Lyon raconte la ville par la culture

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par Lagachon
le 23 Fév 2012
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Lyon raconte la ville par la culture
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Lyon raconte la ville par la culture

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Culture ou entertainement, machin à touristes ou matière à penser, opération d'urbanisme ou explosion créative : nous verrons enfin ce que sera Marseille Provence 2013, cet événement dont on parle depuis 2008.

Qu'est ce qu'une capitale culturelle ? Voilà une sacré question ! En quête d'éléments pour alimenter le débat, nous sommes allés enquêter du côté d'une ville souvent prise en exemple, qui ne sera pas capitale européenne de la culture en 2013, mais se voit bien en « cité créative ». Visite dans une ville qui se raconte aisément à travers ses cultures.

La métamorphose culturelle : décloisonner et mettre en réseau

La ville traîne une image de bourgeoise un brin glacial qui inspire plus la pièce de boulevard que la création d'avant garde, malgré une scène alternative très dynamique et très bien structurée qui a attiré beaucoup de monde. L'équipe municipale emmenée par Gérard Collomb depuis 2001 tente de briser cette image et s'étend largement sur les « métamorphoses de Lyon » dans sa communication officielle : Lyon l'industrielle et la coincée serait devenue Lyon la créative.

Biennale de l'Art contemporain, Nuits Sonores, Maison de la Danse, Institut Lumière, Biennale de la Danse, les Subsistances, Festival du cinéma… la liste des grandes institutions et événements culturels pose le cadre des ambitions d'une ville qui réserve 20% de son budget à la culture (7,7% à Marseille). Normal pour Georges Képénékian :

« La culture est le soucis du vivre ensemble, s'intéresser à la culture, c'est avoir une vision à 360° de la ville »

Il prend en exemple les efforts faits par la mairie dans la mise en valeur de la ville « en dix ans, Lyon est méconnaissable ». Ou la question des transports : « si on veut que les institutions culturelles soient accessibles à tous, il faut les connecter à tous ».

En dix ans, la mairie s'est efforcée de décloisonner les institutions, de les mettre en réseau et d'exploiter des filières (danse, cinéma, lumières, musique électronique…). Un décloisonnement qui pourrait aller un jour jusqu'à Marseille.

Après le choix de la capitale culturelle, la mairie de Lyon avait annoncé publiquement son intention de travailler avec Marseille pour 2013, un déjeuner avait eu lieu avec Bernard Latarjet, « et c'est devenu assez compliqué au niveau politique »… Un euphémisme très…politique pour nous signifier le point d'accroche. Néanmoins, il n'a pas perdu tout espoir de collaborer avec Marseille, citant l'exemple de la Belle de Mai ou de la Cité des Arts de Rue : « ce n'est peut-être pas la peine de réinventer la même chose quand on est qu'à 300 bornes, on ne peut plus faire du chacun chez soi avec son petit budget ». Et ce n'est pas le KLAP, qui collabore déjà avec la Maison de la Danse, qui le contredira.

Dix ans de décloisonnement et mise en réseaux pour arriver à un « écosystème culturel » qui repose sur trois piliers : 22 grandes institutions ou événements (Opéra, Nuits Sonores, Maison de la Danse…), une kyrielle de petites structures (théâtres, cinémas, festivals…) et les cinq écoles supérieures d'Art (Ensatt, CNSND, les Beaux Arts, le Conservatoire Régional et l'école d'Architecture). Il voit le rôle de la ville ainsi face à cet écosystème : rendre possible l'émergence de jeunes créateurs, sans compromettre l'ambition d'excellence. Ou comment concilier l'héritage bourgeois avec la volonté de renouvellement et de créativité.

C'est en suivant ce raisonnement qu'ils assument complètement attribuer l'essentiel des subventions aux grandes institutions, en charge de tirer vers le haut leurs filières à travers des « chartes de coopération culturelle », une stratégie diamétralement opposée au saupoudrage marseillais. La grosse enveloppe qu'elles reçoivent est conditionnée à un certain nombre d'actions qu'elles doivent mettre en place en collaboration avec des institutions plus modestes. Très beau sur le papier, c'est « un défi en cours » pour la Mairie.

La contre-culture se débat entre marginalisation et émergence

Un défi, et une belle ambition que saluent les structures alternatives comme Kraspek Myzik ou Grrrnd Zero, qui répètent à longueur d'interview leur bonne entente globale avec les institutions et leur volonté de poursuivre le dialogue, mais une ambition qui ne leur évoque pas grand-chose de concret pour l'instant.

Pour leurs représentants, si la ville est très bien lotie pour la culture institutionnelle, le tissu alternatif, lui, est mis à mal. L'exemple des musiques indépendantes à de quoi surprendre : Léa, programmatrice du Kraspek, nous explique que certains artistes « indés » ne trouvent plus de salles pour se produire à Lyon après les multiples fermetures de lieux, alors « si on nous retire le Clac Son (une des dernières salles indés), c'est la fin des haricots ! » !

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Et finalement, on en vient rapidement à évoquer les mêmes problèmes qu'à Marseille, même avec l'adjoint : relations de voisinage, limitateurs de décibels, baisse des subventions au profits de « paquebots culturels », concentration des activités festives dans des boîtes de nuit, (ré)aménagements urbains qui plus ou moins directement finissent par exclure les formes d'expression les plus alternatives…etc

Avec une différence notoire entre les deux villes, l'impression que les édiles lyonnaises voient un intérêt dans ces courants-là, notamment dans la perspective d'en finir avec cette image de coincés et aimerait bien les gérer… ou en tout cas, en faisant un certain tri sélectif.

L'exemple de la Friche RVI illustre bien cette situation. A l'inverse de la Belle de Mai, il s'agissait d'un espace autogéré sans lien avec les institutions, lesquelles n'ont pas tardé à vouloir reprendre la main. Georges Képénékian se rappelle qu'il y avait à l'intérieur trois types d'artistes : « des artistes en train de se confirmer, un groupe intermédiaire d'artistes en devenir et des gens qui étaient là pour des raisons pas forcément artistiques, et tout ça gratuitement ! ». Via une sélection par dossiers, ils ont organisé un nouvel espace autour de sept collectifs transdisciplinaires dans un bâtiment à proximité, malgré l'hostilité des voisins au début. L'émergence oui, le bazar, non.

Friches contre projets urbains

Joris, membre de Grrrnd Zero, soulève à ce sujet un point intéressant : « Nous, on ne veut pas particulièrement de subventions, on veut un lieu ! ». Un espace de liberté que les institutions préféreraient encadrer, Georges Képénékian reconnaît que le débat est loin d'être clos, et prend l'exemple de Berlin, où la Tacheless a dû fermer : « le prix du mètre carré fait que l'on aura de moins en moins de place, et pourtant on a besoin de lieux de création, de pépinière, de liberté. Mais j'ai énormément de demandes, comment je fais ? Il faut faire tourner, la mise à disposition définitive n'est pas une solution, ça marche si certains émergent, sortent et se professionnalisent ». Et ajoute qu'il faut aller voir à l'extérieur de Lyon : Givors, Saint Chamond, Tarare… car la pression foncière y est moins forte et qu'elles disposent de plus d'espace.

Tout ça pose la question de la politique de la ville pour Danielle Ebel du Kraspek

« je me demande s'ils ne cherchent pas une ville aseptisée en nous poussant à l'extérieur de Lyon ? Pour que quand le touriste vienne à Lyon, il ne reste que ce qui brille »

« Quelle est la priorité ? Les nuits de fourvières ou les lumières qui rapportent beaucoup d'argent, ou le soutien aux assos qui font bouger Lyon toute l'année ? Même si on rapporte rien ! ».

La culture donne effectivement une vision à 360° de la ville. L'histoire du collectif Grrrnd Zero raconte celle du quartier Gerland, où les friches industrielles ont laissé place au programme « ZAC des Girondins » et notamment au futur Biopôle construit autour de Sanofi Pasteur, un univers pharmaceutique où « un collectif monstre autogéré et déviant » comme Grrrnd Zero avec sa centaine de concerts bruyants par an n'a peut-être plus sa place. La ville se métamorphose comme dit le dossier de presse ; et donne l'impression à certain qu'elle se referme sur eux.

Recherche d'excellence et d'émergence, construction d'un écosystème, intégration ou exclusion de toutes les cultures dans la ville moderne… Autant d'éléments qui ne manqueront pas d'alimenter le débat autour de 2013, qui montrent que les sujets qui nous occupent sont loin de ne concerner qu'un espace réduit entre Huveaune et Rove, et nous interrogent sur le type de ville que l'on veut bâtir.

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Commentaires

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  1. piéton en colère piéton en colère

    Etonnant ! Vous n’avez pas évoqué le réseau des bibliothèques municipales avec sa tête de réseau qu’est la Bibliothèque qui n’a pas attendu d’être BMVR pour être une bibliothèque de référence ! Ce réseau ne donne pas l’image d’une ville bourgeoise…vous devriez interroger son directeur !

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  2. fpecot fpecot

    G.Képénékian l’a abordé dans notre interview, ça a effectivement été un chantier très important qui aurait mérité qu’on l’aborde…comme de nombreux autres sujets, mais il a fallu choisir. Merci de votre précision

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