Libraire à Marseille, bientôt une espèce en voie d'extinction ?
Libraire à Marseille, bientôt une espèce en voie d'extinction ?
Ce matin là, ils étaient déjà une petite dizaine à attendre devant les portes de la librairie Maupetit (1er arrondissement), encore fermée. Les grilles se lèvent, les clients affluent. Assis derrière son bureau, Damien Bouticourt, le directeur de la librairie et trésorier de l’association Libraires à Marseille, travaille sur quelques dossiers, répond aux nombreux coups de fils. Les vendeuses renseignent les clients, déjà nombreux à cette heure-ci. Pourtant, notre rendez-vous avec le directeur avait été fixé le matin, « c’est plus tranquille que l’après-midi ». Bref, en cette période de Noël, la librairie tourne à plein feux.
Mais Damien Bouticourt n’est pas pour autant confiant. L’augmentation de la TVA sur le livre a été adopté par l’Assemblée nationale, et passe ainsi de 5,5% à 7%. Une augmentation de 1.5 point qui risque de plomber un peu plus la profession, déjà affaiblie par l’apparition des livres numériques. De nombreuses associations de libraires en France et à Marseille se sont regroupées pour dénoncer cette réforme.
Présentée par Nicolas Sarkozy comme « un produit de première nécessité » au même titre que l’eau ou la nourriture il y a tout juste quelques semaines, la culture semble aujourd’hui remise en cause par le gouvernement. D’après une étude réalisée parle cabinet Xerfi pour le ministère de la culture et de la communication et le Syndicat de la librairie française (en mai 2011), la rentabilité moyenne d’une librairie s’élève à 0,3% de son chiffre d’affaire. Un résultat que Damien Bouticourt explique simplement : « notre rentabilité dépend à la fois de la loi Lang sur le prix unique du livre, et sur les contrats que nous avons avec les éditeurs, qui fixent les remises qui nous sont accordées. Par contre, les coups de transports augmentent, les charges salariales aussi… Nous n’avons presque pas de marge de manœuvre. Mais ce système nous a permis de rester en vie ». D’après la même étude, la hausse de la TVA ferait passer la rentabilité d’une librairie à -0,2%, soit beaucoup de pertes et un risque évident de fermeture pour les plus petites structures. Ceci, pour un gain estimé à 60 millions d’euros pour l’Etat…
« C’est une mesure désastreuse pour la profession, surtout à Marseille », ajoute Damien Bouticourt. En effet, Marseille ne compte qu’une vingtaine de librairie. En région PACA, le résultat n’est pas meilleur avec 55 librairies indépendantes. « On estime qu’en France, sur les 2500 points de vente existants, près de 1000 d’entre eux auront disparu d’ici 5 ans ». Un chiffre qui ne prend pas en compte l’augmentation de la TVA.
Vers une augmentation du prix du livre ?
Le problème, comme nous l’explique Damien Bouticourt, c’est qu’on leur a annoncé cette augmentation, sans pour autant leur donner les pistes pour maintenir leur rentabilité. « Aujourd’hui, la moins mauvaise solution que nous voyons c’est une augmentation générale du prix des livres« . Ce qui correspondrait à revaloriser les prix de 1,42%, soit environ 30 centimes d’euros par exemplaire. Une augmentation minime certes, mais qui, une fois de plus « se reporte sur le dernier maillon de la chaine, le consommateur », se désole le libraire.
Oui, mais augmenter le prix des livres entraine un certain nombre de contraintes techniques que le gouvernement a vaguement pris en compte en accordant un délai supplémentaire aux libraires. Prévue au 1er janvier 2012, l’augmentation ne sera finalement appliquée qu’au 1er avril 2012.
« Actuellement, j’ai 90 000 volumes en stock dans ma librairie. Vous croyez vraiment que les éditeurs vont accepter de les reprendre pour tous les réimprimer avec le nouveau prix ? », s’agace Damien Bouticourt. « On va donc devoir demander une dérogation pour pouvoir laisser le même prix sur les livres et annoncer sur les panneaux à part que le prix est en fait différent. D’où un problème de clarté et éventuellement une baisse de confiance du consommateur ». Et un évident problème de concurrence avec les grosses enseignes comme la Fnac ou Virgin qui n’auront certainement pas besoin d’augmenter le prix les livres puisqu’elles pourront récupérer les pertes sur d’autres produits. Sans parler des bibliothèques municipales et scolaires par exemple, qui, pour un même budget, seront obligées d’acheter moins de volumes.
Le cadeau « viril » de Hollande à Sarkozy
Au-delà d’un risque certain pour la profession, c’est une partie de la culture qui devrait faire les frais de cette nouvelle mesure. En visite dans une librairie parisienne hier soir, François Hollande s’est fermement opposé à cette augmentation, promettant même de rétablir la TVA à 5,5%. « J’ai même annoncé que la réforme que je poursuivrai ce sera de redéfinir les taux de TVA et de dire quelle sera la répartition des produits entre les quatre taux de TVA. Le homard est taxé à 5,5%, le livre à 7% et d’autres produits à 19,6% ! Le livre devra revenir au taux réduit de TVA ». Et en passant, il en a même profiter pour régler ses comptes avec Nicolas Sarkozy. En effet, il semblerait que le chef de l’Etat s’amuse à appeler son opposant « le petit » (!) pendant les réunions à l’Elysée. François Hollande s’est donc emparé d’un livre, Histoire de la virilité sur la couverture duquel on voit Clint Eastwood, armé d’un pistolet. « Il faut lui offrir ! » aurait lancé le candidat en riant.
Commentaires
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Capitale Européenne de la culture 2013.
Une ville où on vous insulte quand vous ouvrez un livre dans le métro.
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On doit pas circuler sur les mêmes lignes.
Cela dit, quand je vois du lévy, musso, nothomb et autres kennedy, l’envie d’insulter me monte…
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Mais où est passée la rubrique concernant le négationisme Arménie Turquie?
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Merci de rendre hommage aux libraires marseillais.
Il faudrait que les collectivités territoriales s’unissent pour aider ces commerces si rares dans Marseille.
JOYEUSES FETES A TOUTE L’EQUIPE DE MARSACTU que je félicite pour sa ténacité et la qualité de ses reportages.
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oui la librairie Maupetit est irremplaçable !! je la fréquente depuis toujours ( ça fait longtemps ) mais elle a évolué avec le temps et le progrès !! et son atmosphère est t toujours aussi chaleureuse
allez y achetez et offrez des livres !! c’est le plus beau cadeau …………….
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Il n’y a pas que les espèces animales qui soient menacées d’extinction. Le support papier ne retrouvera pas ses heures de gloire (Marsactu en est la preuve) mais il suscite plus de soutiens que feu(x) les disquaires, les tripiers ou les boucheries chevalines. L’avenir appartient aux auteurs et aux tablettes numériques.
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en même temps il reste des libraires militants formidables à marseille : l’odeur du temps, histoire de l’oeil, titre, le lièvre de mars…
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Ça fait des années que je prends le métro à Marseille et que je lis dedans, je n’ai jamais eu la moindre remarque. Il faut arrêter de colporter des inepties.
Une petite chose me fait tout de même tiquer dans cet article :
“Et un évident problème de concurrence avec les grosses enseignes comme la Fnac ou Virgin qui n’auront certainement pas besoin d’augmenter le prix les livres puisqu’elles pourront récupérer les pertes sur d’autres produits.”
> C’est une erreur vu que la loi du prix unique du livre est toujours en vigueur à ce que je sache, si jamais le prix du livre augmente, il augmentera partout, pour les libraires indépendants comme pour Virgin, la FNAC et autres grosses enseignes.
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…Il y a effectivement un problème avec le prix des livres : il est exorbitant (comme les places de cinéma, ou les disques), et probablement très mal redistribué.
Je note que ces braves politichiens s’abstiennent bien d’ailleurs d’aborder le sujet des éditeurs qui, là comme dans l’audio-visuel, sont les vrais maquereaux..
Perso je n’achètent que chez les bouquinistes, je n’aurais pas les moyens de satisfaire mes besoins autrement. Et ça me fait toujours mal au cœur de payer une fortune un produit de facture bien souvent lamentable…
Le Livre est effectivement un produit de luxe, malheureusement…et dans le fouillis des éditeurs qui éditent pour éditer, il est vrai que se découvrir un libraire “frère en goût” est bien pratique. Mais la question de l’économie de ce secteur reste posée : combien de sorties à chaque rentrée littéraire ? ….Ce ne sont certes pas les libraires qui l’empochent mais il y a effectivement un magot éditorial, qui ne profite ni aux libraires ni aux lecteurs.
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Il y a un peu plus de dix-huit mois pour passer le temps en attendant des amis pour prendre un pot à la Vieille Charité je fouinais dans les étagères de la librairie « Regard » récemment disparue.
Là je découvrais un livre passionnant, très bien documenté de M. Rachid Aous « Aux origines du déclin de la civilisation arabo-musulmane » édité par les éditions des Patriarches Cet ouvrage pointe la « tolérance coloniale »à l’égard d’un islam archaïque et figé depuis le XIIIème siècle de notre ère après la chute des Abbassides et le début du déclin de l’Espagne andalouse
« La tolérance coloniale est une variante de la tolérance du conquérant, analysée par Bayle in « Pensées diverses » C’est une tolérance intéressée : il vaut mieux éviter les vexations qui pourraient pousser les peuples conquis à la révolte. Et c’est une tolérance discriminatoire : il est avantageux de laisser aux peuples soumis la religion qui a fait d’eux des vaincus et qui aide à les maintenir dans leur état de soumission » F Sigaut
Cet islam archaique prospère dans les pétromonarchies réactionnaires du Golfe, qui tentent de « récupérer » le printemps arabe aux dépens des démocrates de ces pays et avec la bénédiction de « l’occident » néoconservateurs Ce qu’on peut qualifier de « Nouvelle Sainte Alliance »
Ainsi on peut se demander si les « prépondérants »ne peuvent pas trouver que des avantages à la disparition des libraires indépendants qui peuvent diffuser des livres hors normes
Il faut se rappeler l’idée fondamentale développée par Voltaire en1765 dans son libelle intitulé « De l’horrible danger de la Lecture » Il la définit ainsi :
. « Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés »
• Prés de deux siècles plus tard en 1953 aux États-Unis est publié Fahrenheit 451 un roman de science-fiction de Ray Bradbury Il paraît en France en 1955 aux éditions Denoël
.Voici quelques extraits de l’analyse publiée par WIKIPEDIA
« Dans un futur indéterminé, Montag est un « pompier » dont le travail est de brûler toutes les œuvres écrites, sans exception. Lui et son escouade pyromane parcourent la ville à la recherche de toutes les bibliothèques illégales, et ont pour ordre strict d’en faire un autodafé. Le monde de Montag est un monde où posséder un livre, voire simplement lire une œuvre écrite, sont devenus des crimes »
La description d’une société apocalyptique
La société déshumanisée décrite par Fahrenheit 451 montre que de nombreuses valeurs humaines ont sombré ; l’amour, puisque Montag et sa femme ne se rappellent plus leur première rencontre, l’intelligence a aussi sombré ; en effet, les gens se contentent de l’opinion officielle et même les « gardiens de la vérité », comme Beatty, ne comprennent pas ce qu’ils disent, puisque d’après eux, la culture et le dialogue se résument à un échange de citations. Même la communication a sombré, chacun fait preuve d’un individualisme forcené. Les gens sont redevenus des enfants, ils vivent dans l’immanence et veulent uniquement agir : « Les gens ne parlent de rien. » Enfin, cette société est probablement redevenue primitive, puisqu’elle pratique le culte de la violence, au nom du bonheur.
L’échec d’une société du bonheur : la société présentée par Fahrenheit 451 est a priori parfaite, puisque les gens qui y vivent sont heureux, comme l’explique Beatty dans son discours. Cependant, ceci n’est qu’une illusion. En effet, dès les premières pages, Montag se rend compte qu’il n’est pas heureux. Inconsciemment, Mildred sait qu’elle n’est pas heureuse, puisqu’elle tente de se suicider à l’aide de somnifères. D’ailleurs, son cas n’est pas exceptionnel : « Des cas comme ça […] on en a tellement depuis quelques années. »
Par ailleurs, sous couvert de proposer du bonheur aux gens, cette société machiavélique en profite pour leur vendre une foule de produits ; ainsi, Montag s’est mis dans une situation financière délicate pour pouvoir offrir à sa femme sa télévision murale ; cependant, le système profite aussi de leur inconscience pour leur vendre des choses bien plus importantes, comme un président ou une guerre.
Ce qui a causé l’émergence d’une telle société
• es méfaits de l’émergence d’une culture de masse : comme le décrit le pompier Beatty, l’émergence d’une telle société n’a été rendue possible que par l’émergence d’une culture de masse, facilité par la déliquescence du système scolaire ; « le cinéma et la radio, les magazines, les livres sont nivelés par le bas en une vaste soupe ». Les gens se sont désintéressés de la culture et ont préféré faire du sport ou regarder la télévision.
• L’absence de mobilisation des intellectuels : la situation a aussi été rendue possible par le fait que les intellectuels comme Faber ne se soient pas mobilisés : « J’ai vu où on allait, il y a longtemps de ça. Je n’ai rien dit. Je suis un de ces innocents qui auraient pu élever la voix quand personne ne voulait écouter les « coupables ». » Ce message peut être considéré comme un appel à la communauté des intellectuels pour qu’ils se mobilisent contre l’an alphabétisation de la société
Conclusion :pour mieux comprendre la menace qui pèse sur les libraires indépendants ne fait-il pas mettre en perspective la formule de Voltaire, Fahrenheit 451 et les conclusions de ce texte glané sur la toile et évoquant M. Le Lay patron de TF1 qui vendait ” du temps de cerveau humain disponible “à Coca-cola : « diffuser des émissions ayant vocation à paralyser le cerveau des téléspectateurs, pour le rendre disponible à entendre et à accepter n’importe quel message. TF1 veut former l’homme nouveau, l’homme idéal : stupide, hébété, creux, perméable à n’importe quel message, n’importe quelle absurdité. Shooté à l’illusion et à la vulgarité, le téléspectateur idéal selon TF1 ne sait plus faire la part du vrai et du faux, il n’en a même plus le désir ni l’énergie : la vérité ne l’intéresse plus. Préparé à entendre n’importe quoi, il en vient à aimer son aliénation, à fredonner les musiques des pubs Coca-Cola, à trouver qu’Ariel lave vraiment plus blanc, à détester la culture et la réflexion, à mépriser l’intelligence et à idolâtrer Sarkozy. Ce faisant, TF1 ne vend pas seulement « du temps de cerveau humain disponible » à Coca-Cola, elle vend des cerveaux dociles et dépolitisés au Pouvoir, des cerveaux disponibles à la propagande la plus sournoise, comme les cerveaux américains disposés à entrer en guerre contre l’Irak hier. Comme les cerveaux français aujourd’hui, plus intéressés par la coupe européenne de Football que par les élections européennes et l’énième défaite électorale de Raffarin, plus inquiets de la grandeur de la France que du taux de chômage, inertes devant la destruction des services publics, acquis au fatalisme politique selon lequel « on ne peut pas faire autrement ». Quand Goebbels, ministre de la propagande nazie, entendait parler de culture, il sortait son revolver. Quand TF1 entend parler de cerveaux, elle sort ses émissions. »..
Antonio Mollesse
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Autre sujet préoccupant :la disparition des marchands de journaux concurrencés ,il est vrai par la toile Il n’en demeure pas moins que celui du Vieux port,qui diffuse la presse étrangère et de nombreux titres ,qu’on ne trouve pas ailleurs risque de n’être plus là pour 2013.Son patron négocie actuellement la vente du fonds Qui prendra la suite :un magasin de fringues comme à la place de Brahic rue Paradis ou un resto ?
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J’aime beaucoup me rendre dans les librairies marseillaises et j’y achète volontiers des ouvrages, mais j’ai trouvé que certains libraires étaient particulièrement désagréables. Peut-être y’a t’il aussi un effort à faire de ce côté là pour garder des clients…
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Bravo pour cet article, très instructif, qui toutefois ne développe pas la question du livre numérique, à peine évoquée en passant.
Je ne crois pas à la concurrence du livre numérique, pour ma part. Le livre est un objet, pas juste un contenu.
Intéressant à noter : le développement du troc de livres sur toutes sortes de sites web et aussi à l’initiative de structures municipales. Ceux qui sont intéressés peuvent nous rejoindre pour développer le [url=http://www.chacunsatribu.com]troc de livres[/url].
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Les “coups” de transport? ça doit faire mal!
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