L'étrange campagne de monsieur Fratani

À la une
le 10 Mar 2014
20
L'étrange campagne de monsieur Fratani
L'étrange campagne de monsieur Fratani

L'étrange campagne de monsieur Fratani

"Ça y est, ma plainte est déposée. On peut se voir". Rangé des voitures, Marc Fratani pourrait se contenter de contempler la mer depuis le logement social des Catalans où il vit depuis quelques décennies. Mais l'ancien attaché parlementaire et homme à tout faire de Bernard Tapie, puis du député européen du parti radical de gauche Michel Dary, a trouvé de quoi occuper son temps libre. Alors que son ancien mentor se met à table dans le cadre d'une émission politique inédite, lui-même s'est lancé à corps perdu dans la campagne des municipales. Son objectif : empêcher Patrick Mennucci de devenir maire de Marseille. "Je suis un homme libre. Je ne suis pas là en service commandé pour Bernard Tapie. Je l'ai informé. À partir de là, je fais ce que je veux".

Cette entrée dans la campagne marquée par une interview sur lepoint.fr lui a valu d'être cité à l'antenne de BFM par le candidat PS/EELV, qui était interrogé par Ruth Elkrief. A une question sur le rôle du président de la République dans la campagne, Patrick Mennucci renvoie en écho la présence de Marc Fratani auprès de Jean-Claude Gaudin et d'un certain "milieu".

La sortie fait bondir l'intéressé qui annonce aussitôt qu'il portera plainte pour diffamation. Reprise par la presse, cette annonce de Fratani provoque un communiqué de l'équipe de campagne de Mennucci tout aussi virulent et encore plus précis. Extrait :

Cette plainte pourrait faire sourire, venant de la part d'un individu dont Le Monde a écrit l'année dernière qu'il était un ami de Richard Casanova, le parrain de la Brise de Mer. Ou encore dont l'ancien magistrat Etienne Ceccaldi, qui a été un temps à la tête de l'OM, a récemment affirmé la proximité avec les milieux mafieux.

La Toile est plutôt prolixe à l'égard de l'ancien directeur de l'administration sportive de l'OM en 2001. On trouve effectivement son nom associé à quelques célèbres figures du grand banditisme marseillais, passé et récent. Dans L'histoire secrète de l'OM de David Garcia, il revendique son amitié avec Jean-Luc Barresi, agent de joueur, récemment condamné pour extorsion de fonds dans un vieux dossier portuaire. C'est Fratani encore qui, dans l'ouvrage, fait part de l'intervention de Bernard Tapie en faveur de Francis le Belge, parrain supposé de la ville et incarcéré en préventive au début des années 1990. 

"Et alors ?, s'énerve l'homme en noir. Si je connais autant de voyous que Patrick Mennucci ? Oui, c'est vrai. Pour le reste, ce communiqué ne parle que de gens morts. Et si j'étais présent au procès de Jean-Luc Barresi, c'est parce que j'accompagnais Jean-Yves Liénard comme c'est le cas à chaque fois qu'il se déplace à Marseille". Grande figure du barreau de Paris, Me Liénard est souvent présenté comme l'avocat des voyous, des frères Hornec à la Brise de mer. Il est aussi celui de Bernard Barresi et de son frère, Jean-Luc. C'est lui qui le défendait dans le récent procès qui l'a vu condamné. Marc Fratani était dans le public. 

Agent de basses oeuvres

Des voyous, Marc Fratani ne veut pas en parler si ce n'est pour dire qu'il en connaît "comme tout le monde" depuis les campagnes de Defferre "où ils rendaient des services dans tous les camps". Mais "je ne suis pas un parrain du milieu", rigole-t-il. Et quand on évoque ses réseaux, il sort son téléphone où il a copié la définition du mot : "Ensemble de relations. Oui ça j'en ai. En étant toutes ses années au côté de Bernard Tapie, j'ai forcément acquis des relations, notamment dans le monde politique mais aussi dans le milieu sportif et associatif". Ce sont ces mêmes relations qu'il réactive aujourd'hui au service de la candidature du maire sortant. En bonne intelligence avec son directeur de cabinet, Claude Bertrand. "Je ne me cache pas. Quand je vais à la mairie, je dis mon nom à l'entrée, c'est officiel. Et je ne l'ai jamais vu ailleurs", assume-t-il, en agent des basses oeuvres.

En exemple de ce pouvoir de nuisance, il cite le nom d'Eric Tagnati. Ancien associé de Patrick Mennucci et d'Yves Botton (aujourd'hui directeur de campagne du premier) dans la gestion du grand garage Renault de la Timone, ce dernier accuse le candidat socialiste de l'avoir ruiné comme l'a raconté Bons Baisers de Marseille dans son premier numéro. "C'est moi qui ai conseillé à Michel Dary de le mettre sur la liste du 1/7 de l'union pour Marseille. Je pense qu'il aura des choses à dire", dit-il, pas mécontent de son effet. Avec le patron local du PRG, le cheminement ressemble fort à la reconstitution de ligue dissoute. En 1995, il était à son côté, quand Tapie était empêché par ses ennuis judiciaires. Michel Dary contribuait déjà à la désunion à gauche en présentant des listes sous l'étiquette radicale. On y croisait Charles-Emile Loo – dont le neveu, Fernand Piétri, se présente aujourd'hui sous l'étiquette de l'Union pour Marseille – et bon nombre d'anciens supporteurs de Vigouroux qui resurgissent aujourd'hui dans le sillage du PRG. 

Sans le dire ouvertement, Fratani prend contact avec ses anciens amis au parti socialiste pour voir lesquels seraient susceptibles de voter avec Jean-Claude Gaudin en cas de majorité relative. Devant nous, il prend au téléphone un élu socialiste candidat à une place charnière. Il lui pose la question et répète à haute voix ce qu'il présente comme sa réponse, positive forcément.

"Des contacts dans les clubs sportifs"

A-t-il également des liens avec les listes "Marseille unie" qui ont fleuri dans les 9/10, 13/14 et 15/16 ? "Le 9/10, c'est là où Bernard Tapie s'était présenté contre Guy Teissier à la législative partielle de 1988, rappelle-t-il. Forcément, en faisant campagne avec lui, j'ai gardé des contacts dans les associations, les clubs sportifs". Or, parmi les têtes de liste, on retrouve Salah Nehari, ancien président du club de football de la Cayolle et employé du conseil général. Ou encore le boxeur Cyril Abidi qui sur son site personnel a oublié d'ôter la bannière de News of Marseille, feu le site d'infos lancé par Alexandre Guérini.

"Attention. N'allez pas dire que je suis derrière ces listes. Ce sont eux qui m'ont appelé, pas l'inverse". Il accompagne le mouvement sans le susciter. Ses intérêts pourraient croiser ceux de Jean-Noël Guérini ou de son frère. Il nie avoir des relations avec le premier et ne pas croiser le second : "J'ai rencontré Jean-Noël Guérini pour essayer de le convaincre de rétablir les financements du conseil général pour La Provence. Olivier Mazerolle l'avait vu, ensuite Bernard Tapie a dîné avec lui. Rien n'a changé, alors Bernard Tapie m'a demandé de le rencontrer". Pourquoi lui en dernier ressort ? "Parce que j'ai un certain sens de la persuasion et de la diplomatie". Ces qualités auto-décernées n'ont pas permis de faire plier le patron du CG 13 qui, fâché par le traitement journalistique de ses affaires judiciaires, n'a pas remis un centime dans l'entreprise de presse.

Pour donner de l'épaisseur à ses qualités d'homme de l'ombre, il cite son passé de "gauchiste" de 1967 à 1972. Membre de la ligue communiste, il dit y avoir beaucoup appris "sur les techniques de déstabilisation de l'adversaire". "Les sondages d'opinion ne prennent jamais en compte ce travail souterrain. vous verrez que cela va faire basculer la campagne dans le propre secteur de Patrick Mennucci", assure-t-il. Le journaliste Michel Samson qui faisait partie du même bord politique à l'époque se souvient de ce militant sérieux, "bon dans les tâches administratives" qui a rejoint le mouvement avec une troupe de cathos de gauche. Ils se recroiseront bien plus tard au moment de l'entrée en politique de Bernard Tapie, à la fin des années 80. Puis encore dans les années 2000, dans l'organigramme de l'OM au moment où Tapie y fait son retour. Enfin, Fratani était présent pour entendre ce qui se disait sur le boss lors du débat conjointement organisé par Marsactu, Le Ravi et Mediapart, où Samson était à la tribune. Il était là pour rapporter les propos au cas où et défendre le boss, comme toujours. A chaque fois, il se tient ainsi à la lisière : entre l'obscurité d'où il tire son supposé pouvoir et la lumière qui lui permet de continuer à exister.

Précision, le 12 mars : Après nous avoir déclaré qu'il avait été appelé par les candidats de la liste Marseille unie dans le 9/10, Marc Fratani estime que ses propos ont été mal interprétés. "J'ai été en contact avec Salah Nehari en 1988 au moment où il faisait campagne pour Bernard Tapie contre Guy Teissier mais je ne l'ai pas rencontré depuis. Je n'ai pas été contacté par lui depuis".

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Marius Marius

    Il faut débarrasser notre ville de Tapie et de ce qu’il y a sous le tapis. Cet individu nous nuit.

    Signaler
  2. Anonyme Anonyme

    Ces gens nuisent,ils naviguent en eaux troubles,ils n existent par leur capacité à nuire,ils ne bâtissent jamais rien.
    Tapie se sert de ces gens pour connaître,savoir,régner.
    Tapie ne pense qu à Tapie,il joue perso et s incline devant Mennucci de peur qu il le fasse embastiller.
    Son vassal lui joue en off pour Gaudin.
    La boucle est bouclée.

    Signaler
  3. Anonyme Anonyme

    Je me souviens plus, à qui appartenait la carte de visite trouvée sur un bateau?

    Signaler
  4. Electeur du 8e Electeur du 8e

    A gerber. En dehors des petits règlements de comptes, qu’est-ce qui intéresse ce personnage ? Manifestement pas l’avenir de Marseille. Et le maire sortant semble peu regardant sur la qualité de ses soutiens.

    Signaler
  5. Anonyme Anonyme

    Vu le dégoulinant personnage, j’irai voter Menucci à 2 mains ! Marre des cakes et des crapules qui prennent cette ville en otage

    Signaler
  6. Marcelle Marcelle

    Fratani, une truffe. Tapie lui marchait dessus et il ne disait rien. Voilà la réalité.

    Signaler
  7. Anonyme Anonyme

    Tagnati Eric, personnage peu recommandable.

    Signaler
  8. Anonyme Anonyme

    dans l’affaire du garage de la Timone, le malfaisant n’est pas celui que l’on croit. Allez du côté de la rue Réattu dans le 9éme arrondissement, des personnes pourront vous causer de ce Monsieur Tagnati.

    Signaler
  9. GM GM

    oui il sévit depuis trop longtemps !! on a suffisamment de filous dans cette ville

    Signaler
  10. Johnny Johnny

    Personne n’est dupe de ce type d’individus aujourd’hui : des nuisibles dont il faut se débarrasser.

    Signaler
  11. Flutiot Flutiot

    C’est sûr qu’un ancien attaché parlementaire, homme de main de Tapie doit être tellement à la dech’ qu’il a absolument besoin d’un logement social pour vivre dignement…

    Signaler
  12. indignezvous13 indignezvous13

    Attention Fratani, tié sur écoute ! (cf. photo en haut de l’article…;))

    Signaler
  13. zaqsa2000 zaqsa2000

    Intéressé d’apprendre que le sieur FRATANI,au passé sulfureux mais çà c’était avant(?) réside depuis des décénnies dans un logement social aux CATALANS(avec vue imprenable sur mer?)….la même résidence où demeurait,entre autres privilégiés d’un système détestable, la famille d’Alex GUERINI ? Que de questions sans réponse de ma part….je suis ulcéré par toutes ces pratiques forcément douteuses,alors excusez-moi de me défouler ainsi,mais çà me fait du bien,et même çà me soulage !!!!

    Signaler
  14. Anonyme Anonyme

    Il est étrange que des individus se ventant d’avoir toujours eu les mains dans le cambouis continuent de sévir et de nuire à nos institutions démocratiques . Ils se servent ( logement social , peuchêre ) , détruisent ( par leurs relations douteuses ) mais ne font rien pour valoriser et faire avancer notre ville . Nos valeurs républicaines sont elles anesthésiées ?

    Signaler
  15. Anonyme Anonyme

    Il est étrange que des individus se ventant d’avoir toujours eu les mains dans le cambouis continuent de sévir et de nuire à nos institutions démocratiques . Ils se servent ( logement social , peuchêre ) , détruisent ( par leurs relations douteuses ) mais ne font rien pour valoriser et faire avancer notre ville . Nos valeurs républicaines sont elles anesthésiées ?

    Signaler
  16. MANDRIN MANDRIN

    alors on le fait le grand déballage, je crois que ceux qui ont fait leur carrière derrière des élus ne peuvent maintenant cracher dans la soupe et trahir ceux qui les ont mis ou ils sont alors que ce sont des minables qui n ont pas la reconnaissance du ventre
    la trahison spécialité marseillaise avant la bouillabaisse
    Fratani ne peut être taxé de mafieux sous prétexte de connaitre des truands, ou alors tous les élus sont concernés a droite et a gauche que l’on nous parle des frères saincene de trottinette et de l endive ok ou de ma mnef de l’hydra du garage de la timone ou de Mennucci du temps de Bernardini ok mais alors allons y franco et mettons tout sur la table et les electeurs jugeront sur piece
    que tous ceux qui ont des dossiers les sortent et en avant

    Signaler
  17. ALAIN PERSIA ALAIN PERSIA

    Hormis MARSACTU et LE POINT la presse fait une omerta scandaleuse sur le sulfureux MENNUCCI et sa garde rapprochée .
    A l’occasion de cette élection il a casé en poste éligible beaucoup degens qui ont eu maille à partie avec la Justice ou qui font l’objet de plaintes . Le parquet semble ralentir la sortie de touts ces affaires.
    Rappelons aussi que la carte de visite de sa compagne a été découverte sur le bateau d’un homme recherché par toutes les polices de France .
    J’espère que le peuple marseillais va recaler MENNUCCI .

    Signaler
  18. Anonyme Anonyme

    et qu’à fait Caselli avec FO à MPM? Qu’est-ce qui s’est passé pendant les primaires? A MPM, c’est encre pire qu’à la ville

    Signaler
  19. Anonyme Anonyme

    On a le choix entre Faire mourir Marseille d’une longue et agonisante maladie avec Gaudin ou une bonne crise cardiaque avec Mennuci. Dans les 2 cas, Marseille crève. Les Marseillais sont en plein cauchemar, c’est une horreur!!!
    Finalement, la Tutelle serait une excellente solution… en tout cas, la moins pire.

    Signaler
  20. Jean Kéhayan Jean Kéhayan

    Je n crois pas que la présence de Laurence Vichnievski comme 1ère adjointe de Mennucci laissera beaucoup de place aux tentatives de corruption ou à la collaboration avec les grands voyous du passé. Marseille a besoin d’un grand souffle d’air nouveau pour tenter de remettre à plat ce qui peut l’être encore.

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire