Mariage pour tous : la loi passe et les opposants ne lâchent rien

Mariage pour tous : la loi passe et les opposants ne lâchent rien

La France s'apprête enfin à devenir le 14e pays au monde à voter un texte de loi autorisant deux personnes du même sexe à se marier et à adopter un enfant. Tandis qu'une manifestation festive était prévue par les partisans de la loi en fin d'après-midi devant la Préfecture de Marseille, certains jeunes militants marseillais vigoureusement opposés au texte réfléchissent d'ores et déjà au lendemain de leur lutte. Si leurs profils sont différents, un seul mot d'ordre les réunit, ne rien lâcher, en parfait miroir des slogans de gauche.

Et pour l'ancien président et fondateur des jeunes de la Droite populaire Pierre d'Alançon, 26 ans, "il est évident que l'on va continuer, même après le vote c'est logique tant que la loi n'est pas appliquée. Une mobilisation de cette ampleur pour défendre des valeurs est assez révolutionnaire. Que de tels profils sociologiques se soient mobilisés, des familles, des gens de classes moyennes, c'est vraiment une première… A titre personnel, je pense que les vieilles chapelles politiques vont être chamboulées. Je déplore l'absence de débat de la part du gouvernement sur un projet qui révolutionne la famille, pilier de la société." Pour ce militant admirateur d'Henri Guaino, "qui s'est illustré à l'occasion de ce combat", "pourquoi ne pas poursuivre les manifestations jusqu'en 2017 ?"

"Nos militants sont choisis"

La poursuite du mouvement par le biais politique, certains l'envisagent sérieusement, comme Baptiste Bérard, responsable de la section Uni Aix-Marseille. Accompagné d'un autre étudiant en droit, tous deux âgés de 20 ans, ils ont manifesté avec le mouvement la Manif pour tous, "apolitique et aconfessionnelle" insistent-ils. "Au sein de l'Uni, nous sommes pour une amélioration du Pacs. Le mariage n'est pas la reconnaissance de l'amour que je sache. Sinon, dans ce cas, on pourrait ouvrir le mariage aux couples à trois !" La violence, ils la condamnent dans la mesure où "on a pas le droit à l'erreur. Nos militants sont choisis, formés, ils doivent respecter les lois républicaines et lutter contre l'homophobie. D'ailleurs il y a des homos qui manifestent avec nous ! Aucun débordement n'est toléré. Après, le Printemps français, nous ne les acceptons pas, mais enfin ils font ce qu'ils veulent."

Baptiste Bérard et son acolyte disent garder espoir, car "certains parlementaires proposent de faire abroger le texte. On continuera à se mobiliser jusqu'en 2017." Concrètement, en plus de poursuivre leur lutte dans la rue, "nous sortons une campagne avec l'Uni intitulée Hollande ennemi de la famille. L'idée générale du gouvernement semble se résumer à taper sur la famille, alors que depuis de Gaulle, le système français de la famille est celui de l'excellence." Ils rejettent la comparaison avec Mai 68, "notre mouvement est justement tout l'inverse".

Face à l'engagement de Frigide Barjot aux municipales, les jeunes hommes se déclarent assez indifférents. "Il n'est pas sûr que la Manif pour tous ait vocation à devenir un parti politique. En tous cas, on a montré qu'il n'y a pas que les cathos tradi ou les Versaillais qui manifestent mais des gens de toute couche sociale." Pour la photo, les deux étudiants arborent sur leur veste des autocollants "Non au mariage homo", aussitôt arrachés et réduits en bouilli. Baptiste Bérard se justifie : "On est que deux et il y a beaucoup de prises à partie, on risque de se faire traiter de fachos, de cathos."

"O papa, ô maman"

Sur les réseaux sociaux, particulièrement prisés pour l'organisation des manifestations, Jean-Marc Grafféo se revendique membre du Printemps français. Devant la Préfecture où une trentaine de manifestants vêtus de sweets rose et bleus scandent "ô Papa, ô Maman", l'étudiant en licence de droit s'agrippe fermement à son drapeau tricolore comme s'il craignait qu'on lui arrache. "il n'y a pas que des actions violentes au Printemps français. Et puis tantôt je manifeste avec la Manif pour tous, tantôt avec les Veilleurs, tantôt avec le Printemps. ça dépend de mon planning". Sur la déclaration de Manuel Valls, évoquant un "climat nauséabond" et des "actes homophobes", le jeune homme rétorque : "L'homophobie a toujours existé. La justice n'a pas encore confirmé que les actes de violence étaient bien des actes homophobes". Après le mariage gay, Jean-Marc Grafféo s'attaquera aux salles de shoot, "la prochaine étape de destruction programmée de notre société."

Passer à autre chose, telle est aussi l'idée défendue par Alexandre Bartolini, 32 ans, responsable FN du 4e secteur (6e et 8e arrondissements) de Marseille et Maximilien Fusone, 33 ans, responsable FN de la 11e circonscription. "De toute façon quand Marine Le Pen sera élue en 2017, elle abrogera la loi. Ce ne sera pas le cas de l'UMP si jamais ils passaient en 2017". Autant se concentrer dès aujourd'hui sur leur habituelle litanie "l'immigration, le chômage, l'insécurité". Quand à la violence, "nous condamnons celles des policiers contre les manifestants et celle de quelques fanatiques dans les bars gays." Pour lui, la violence viendrait d'abord des homosexuels eux-mêmes : "Vous avez vu leur slogan ? Hollande, si tu recules, on t'en… c'est autre chose que les slogans de la Manif pour tous ! Bon, tout le monde a le droit de s'exprimer. Après que certains débiles mentaux commettent des actes violents, homophobes… Enfin, ce ne sont pas des débiles mentaux puisqu'ils ont leurs convictions".

"On ne dira jamais que c'est mort"

Certains jeunes estiment manifester individuellement et n'ont rallié qu'occasionnellement la Manif pour tous, comme Agathe Giner, 20 ans, étudiante en école d'Ingénieur agro-alimentaire et sa soeur Amélie Giner, 23 ans, étudiante en 6e année de médecine qui poursuivent le combat de leur mère, Catherine Giner, élue  municipale UMP et représentante locale. "On ne lâchera rien, on ne dira jamais que c'est mort", scandent-elles toutes deux, espérant vivement que le Conseil constitutionnel invalide le texte de loi. "Croire qu'il va y avoir un essoufflement est une erreur. C'est vrai que c'est fatigant de se mobiliser, mais d'autres vont prendre le relais. On arrêtera seulement si un référendum est organisé. En attendant, il y aura une grosse manifestation le 26 mai." Le mouvement leur semble complètement compatible avec le quotidien, dans la mesure où "on s'organise, on manifeste après le travail parce qu'on ne veut pas détruire le pays".

Dans leur avenir proche, les deux jeunes femmes redoutent un impact direct dans l'exercice de leur future profession ou sur leur vie de famille. Amélie Giner espère qu'il y aura "un droit de réserve pour les médecins concernant la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels", ce qui, pour elle, est la suite inéluctable de l'actuel projet de loi. "Je veux pouvoir aider des parents qui ne peuvent pas avoir d'enfants pour des raisons pathologiques, pas aller contre la nature. Je ne veux pas être une prestataire de service. Un bébé n'est pas un produit qu'on doit fournir". Sa soeur Agathe envisage quant à elle d'inscrire ses enfants dans une école "hors contrat" ou, ultime solution, de "partir vivre à l'étranger en tant que future maman, pour éviter, si j'ai un garçon, qu'il me demande en rentrant de l'école s'il peut être une fille s'il le veut".