Marc Dufour débarqué, la SNCM reste à quai

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le 12 Mai 2014
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Marc Dufour débarqué, la SNCM reste à quai
Marc Dufour débarqué, la SNCM reste à quai

Marc Dufour débarqué, la SNCM reste à quai

Sur les marches du palais des arts du parc Chanot, les membres du conseil de surveillance de la SNCM sortent peu à peu. Sur les visages des syndicalistes mais aussi de quelques représentants des entreprises sous-traitantes venus en soutien, la consternation le dispute à la rage. Ce lundi, le conseil vient de débarquer le président du directoire, Marc Dufour, dont le mandat de quatre ans arrivait à terme à la fin du mois. Au moment du vote, les représentants de l'Etat se sont abstenus comme toutes les rumeurs le laissaient entendre depuis plusieurs jours.

Ce faisant, ils ont permis à l'actionnaire majoritaire, Transdev, de reprendre la main sur la gouvernance de la compagnie maritime. En avril, déjà, le groupe avait tenté, sans succès, de révoquer le président du conseil de surveillance Gérard Couturier. Cela devrait finalement être fait d'ici fin juin à l'occasion d'une assemblée générale.

Point commun des deux dirigeants : ils défendent un plan de redressement auquel Transdev ne croît plus. Jean-Marc Janaillac, PDG de cette filiale commune de Veolia et de la Caisse des dépôts a pris le temps de lâcher quelques mots : "Transdev souhaite trouver une solution d'avenir sur la SNCM qui ne soit ni la liquidation, ni la fuite en avant".

Cette expression de "fuite en avant" faisait partie des éléments de langage utilisé par le service de communication de sa société pour qualifier le plan long terme voté à deux reprises par ce même conseil de surveillance. Quant à la liquidation judiciaire, elle est souvent agitée comme le spectre morbide qui attend la SNCM une fois que celle-ci se sera placée sous "la protection" du tribunal de commerce. Une "protection" dont le patron de la maison mère Veolia avait exprimé le souhait à maintes reprises.

En revanche, Jean-Marc Janaillac ne dira rien du détail de la solution d'avenir que Transdev souhaite impulser. Le visage grave, Marc Dufour lui a emboîté le pas sur les marches du palais pour dire son amertume et son inquiétude à propos de "la ligne fixée à [son] successeur" à partir du moment "où le plan qu'on a mis en oeuvre a été l'objet de la dissension avec les actionnaires".

"Après cela, la représentante de l'Etat ose parler de gouvernance apaisée devant le conseil. C'est une forfaiture", s'indigne Maurice Perrin, représentant de la CFE-CGC. Pour nous il s'agit d'une trahison de l'Etat". Lors d'une interruption de séance, les représentants syndicaux ont eu une discussion avec les représentants de l'Etat pour connaître sa position avant le vote. L'abstention leur a alors été confirmée.

Face au micro, le visage défait, Maurice Perrin a des mots plus durs que ceux de son collègue représentant CGT des marins. Tout aussi attaché à la mise en oeuvre du plan long terme mais peut-être moins à son président du directoire, Frédéric Alpozzo a des expressions plus politiques appelant à un nouvel arbitrage de l'Etat pour éviter qu'il présente un visage ultralibéral "à la veille des élections européennes et de la saison estivale". Et donc en pleine période de réservation pour cet été. Le syndicaliste évite de brandir ouvertement la menace d'un nouveau conflit social "que seuls les salariés décideront".

Derrière Frédéric Alpozzo, un homme opine. Président du comité de soutien à la compagnie et patron d'une entreprise sous-traitante, Robert Martinetti se dit "écoeuré". Il y a quelques jours à peine, le préfet Cadot l'avait longuement reçu pour le rassurer sur la position de l'Etat : "Il m'a garanti que la SNCM serait préservée même en cas de changement de gouvernement. Aujourd'hui, ils ont fait l'inverse de ce qu'ils avaient dit"Patiemment, toute l'après-midi, ce patron d'une boîte de réparation navale a fait le pied de grue au pied des marches, à côté des journalistes venus nombreux pour suivre ce nouveau tournant de la vie tumultueuse de la compagnie maritime.

À l'intérieur, les participants à ce conseil de surveillance ont vécu une séance quelque peu surréaliste. Avant le non-renouvellement du mandat du directoire, le point deux de l'ordre du jour consistait en la présentation des sept scénarios de financement des quatre nouveaux navires inscrits dans le plan long terme et indispensables pour la poursuite de la délégation de service public (DSP) avec la Corse. Rédigé par le cabinet Linklaters sous l'égide de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d'investissement, ce rapport est censé éclairer le conseil sur la manière de porter ces investissements, la SNCM n'ayant pas les moyens de les effectuer directement.

Le mandat fantôme confié à Dufour

"Après la présentation des sept scénarios, le conseil a écarté ceux qui ne pouvaient entrer dans le cadre de la DSP, explique un participant. C'était notamment le cas des scénarios se basant sur la création d'une société d'économie mixte ou d'une société publique locale avec les collectivités territoriales. Le conseil a donné mandat au directoire pour trouver des investisseurs permettant de mettre en oeuvre les deux scénarios qui respectent à la fois le plan long terme et la délégation de service public". Exit donc l'option défendue par le président du conseil exécutif de Corse, Paul Giaccobi.

Le montage des deux scénarios retenus repose sur un crédit-bail. C'est-à-dire la mise en place d'une société ad hoc qui sera propriétaire des navires, ensuite loués à la SNCM. Cette société peut être créée à l'étranger notamment avec l'appui d'un groupe privé à l'instar du groupe norvégien Siem, réputé intéressé par la reprise de l'armateur. Ou en France à partir d'une société composée par la Caisse des dépôts et des partenaires privés.

Mais ce mandat confié à Marc Dufour aura du mal à devenir réel après son vidage dans la même journée. Le dirigeant démis devra régler les affaires courantes jusqu'à la nomination de son successeur, le 28 mai prochain. Le ministère des transports s'est fendu d'un communiqué pour expliquer sa position : "Il ne s'agit ni d'un vote de défiance ni d'un vote d'indifférence à l'égard du directoire (…), mais il était important de mettre un terme à la quasi paralysie qui menaçait la société. (…) En tout état de cause, l'Etat continuera à œuvrer pour créer les conditions de la préservation de l'emploi et des activités de la SNCM, fondée sur un projet industriel viable associant l'ensemble des acteurs concernés. Il appartient à l'entreprise de clarifier son projet".

Jusque-là, le seul projet connu était le plan long terme validé par les salariés et le conseil de surveillance. Il appartient désormais à l'État et surtout à Jean-Marc Janaillac de détailler une troisième voie qui ne soit "ni la liquidation, ni une fuite en avant".

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Vraiment désolé pour Marc Dufour qui a montré un engagement tres important dans la SNCM pour notamment la redresser, engagement qui, comme tout le monde peut le constater, n’a pas été le même (1) pour Véolia qui ne s’est jamais investi et n’a jamais investi pour cette société malgré sa prise de participation majoritaire, surtout avant l’entrée de transdev, (2) l’Etat dont le rôle est on ne peut plus ambigu, d’autant qu’il est maintenant actionnaire majoritaire avec 25% + 33% de CDC, (3) la Corse qui a tout fait pour enfoncer la compagnie, jusqu’à même ne pas payer les factures dues, (4) Corsica Ferries qui va finir par avoir gain de cause sur toute la ligne. Vive Buttler et Corsica Ferries, qui partent avec la caisse, … à l’étranger. Est-ce vraiment ce type de modèle économique que l’on veut développer ? Bravo à tous, à toutes les girouettes, Janaillac, Cuvillier, Giaccobbi, …et à leurs prédécesseurs. Oui, beaucoup d’amertume face à ces histoires minables.

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  2. zaqsa2000 zaqsa2000

    Alea jacta es !!!

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  3. Anonyme Anonyme

    Le sort de la SNCM ne mobilise personne sinon ses salariés. C’est une compagnie profondément impopulaire qui a déçu ses clients par ses grèves à répétition, ses tarifs élevés et sa mauvaise qualité de service. Un vestige d’une époque révolue, un gouffre pour les finances publiques. Sa disparition sera douloureuse à court terme mais bénéfique pour l’avenir de Marseille.

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  4. Anonyme Anonyme

    Qui sème le vent récolte la tempête…
    signé : un passager qui a toujours voyagé avec la SCNM et qui ne peut que constater que les grèves à répétition (pour de bonnes ou mauvaises raisons) ont fini par saborder la compagnie quoi qu’en disent les marins. Bon je vous laisse car je dois m’occuper à présent de plusieurs réservations sur CF, même si les prix vont certainement augmenter, mais bon le principal est quand même de traverser au jour et à heure convenue,…

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  5. Anonyme Anonyme

    Merci la CGT !!! Après la faillite économique des grands ports Français, après Goodyear, la SEITA, PSA Aulnay et bien d’autres encore, la CGT aura eu la peau de la SNCM !!! Mais comme les syndicalistes sont des employés protégés, ils se retrouveront automatiquement dans les nouvelles structures. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce sera à moyen terme un nouveau naufrage !!!

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  6. julijo julijo

    Certains anonymes qui n’ont rien compris, devraient rester anonyme !!
    Comme quelqu’un l’a dit avant moi, si les syndicats étaient responsables de la crise, ça se saurait…
    Attention avec Corsica ferry, même si on accepte les conditions très précaires du voyage, la saleté, la bouffe dégueulasse…..les dockers ont fait grève à Toulon récemment !!!!
    Quand je pense que ces-cet anonyme(s) vont débarquer en Corse…avec leurs idées décadentes…..aie aie aie

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  7. TPASTUREL TPASTUREL

    Les caisses sont vides. L’Etat ne peut plus rien et Transdev mesure le risque financier à savoir 440 millions d’euros d’amendes européennes et 210 millions de provisions pour les nouveaux navires. Faute de provisionner 650 millions d’euros, les Commissaires aux comptes refusent de valider les comptes ce qui conduit au pénal les dirigeants. Décidément Monsieur Dufour est un as en matière de faillite qui l’enrichisse. Après Air Littoral, la SNCM, quelle sera la prochaine proie ?

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  8. Anonyme Anonyme

    Messieurs, demandez à tous les touristes qui veulent aller en corse, ils vous tiendront le même discours : surtout ne prenez pas la SNCM, vous risquez de rester à quai à cause des grèves. C’est juste un constat.
    l”entreprise a sans doute ses torts dans la gestion de l’entreprise, mais quand les syndicats de la SNCM font trop souvent grève et les touristes ne prennent aucun risque quand il s’agit de leur congé.

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  9. Anonyme Anonyme

    c’est vraiment dommage pour cette compagnie
    cela fait plusieurs fois que je me rend en corse pendant les vacances avec la sncm et je n’ai rien eu à redire service impeccable
    mais cette fois le risque est bien trop grand de rester sur le quais au mois de septembre
    je vais donc annuler ma réservation et traverser avec Cf a mon grand regret

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