pas sur le podium. L'ancien nageur olympique Frédérick Bousquet a été élu conseiller municipal pour porter le projet de capitale européenne du sport. Il a surtout servi de faire-valoir à la municipalité au sein de laquelle il cultive la discrétion jusqu'à l'effacement.

Frédérick Bousquet, lors de son premier conseil municipal en 2014. Photo: Esther Griffe
Frédérick Bousquet, lors de son premier conseil municipal en 2014. Photo: Esther Griffe

Frédérick Bousquet, lors de son premier conseil municipal en 2014. Photo: Esther Griffe

La file est longue devant le Vélodrome. Pas de match mais un clown au bout d’une corde. Ce lundi 12 décembre, c’est le grand jour pour l’équipe municipale avec la présentation officielle du programme de la capitale européenne du sport (lire ci-dessous). Sur l’estrade installée dans un des salons d’honneur, l’adjoint aux sports, Richard Miron a les fiches en main. En duo avec l’ancienne véliplanchiste Nathalie Simon, ils détaillent les 430 événements petits et grands qui jalonneront les quatre saisons de cette année sportive. À leurs côtés, d’autres sportifs, des politiques, mais pas de Frédérick Bousquet.

Il est pourtant le seul à Marseille à porter l’écharpe d’élu et le ruban de médaillé olympique. Son portefeuille municipal a été taillé précisément pour ce jour mémorable puisqu’il est “délégué à la candidature capitale européenne du sport”. Son nom sera bien cité par l’adjoint aux sports au titre des élus qui ont œuvré pour l’obtention du label. Mais le grand échalas aux yeux clairs n’est pas sur le podium. À sa place, Fabien Gilot, nageur toujours en exercice entre deux patineurs en pente et une médaillée aux jeux paralympiques de Londres. D’ailleurs, c’est Fabien Gilot qui s’y colle quand il s’agit d’enquiller avec aisance les interviews télé. Et pas Fred Bousquet. Jeune retraité, il a pourtant tout loisir de se consacrer à part entière à sa charge.

“Il est timide…”

“Fred Bousquet ? Je crois l’avoir vu…” Le service presse de la Ville est évasif, loin d’être submergé de demandes d’entretien à son intention. Dans l’entourage de l’adjoint aux sports, la réponse est précédée d’un silence, un peu gêné. “Il est timide, ce n’est pas trop son genre de prendre la parole en public, explique-t-on. C’est clair, Fabien Gilot est plus à l’aise dans cet exercice.” “Fred Bousquet nous a beaucoup aidé pendant la phase de candidature, affirme Richard Miron. Il a été à mes côtés pour la préparation dans la mesure de ce que lui permettait l’entraînement pour les Jeux Olympiques. Il sera avec nous sur les événements en 2017.” 

Pendant la campagne des municipales de 2014, Jean-Claude Gaudin avait extirpé le sportif de sa manche, un “people” photogénique au milieu de la cohorte militante des prétendants à l’écharpe. De cette manche était déjà sorti Éric Di Méco, rugueux défenseur de l’OM et adjoint tout à fait transparent dans son action “pour l’animation de la jeunesse dans les quartiers” de 1995 à 2008. Frédérick Bousquet avait déjà soutenu le maire lors de cette élection avant de sauter le pas en 2014 pour apporter “un petit plus” à l’équipe du maire notamment pour “la candidature à la capitale du sport européen (sic)”, expliquait-il dans un clip de campagne. Depuis l’automne 2015, il double cette charge avec celle de conseiller métropolitain, avec le même effort d’effacement.

Comme Usain Bolt

Ce lundi, Frédérick Bousquet est bien présent au Vélodrome. Dans un coin du balcon, il devise avec la représentante d’une association. Non loin de lui, une cohorte de jeunes femmes patientent pour une photo avec l’idole. “Oh, non”, ronchonne-t-il quand l’une d’elles lui demande d’imiter le geste d’Usain Bolt. Bon prince, il accepte tout de même l’imitation en duo. Il faut s’imposer pour se caler entre deux selfies.

“Je vais redire ce qu’a dit Richard Miron, prévient-il d’emblée. La capitale, c’est un travail d’équipe. Et le mérite lui revient d’abord à lui. Moi, j’ai été surtout pour défendre notre dossier quand le jury est venu à Marseille et quand nous sommes montés à Bruxelles. En 2017, je serai là aussi tout au long de l’année pour les 430 événements. Enfin, j’espère pas les 430…” Il espère surtout ne pas être contraint de porter tous les jours le costume cravate de ses collègues, politiques de métier. Il récuse d’ailleurs le mot. “Pour moi, ce n’est pas une deuxième carrière. Maintenant que j’ai pris ma retraite sportive, j’aspire plutôt à une carrière dans le privé.”

Fournitures pour piscine

Pas question de sombrer dans le glamour. S’il a bien des parts dans une société d’événementiel, sa future boîte sera spécialisée dans “les fournitures pour piscines”. “Il faut bien vivre”, justifie-t-il. Il hésite longuement avant de répondre s’il rempilera pour un nouveau mandat. “C’est trop tôt pour le dire mais, pour faire un parallèle, j’ai déjà fait un sport ingrat que je n’ai pas choisi, où il faut passer des heures à souffrir pour quelques secondes de bonheur. En faisant de la politique, j’ai découvert le côté ingrat, des gens qui se démènent, qui se bouffent la vie et qui, à la moindre défaillance se font pourrir, par vous les journalistes, mais aussi par les leurs. Dans le genre, c’est hyper ingrat.” Il ne cite pas de noms, paraît presque regretter d’être allé si loin.

En conseil municipal, il affecte la même attitude discrète. Mâchoires serrées, bras bien alignés sur le pupitre. Pas de notes, ni de papier qui traîne. Il bouge rarement, ne parle jamais, applaudit poliment. De mémoire de conseillers, en plus de deux ans, il n’est jamais intervenu. “Les rapports que je présentais concernaient la capitale du sport et c’est Richard qui portait le projet politiquement”, justifie-t-il. Il assume cette posture en retrait. “J’observe, je continue d’apprendre.” 

“Ne pas être la potiche”

“C’est un garçon affable, plutôt sympathique, souligne Benoît Payan, le président du groupe socialiste. Il s’excuse presque d’être là, même si cela l’intéresse, c’est compliqué pour lui d’être ainsi jeté dans le grand bain.” Bousquet voit le piège qui s’y profile : passer pour la potiche qui sourit sur les affiches. “C’est ce que je ne veux pas. Je suis d’accord pour mettre ma notoriété au service de causes que j’estime parce qu’entre un inconnu et une personne connue, les retombées, l’écoute ne sont pas les mêmes.” Mais il le dit plusieurs fois : il ne sera la potiche de personne. “J’ai grandi dans un famille de droite, c’est mon idéologie. J’ai rejoint Jean-Claude Gaudin par conviction. J’ai besoin de croire à ce que je fais. Avec la fédération de natation, je faisais parfois les choses en étant obligé et je n’ai jamais aimé ça. Ce n’est pas pour le faire maintenant.” Il ne va pourtant pas jusqu’à participer à la vie du parti, avoue-t-il, s’en tenant aux seules obligations de son rôle d’élu.

Cela passe par quelques corvées, sourire, faire vitrine… Et quelques charges insoupçonnées. Comme celle d’être de permanence pour signer les hospitalisations d’office en psychiatrie. “Je l’ai déjà fait deux fois et à chaque fois, c’était mouvementé, raconte-t-il. Une fois, j’étais seul à la maison avec ma fille, en pleine nuit et le commissariat a appelé pour un cas. Je ne pouvais du tout me déplacer, les policiers ont été sympas, ils sont passés.” L’histoire ne dit pas s’ils ont fait un selfie…


Après la culture, la “petite” capitale du sport

La capitale européenne de la culture est dans tous les esprits. Mais le label de capitale européenne du sport a peu à voir avec les événements de MP 2013. L’association créée à cette occasion était dotée d’un budget de 91 millions d’euros dont 77 millions de subventions publiques, principalement des collectivités, de l’État et de l’Europe. Pour 2017, l’effort financier est sans commune mesure, 14,2 millions (7 millions pour la Ville, 4,2 pour le Département, 2 pour la région et 1 pour la métropole=. “Il faut ajouter à cela 20 millions d’investissements avant, pendant et après la capitale”, justifie Richard Miron, qui va jusqu’à associer l’Arena d’Aix et la salle d’athlétisme de Miramas à ces chantiers.

430 événements sur quatre saisons

Cet effort financier permet à la capitale d’afficher 430 évènements “sur les 762 projets reçus” durant les quatre saisons qui rythmeront cette année. C’est moitié moins qu’à Turin dont la capitale 2015 a été saluée en tribune pour sa richesse par Gian-Franco Lupattelli, le président d’Aces, l’association qui octroie le label. Mais qu’importe, “il y aura un avant et un après 2017”, énonce-t-il, visionnaire.

Au titre des surprises, les deux jours de patinage de descente, les 13 et 14 janvier, de l’hôtel-Dieu à la mairie devrait déplacer les foules, tout comme les demi-finales du Top 14, les 26 et 27 mai pour lesquels l’adjoint aux sports espère 120 000 spectateurs. Autre nouveauté annoncée, la boucle de 35 kilomètres devant permettre de traverser la ville en vélo ou en roller sans poser le pied par terre (ou presque). Son tracé précis n’a pas encore été dévoilé mais, là encore, la capitale de la culture n’est pas loin. Une exposition “Nous sommes foot” au Mucem (11 octobre au 12 février), ferme la boucle.

Le contre-la-montre de la Bonne mère

Sans surprise, on retrouve aussi des manifestations déjà connues : le 22 juillet, l’étape du tour de France avec un contre-la-montre individuel qui part du Vélodrome pour rejoindre la Bonne mère, le Vieux-Port et arrive sur la pelouse “recouverte de bitume pour l’occasion”. On pourra également découvrir du rollersoccer en août, des danses urbaines en mai, de la danse sportive en octobre, du BMX à la Friche en juillet, deux jours de fitness (les 26 et 27 août), les championnats du monde de squash par équipe (fin novembre), le championnat de France de jiu-jitsu brésilien (en février) et du tambourin et autres sports traditionnels (en mai). Tout cela ne constitue qu’une petite partie des 430 projets annoncés et regroupés par catégories (diamant, légende, or, argent et bronze) selon la récurrence et le caractère prestigieux.

Comme pour MP 2013, les manifestations se tiennent majoritairement au centre et au sud de la ville avec un nombre très réduit d’événements dans les quartiers Nord. “Ce n’est pas une volonté de notre part, répond Richard Miron. Parmi les projets reçus, très peu venaient d’associations de ces quartiers. Quant au maire des 13e et 14e, il a refusé de nous donner une salle pour réunir les acteurs du secteur.” Joint par nos soins, Stéphane Ravier dément avoir reçu une telle demande. “Vu les relations entre les deux hommes, cela me paraît plausible, constate Stéphane Mari, élu socialiste de ces quartiers. Mais une réunion de ce type aurait pu se faire dans n’importe quel gymnase du secteur.”

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Donc, le Tour de France arrivera sur la pelouse du Vélodrome, “recouverte de bitume pour l’occasion”…

    Mais laisser les minots faire leur fête des écoles dans ce même Vélodrome, c’est compliqué car “ça ruine la pelouse”… Je demande à voir si, après une cure de bitume, les brins d’herbe seront en pleine forme.

    Il n’y a pas que la pollution atmosphérique qui atteint des pics : le foutage de gueule aussi.

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    • Tarama Tarama

      Bien vu.

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour
      une précision tout de même. Bruno Botella affirme que toutes les précautions seront prises pour préserver la pelouse à cette occasion.

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    • LN LN

      Cher Electeur du 8e,
      Non contente d’être globalement d’accord sur toutes vos interventions, je suis systématiquement “grillée” lorsque je veux émettre un avis : le vôtre bien écrit, synthétise ma pensée et du coup je m’abstiens. Vous avez tjs une longueur d’avance sur ma lecture. Fallait que je vous le dise car ca fait des mois que ca dure *;) Mais j’apprécie tellement…..
      Sinon, j’espère qu”ils penseront à suspendre la luminothérapie dont bénéficie notre “chère” pelouse….

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Chère LN, je suis sincèrement navré de vous couper l’herbe (pas encore recouverte de bitume) sous le pied depuis si longtemps. Soyez sûre que c’est parfaitement involontaire…

      Je vous remercie de vos compliments et souhaite vivement vous lire aussi dans les commentaires de Marsactu. Je vais donc essayer de vous faire une petite place… Mais arrêtez de vous abstenir ! Qu’importe si, parfois, les points de vue exprimés ici sont redondants. 😉

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    • Mars1 Mars1

      + 1

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Je m’associe au compliment d’Hélène et décerne à Électeur du 8e le titre de commentateur de l’année! En ce qui concerne la luminothérapie, nous pourrions nous cotiser pour offrir une petite cure à notre bien aimé Richard Miron ?

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  2. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Un clown au bout d’une corde. Ils n’ont pas pendu Richard Miron quand même?

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    • neomars neomars

      Il y en a du monde qui mériterait le nez rouge dans cette équipe là ;o)

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    • Mars1 Mars1

      Je ne sais pas quelle signification pouvait avoir ce clown en l’occurence, mais ça me semble assez symbolique de cette nouvelle affirmation marseillaise comme “Capitale du sport”!

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Tiens, les remarques sur l’excellent et ultra-compétent Miron, et sur son travail de terrain attentionné dans les quartiers dont il est l’élu – grâce auquel ceux-ci ont produit “très peu” de projets -, ont disparu. Enfin une action énergique et rapide…

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour, nous avons effectivement supprimé un commentaire qui contenait une attaque personnelle et nous avait été signalé. Cela a été notifié au commentateur, qui a été invité à reformuler.

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  3. LaPlaine _ LaPlaine _

    Tout les jours (ou presque) nous avons droit à une “branquignolade”.

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