L’hôpital Nord laisse sur le carreau les parents de nourrissons prématurés

Actualité
le 6 Fév 2018
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Depuis plusieurs jours, l'hôpital Nord n'offre plus de solution d'hébergement aux parents d'enfants prématurés. Une maman s'en est ému sur Facebook provoquant une avalanche de partages et une communication embarrassée de l'assistance publique.

Réservées aux élèves infirmiers, ces deux tours accueillaient jusqu
Réservées aux élèves infirmiers, ces deux tours accueillaient jusqu'il y a peu des familles de nouveaux-nés hospitalisés. (image BG)

Réservées aux élèves infirmiers, ces deux tours accueillaient jusqu'il y a peu des familles de nouveaux-nés hospitalisés. (image BG)

Magali Martin aurait préféré avoir autre chose à penser en ces moments difficiles. Prématuré, son fil est né à l’hôpital Nord le 27 janvier dernier. La jeune femme habite en Corse avec son mari et ses deux grands aînés. C’est déjà dans l’hôpital des quartiers Nord que sa grossesse à risque était suivie. Mais avec la prise en charge de son fils au service de néo-natologie, l’hôpital lui réserve une autre surprise. Rien n’est prévu pour l’accueillir à proximité de son fils. “Ils m’ont baladé de service en service, explique Magali Martin. Les premiers jours, j’étais dans une chambre double avec une maman et son nourrisson. Ce n’était pas le plus agréable. Ensuite, je me suis retrouvée en gynécologie, avec les grossesses à risque. Au moins, je pouvais voir mon fils 24 heures sur 24.”

Et puis, il y a quelques jours, elle apprend qu’elle ne pourra pas rester. L’hôpital Nord n’assure pas l’hébergement des parents dont les enfants sont hospitalisés. Ou plutôt, il ne ne fait plus. “En parlant avec les gens du service néonat’, qui font d’ailleurs un travail formidable, j’ai appris que l’AP-HM venait de fermer dix studios qu’elle proposait jusque-là aux familles d’enfants hospitalisés. Sans rien proposer en solution pratique à proximité.”

15 000 partages en 24 heures

La jeune femme décide donc de témoigner  de ce qu’elle vit depuis une semaine, histoire “d’alerter un peu plus haut de ce qui se passe pour les mamans de prématurés”. Publié ce dimanche sur sa page Facebook, le message s’envole en milliers de partages, au point d’atteindre les 15 000 lundi soir.

“J’ai souhaité témoigner parce que je suis loin d’être la seule dans ce cas, confie-t-elle dans le long couloir où elle passe une partie de son temps. Il y a 25 places et seulement deux “chambres kangourous”, où les mères peuvent passer du temps auprès de leur nourrisson. Curieusement, quand ils ont vu que mon post était très partagé, l’hôpital m’a proposé une de ces chambres mais je ne veux prendre la place de personne.”

Dès demain, Magali Martin commencera les allers et retours quotidiens depuis Salon-de-Provence où elle est logée par des proches. Avec la difficulté de continuer à allaiter son enfant à distance…

“Pas conforme à la législation”

Du côté de l’AP-HM, le service communication a vu l’envol de la publication et préparé en réponse un communiqué un brin embarrassé. Car le fin mot de l’histoire s’avère juridique : “La direction de l’hôpital Nord avait fait le choix il y a quelques années de réserver une dizaine de studios au sein des « tours infirmières », pour les proposer aux familles de patients hospitalisés, indique le communiqué. (…) À l’hôpital Nord, c’est la direction de l’hôpital qui assurait jusqu’ici cette gestion, dans l’intérêt exclusif des familles, en lien avec les équipes des services de soins concernés. Or, à l’issue d’une analyse juridique menée par l’AP-HM, il s’avère que ce type de prestation n’est pas conforme à la législation : pour continuer à proposer des studios aux familles de patients, l’AP-HM doit absolument s’adosser à un partenaire associatif dont ce serait la mission”.

Visiblement, l’assistance publique a décidé de mettre fin au service proposé avant d’avoir trouvé le partenaire associatif susceptible de prendre le relais comme c’est le cas à Sainte-Marguerite pour les parents d’enfants hospitalisés à La Timone. “À notre connaissance, la direction de l’AP-HM craignait de se faire poursuivre pour exercice illégal du métier d’hôtelier, explique Pascale Jourdan, secrétaire générale de la CGT à l’Hôpital Nord. Ils ont alerté la direction de l’hôpital en juillet et la décision a été prise en fin d’année. C’est vrai que c’était pratique et pas cher pour les familles à 8,50 euros la nuit. Mais l’hôpital trouve un moyen de régler un problème qu’elle n’arrivait pas à gérer, avec une seule concierge qui se retrouvait à gérer la caution, le ménage, les réservations…”

Hôtel du Nord en sparadrap

En lieu et place, l’hôpital Nord renvoie vers un hôtel à Saint-Antoine à 59 euros la nuitée. En matière hôtelière, les quartiers Nord sont un vrai désert. D’ailleurs, l’hôpital renvoie volontiers vers les chambres d’hôtes de la coopérative Hôtel du Nord. Ce réseau d’habitants des quartiers Nord propose des chambres chez l’habitant à “un tarif préférentiel” selon l’AP-HM, mais au moins quatre fois plus cher que ce qu’elle proposait jusqu’à lors. “Nous avons une dizaine de chambres situées à proximité de l’hôpital, raconte Agnès Maillard, membre de la coopérative. En théorie, c’est plus, mais nous nous sommes aperçus que les gens voulaient vraiment être au plus proche de leurs malades. En moyenne, la chambre est à 40 euros avec un tarif dégressif au bout de quelques jours de séjour”.

L’ancienne infirmière hospitalière a déjà connu de belles histoires d’accompagnement de ces proches de patients hospitalisés. Ce lundi, elle avait justement une réunion avec le service social de l’hôpital à ce sujet. “Ils nous ont proposé de gérer ces studios à leur place”, raconte-t-elle. Mais il n’est pas question de faire cela bénévolement. “Cela correspond à un poste à mi-temps que notre association ne peut pas prendre en charge. On ne peut pas se dire que cela ne correspond pas aux missions de l’hôpital public. Après tout, l’hôpital, c’est d’abord l’hospitalité, non ?”

Dans le communiqué de l’AP-HM, cela donne ce mot d’excuse un brin emberlificoté :

La direction et les équipes médicales et soignantes comprennent la détresse de familles déjà confrontée à des situations difficiles, et les assurent de leurs efforts pour examiner au plus vite toutes les possibilités de solutions.

Point positif, ce lundi, Magali Martin a déjà été contactée par trois associations qui se disent prêtes à proposer une solution d’hébergement. Entre les allers et retour Salon-Marseille, les soins et les tétées, elle aura le temps de jouer les intermédiaires.

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