Malgré les alertes, les étangs de Berre et de Bolmon dans un état écologique inquiétant
Après l'hécatombe de poissons dans l'étang de Bolmon, la question de la sauvegarde de celui-ci et de l'étang de Berre ressurgit. Association et acteurs locaux demandent des mesures urgentes, tandis que l'État reste silencieux depuis un an sur le dossier.
Photo BG
Ce week-end, une odeur de poisson pourri s’est répandue sur les rives de l’étang de Bolmon, petit frère de l’étang de Berre, à Marignane. Pendant leur promenade dominicale, les habitants de cette commune (qui jouxte également l’étang de Berre), ont pu observer des milliers de muges, carpes et anguilles échouées. Il s’agit là d’un épisode dit d’anoxie, une baisse conséquente de l’oxygène présente dans l’eau, causant la mort par asphyxie de nombreux organismes vivants.
L’événement, dont les images morbides ont été largement diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux, pointe une nouvelle fois le mauvais état écologique des étangs de Berre et de Bolmon. Ces deux étendues d’eau séparées par une fine langue de terre ont été polluées par des décennies d’activité industrielle. Malgré les alertes récurrentes d’acteurs locaux, Bolmon et son grand frère Berre apparaissent aujourd’hui plus que jamais menacés. Et si le débat sur les solutions a adopter dure depuis des années, aucune mesure conséquente n’a jamais été mise en place.
“Total déséquilibre écologique”
“L’étang de Bolmon est dans un état écologique très dégradé et aucun signe d’amélioration n’est visible depuis des années, détaille Vincent Faure, chargé du développement scientifique au Gipreb. Le Bolmon est dans un état de total déséquilibre écologique et quand il y a de fortes chaleurs, la capacité de stockage d’oxygène de l’eau diminue et provoque la mort des poissons.” Si l’épisode de ce week-end à Bolmon a certes été déclenché par la canicule, il résonne aussi comme un nouvel indice du mauvais état écologique général des étendues d’eau de la zone. “En fait, cet étang est tout le temps très dégradé…”, ajoute un autre membre du Gipreb. Et Berre n’est pas en reste.
En mai dernier, la mort d’un chien sur une plage de Châteauneuf-les-Martigues créait déjà indignation et inquiétude. Le Gipreb rappelait alors le lien entre la prolifération de ces ulves sur les plages et l’activité de la centrale EDF de Saint-Chamas. Centrale qui avait également été pointée du doigt lors d’un important épisode d’anoxie dans l’étang de Berre l’été dernier. Les scientifiques avaient alors constaté une mortalité intégrale des palourdes (lire notre article). Ce week-end, le maire de Marignane a sonné une nouvelle fois l’alerte. “Il faut que les pouvoirs publics nous viennent en aide parce que ça va être une catastrophe en juillet en en août”, lançait Éric Le Dissès (divers droite) sur France 3. Une prédiction appuyée par les scientifiques.
Une eau à 29 degrés
“Berre doit s’attendre à un nouvel épisode dramatique, confirme Vincent Faure, en référence à la catastrophe écologique de l’été dernier. C’est dur de faire des prévisions exactes mais on s’y attend. La température est actuellement à 28/29°, soit + 4°, imaginez comment va être le mois de juillet !” Pour pallier le problème, comme le maire de Marignane, le Gipreb préconise une réouverture du tunnel du Rove, qui permettrait un apport d’eau de la mer dans les étangs, et ainsi, un réoxygénisation du milieu. Relancé par l’État en 2012 par la voix de Ségolène Royal, le projet est aujourd’hui au point mort.
Après un rapport très mitigé du ministère rendu en 2017, le ministre qui lui a succédé a relancé un expertise. Une visite sur place a ensuite eu lieu en mars 2018. “Les ingénieurs missionnés par le ministère de l’écologie devait rendre un rapport l’été dernier sur la question, mais depuis, rien”, réactualise Vincent Faure. À l’époque, le Gipreb avait proposé une réouverture du tunnel du Rove à raison de 10 mètres cubes par seconde ainsi qu’un transfert passif (sans pompage) entre l’étang de Bolmon et le canal du Rove. Une seconde proposition censée répondre aux critiques sur le coût financier -entre 10 et 15 millions- d’une précédente vers. Mais l’État ne semble toujours pas convaincu. À cela, le représentant du Gipreb imagine plusieurs raisons.
Blocage politique
“Je suis un simple scientifique mais j’imagine que c’est très complexe au niveau politique. Le départ de Nicolas Hulot l’été dernier a sûrement freiné le dossier. La ministère a aussi demandé à ce que l’on ajoute la crise d’anoxie de Berre au rapport, ce qui a encore participé au retard.” Enfin, Vincent Faure envisage une dernière raison : le gouvernement chercherait actuellement à convaincre l’Europe de baisser ces critères relatifs à la DCE, la directive cadre sur l’eau dont les objectifs sont fixés à 2027. “Et à Berre, certains sont inatteignables si l’on ne fait rien. La balle est dans le camp de l’État, mais il se concentre plus sur l’abaissement des critères que sur les mesures.” Contacté, le ministère de l’écologie n’a pu répondre à Marsactu dans les temps impartis à la publication de cet article.
Pour l’association L’étang nouveau, qui milite pour la réhabilitation de l’étang de Berre et de la Durance, les points de blocage aux travaux de réouverture du tunnel du Rove sont ailleurs. Et plus précisément, au sein même du Gipreb. “Au départ, le Gipreb avait proposé un débit de 4 mètres cube, c’était largement suffisant. De toute façon, 4 ou 10 il n’y aura pas beaucoup d’impact, estime Jean-Luc Platon, membre de l’association. Autant commencer par quelque chose plutôt que de ne rien faire. En proposant 10 mètres cubes, le Gipreb a mis un coup d’arrêt au projet.”
Mesures urgentes de prévention et dérivation
L’étang nouveau demande également la mise en place urgente de mesure de prévention, comme le ramassage régulier des algues mais aussi l’aération artificielle des milieux. “L’une des solutions est d’aérer l’eau, avec par exemple les techniques par jet d’eau qui sont intéressantes”, envisage Mireille Quintavalla, membre de l’association et riveraine de Marignane. Enfin, certains militent encore pour une solution toute autre : la dérivation du canal d’EDF à l’aval de Saint-Chamas, pour le rediriger vers le Rhône.
“Tout le monde sait que c’est la bonne solution, personne ne veut la mettre en place, car cela impliquerait un important investissement de la part de l’industriel qui préfère se concentrer sur les dividendes de ses actionnaires”, glisse un homme politique local qui dénonce l’immobilisme de l’État sur ce dossier. Du côté du Gipreb, on explique que le projet un temps envisagé, évalué à 1 et 2 milliard, n’est effectivement “plus à l’ordre du jour. L’investissement très fort de la part d’EDF et de l’État ne semble pas réalisable.”
L’état critique de l’étang n’empêche en tout cas pas la ville de Martigues porter un dossier de candidature pour inscrire l’étang de Berre au patrimoine mondial de l’Unesco. “Une fois qu’on aura prouvé l’intérêt international de ce territoire, on pourra exiger de ne pas gâcher ça, et qu’on fasse le nécessaire”, estime Jean-Claude Cheinet, ancien adjoint au maire de Martigues (PCF) et président de l’association Étang de Berre, patrimoine universel. À défaut d’une inscription à l’Unesco, les récents épisodes dramatiques pour l’écologie pourront peut-être eux aussi, pousser les pouvoirs publics à prendre position.
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