L’agriculteur qui logeait ses ouvriers dans des conditions insalubres débouté par la justice

Actualité
le 23 Juin 2022
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Le tribunal administratif de Marseille vient de rejeter la requête de l'exploitant agricole du pays d'Arles qui hébergeait des travailleurs détachés dans des conditions indignes. Il s'opposait à la préfecture qui lui imposait de réaliser des travaux.

Au Mas de Cast à Maillane, les ouvriers ne boivent toujours pas l
Au Mas de Cast à Maillane, les ouvriers ne boivent toujours pas l'eau du robinet « qui fait mal au ventre » et peinent à dormir à cause des puces de lit.

Au Mas de Cast à Maillane, les ouvriers ne boivent toujours pas l'eau du robinet « qui fait mal au ventre » et peinent à dormir à cause des puces de lit.

Pas de dispositif anti-incendie, une surpopulation flagrante, ou encore l’absence de tout produit sanitaire… À l’été 2020, Marsactu révélait les conditions déplorables dans lesquelles Didier Cornille hébergeait 120 ouvriers agricoles au Mas de la Trésorière, près d’Arles. Gérant d’exploitations dans le secteur, celui-ci employait, notamment par le biais de l’entreprise d’intérim espagnole Terra Fecundis, des centaines de travailleurs détachés qu’il logeait lui-même dans divers endroits. Après la découverte de foyers de Covid-19 au Mas de la Trésorière, des contrôles de la préfecture avaient ainsi débouché sur trois arrêtés imposant la fermeture de ces lieux d’hébergement, assortis de mise en demeure de réalisation de travaux.

L’une de ces mises en demeure concerne le Mas du Cast, à Maillane, près de Saint-Rémy-de-Provence. Un acte administratif que l’exploitant agricole a décidé de contester devant la justice. Entre autres arguments, il avançait le fait que l’insalubrité du lieu était la conséquence du comportement de ses occupants. Le tribunal administratif de Marseille vient de rendre sa décision : sans surprise, il rejette la requête de l’exploitant.

Des “allégations sans élément probant”

Par un acte daté du 5 mai 2020, la préfecture mettait l’exploitant en demeure d’effectuer des travaux “de mise en conformité des locaux affectés à l’hébergement collectif”. Mais aussi de raccorder en eau potable ces locaux, de limiter à 40 le nombre de personnes hébergées (il y en avait 160 !), de reloger les autres occupants et, enfin, de fermer ces locaux le temps des travaux.

Si la justice a décidé de laisser de côté la question de l’eau potable, elle rejette en revanche l’argument selon lequel la dégradation des lieux résulte du comportement des occupants. La “société requérante n’apporte à l’appui de ses allégations aucun élément probant”, écrit le tribunal dans son jugement.

Plus encore, appuie la justice, “ces non-conformités, qui ne se limitaient pas à un simple défaut d’entretien ou de désinfection des lieux, relevaient de la structure et de la disposition même des locaux et non d’une négligence éventuelle de leurs occupants.” Et le tribunal administratif de Marseille d’énumérer :

“La température des douches n’était pas réglable, le nombre de personnes utilisant
les cuisines ne permettait pas le respect des mesures de distanciation sociale alors préconisées
pour lutter contre l’épidémie de covid-19, le nombre de toilettes était insuffisant pour
l’ensemble des salariés hébergés, le défaut d’aération entraînait des moisissures sur certains
murs, le nombre d’occupants par chambre était trop important au regard de leur superficie
minimale, les locaux ne disposaient pas d’un extincteur ni d’un système d’alarme incendie.”

Pour le tribunal administratif de Marseille, les travaux préconisés par les services de l’État étaient précisément détaillés et bien réalisables dans un délai de quinze jours. Une date limite que l’exploitant contestait et n’a, de ce fait, pas respectée. Tout comme le relogement des occupants dans les 24 heures. Pourtant, confirme le tribunal, il s’agissait bien là d’une “situation d’urgence”, notamment au regard du contexte de crise épidémique.

Cette première décision de justice n’augure rien de bon pour Didier Cornille, dont l’aventure devant les tribunaux ne devrait pas s’arrêter là. En février 2021, le parquet de Tarascon a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire sur les conditions d’hébergement des salariés de Terra Fecundis, originaires d’Afrique et d’Amérique du Sud. Didier Cornille figure dans ce dossier dont les faits présumés relèvent de la “traite d’êtres humains commise en échange d’une rémunération ou d’un avantage” mais également de “soumission, par personne morale, de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions d’hébergement indigne” et enfin de “non-déclaration de l’affectation d’un local à l’hébergement collectif”.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    “il avançait le fait que l’insalubrité du lieu était la conséquence du comportement de ses occupants”
    Ils osent tout.
    Même discours pour tous les logements insalubres et autres cités dégradées. C’est la faute aux occupants, bien sûr.

    Cet homme semble être un vestige vivant de l’administration coloniale.

    Certains êtres humains ne sont pas des êtres humains pour ces gens-la. Ils s’autorisent alors tout.

    Pour une fois, il y a une justice.

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  2. Bibliothécaire Bibliothécaire

    Une idée des subventions de la PAC que perçoit cet exploitation ?

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    • Françoise Françoise

      Depuis l’enquête de 2020 la société qui gère le Mas du Cast est autorisée par le préfet à utiliser l’eau de son forage à des fin de consommation humaine. L’eau est contrôlée régulièrement.

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  3. Françoise Françoise

    Depuis l’enquête de 2020 la société qui gère le Mas du Cast est autorisé par le préfet à utiliser l’eau de son forage à des fin de consommation humaine. L’eau est contrôlée régulièrement.

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  4. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Agriculteur ou exploiteur agricole ?

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