[Mal au centre] À Aubagne, le centre-ville à l’attractivité provençale

Série
le 22 Août 2018
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Concurrence des centres commerciaux, rideaux baissés, immeubles délabrés ? Le centre-ville de Marseille n'est pas le seul à souffrir de ces maux. Cet été, Marsactu documente ce phénomène national dans les villes de la métropole. Pour ce troisième épisode, direction Aubagne où la municipalité essaie d'appliquer un baume de provençalité au cœur de ville.

[Mal au centre] À Aubagne, le centre-ville à l’attractivité provençale
[Mal au centre] À Aubagne, le centre-ville à l’attractivité provençale

[Mal au centre] À Aubagne, le centre-ville à l’attractivité provençale

Au pays des santons, la foire a lieu deux fois par an. En hiver, au moment de la crèche et en été, pour les touristes. Cet été se déroule la 50e foire aux santons d’Aubagne sur l’esplanade Charles-de-Gaulle. Un marché qui ne se passe pas forcément comme espéré. “Le problème, c’est qu’on ne voit quasiment pas de touristes. Et les locaux regardent mais n’achètent les santons qu’à Noël. Donc c’est très, très tranquille. Au point qu’on a l’impression de devenir nous-mêmes des santons”, décrit Élodie Bonnaud, apprentie à l’Atelier de Fanny.

Ces événements vont de paire avec l’ambition politique de refaire connaître les traditions de la ville, renommée par le maire “Aubagne-en-Provence”. Dans le bulletin municipal, le nouveau nom est même devenu un objectif, repris comme un slogan. Comprenez un village typiquement provençal, avec ses santons, ses poteries et surtout son Marcel Pagnol, pour attirer des touristes et réconcilier les Aubagnais avec leur centre-ville. Sollicitée par Marsactu, la mairie d’Aubagne n’a pas pu donner suite à nos demandes. Mais Gérard Gazay a abondamment décrit son projet dans la presse. En avril, il décrivait, dans La Marseillaise, ses plans pour une “ville touristique, accueillant des visiteurs des quatre coins de l’Europe, dotée de plusieurs itinéraires et parcours reliant les collines de Pagnol”.

Un parcours sur les pas de Pagnol

Si les animations et commerces aux relents de lavande ensoleillées et autres clichés provençaux fleurissent dans la ville, il subsiste un irréductible kebab où cette politique traditionaliste n’est pas très bien vécue. À quelques rues du marché des santons, le fréquenté Kebab Antalya se bat depuis des mois avec la mairie pour pouvoir installer une terrasse. Après un passage en justice, le gérant Erkan Kocahal a réussi à obtenir une terrasse de 12m². Pour lui, le blocage municipal est clair : son commerce entacherait l’image provençale que souhaite promouvoir la mairie. “Déjà, le nom Antalya ça ne passe pas. On se serait appelé Le beau soleil, ça serait passé. Ils ne veulent plus de kebabs, la mairie veut mettre le paquet sur Pagnol et la Provence”, analyse-t-il.

La mairie organise de nombreux événements, en lien avec les traditions, pour renforcer la fréquentation : la cavalcade d’Aubagne dimanche dernier, retour aux années 1895 durant un week-end de mai, visites guidées sur les pas de Marcel Pagnol… La mairie veut marier redynamisation et patrimoine, dont l’exemple est le futur parcours touristique piéton. Jalonné de QR code numérique “pour ne rien manquer de l’histoire aubagnaise”, selon le bulletin municipal, les visiteurs pourront arpenter les rues à la découverte de la maison natale de Marcel Pagnol, la galerie de la céramique et des santons Argilla ou encore la chapelle des Pénitents.

Tracé du futur parcours touristique.

Pour le maire, les résultats de cette stratégie seraient déjà encourageants. “Aubagne enregistre depuis trois ans un solde positif d’ouvertures de commerces. En 2017 le centre-ville n’a eu à déplorer que 5 fermetures de commerces pour 21 ouvertures”, se félicitait-il, dans La Provence. Depuis le premier mai dernier, à la demande de l’association des commerçants Cap, qui fédère 110 membres, les clients des boutiques adhérentes peuvent bénéficier de trois heures de parking gratuit. Pour le gérant d’un café voisin, François Vérin, cela ne résoudra pas le problème. “Ça reste la galère pour se garer. Et puis, vu qu’il n’y que des petits commerces et pas des marques connues, est-ce que les gens vont faire un effort pour venir? Je ne pense pas”, suppose-t-il. En attendant, les commerçants de l’association multiplient les animations commerciales.

Un projet d’envergure pour une ville surendettée

Désaffection des Aubagnais, baisse de la fréquentation touristique, concurrence du centre commercial d’Auchan dans la zone des Paluds… Élu en 2014, le maire d’Aubagne Gérard Gazay (LR) a fait de cette mortification urbaine un enjeu politique dès sa campagne. Après une année de mandat, il a signé une convention de partenariat avec la chambre de commerce et d’industrie de Marseille Provence, renouvelé le 12 juillet dernier. Le but : accompagner le projet de “dynamisation commerciale du centre-ville” en requalifiant les grands cours qui structurent le centre-ville et en créant, dans la vieille ville un secteur dévolu à l’artisanat, au commerce d’art et de tradition. Le tout accompagné des tartes à la crème de l’aménagement urbain : espaces de coworking et un fablab. “Ce cœur [de ville] est en souffrance. Nous allons le faire renaître de ses cendres”, insistait Gérard Gazay à ce moment-là.

Pour mener à bien ce “projet cœur de ville” et en faire le phœnix de la commune, en 2016 le maire signait également avec le conseil départemental un contrat d’aménagement et de développement sur quatre ans apportant 11,5 millions d’euros pour développer l’attractivité du centre-ville. En dehors de cela, difficile de trouver le niveau des montants investis par la commune. Or, Aubagne est une ville surendettée. Dernièrement, la commune a été condamnée à verser 75 millions d’euros à la Royal Bank of Scotland, reliquat d’emprunts dit toxiques contractés par l’ancienne municipalité, soit “presque la moitié de la dette actuelle”, dénonçait Gérard Gazay dans un courrier adressé à ses administrés.

Le poids de la périphérie

Une fois les signatures posées, des financements confirmés et le projet d’un second centre commercial sur la zone des Gargues abandonné (lire notre article), le maire souhaite donc passer à la rénovation des rues piétonnes du centre-ville. Mais cela suffira-t-il à enrayer le déclin du centre-ville alors que les Aubagnais ont déjà accès au plus grand Auchan du département ?

Pour l’ancien maire, Daniel Fontaine (PC) :“C’est pas mauvais ce qu’ils font mais c’est insuffisant. Notre réflexion était de transformer le centre-ville. Il y avait aussi la nécessité d’une réflexion collective entre les Gargues et Aubagne, ce que nous faisions. Ce n’est pas en mettant quelques fleurs que l’on va faire revenir du monde.” La volonté de l’ancienne municipalité communiste était de développer la périphérie, via le projet de nouveau quartier des Gargues pour apporter de l’argent frais à la commune et avoir les moyens de développer l’attractivité du centre.

Forcément partiale sur ce sujet, la société aubagnaise pour l’aménagement des Gargues (Sapag), filiale du groupe Auchan qui porte le projet des Gargues est sur la même ligne (lire notre article). “Agir dans un centre-ville demande toujours des actions fortes, bien conçues, managées dans la durée et mobilisant des investissements considérables. Ces conditions ne sont pas remplies pour l’instant”, déplore Paul des Longchamps, patron de la Sapag. Il compare la situation aubagnaise à celle de La Ciotat. “La mairie de la Ciotat a fortement défendu son projet de multiplexe. Ceci ne semble pas poser de problème au centre-ville de cette commune. Pourquoi ce qui est bon à la Ciotat, est-il mauvais à Aubagne ?” C’est sans compter sur l’attractivité du santon..

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Commentaires

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Démarche difficile et de long terme que ces “reconquêtes” des centre-villes. L’exemple de Toulon est également intéressant, là où un centre historique délabré et paupérisé commence à revivre après 15 ans d’interventions publiques sur le bâti et la voirie associés à des projets privés. Et pourtant rien n’est encore gagné sur la durée. Faire revenir la vie (et les consommateurs) dans des centres qui ont trop longtemps été abandonnés à leur déclin nécessite des moyens conséquents et soutenus. Bon, pour Marseille, on a pas encore vu le début du commencement d’une reconquête sérieuse…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Vous exagérez : à Marseille, nous avons le plan “Ambition Centre-Ville”. On va voir ce qu’on va voir. Un peu comme avec le “plan piscines”, par exemple…

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    • LN LN

      Ou encore l’ambitieux plan “Axe Fluide”… (je mets des initiales ca marque mieux)
      Vous vous souvenez ?

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      A Marseille, rien de ce qui est annoncé ne voit réellement le jour dans les faits. Quand quelque chose est par miracle commencé il n’est jamais mené à son terme. Quand par second miracle il est mené à son terme il est très rapidement délaissé. Des incapables.

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