L’État met un contrat de rigueur budgétaire sur la métropole

Décryptage
le 18 Mai 2018
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D'ici au 30 juin, la métropole doit contractualiser avec l'Etat pour espérer voir maintenues jusqu'en 2022 ses précieuses dotations financières. En contrepartie, les dépenses de fonctionnement ne devront pas augmenter de plus d'1,2% d'une année sur l'autre. Une gageure...

L’État met un contrat de rigueur budgétaire sur la métropole
L’État met un contrat de rigueur budgétaire sur la métropole

L’État met un contrat de rigueur budgétaire sur la métropole

“On a le bâton sans la carotte”. Nouveau vice-président délégué au budget, Didier Khelfa tient sa formule. Elle résume en peu de mots le nouveau dispositif qui doit permettre à la métropole de voir les dotations financières de l’État, sa principale ressource, maintenues au même niveau jusqu’en 2022. Comme les communes de plus de 50 000 habitants du département et les grandes collectivités, elle doit signer un contrat avec l’État, sous l’égide du préfet, qui instaurera cette règle budgétaire. En échange, si le préfet l’accepte, elle peut espérer un petit coup de pouce supplémentaire sur des appels à projets précis auxquels elle candidaterait. “C’est dérisoire”, considère Roland Blum, son alter ego aux finances.

Le contrat avec l’État prévoit une progression des dépenses de fonctionnement de la collectivité corsetée à 1,2 % par an. Cela veut donc dire tailler soit dans la masse salariale, soit dans les subventions accordées aux communes ou aux projets externes soit dans les dépenses courantes de la collectivité concernée. Le but affiché est de favoriser l’investissement de la collectivité. Mais un dispositif de malus punit les collectivités qui n’arriverait pas à atteindre ce taux. Cela correspond pour la métropole à “37 millions” soit 2 % des dépenses, estime pour sa part Roland Blum, vice-président (LR) délégué aux finances.

La Ville de Marseille et d’autres collectivités ont déjà accepté de contractualiser et leur budget respecte d’ores et la règle des 1,2 % de progression annuelle des dépenses de fonctionnement. D’autres comme Martigues, sont vent debout contre cette mesure qu’elles jugent attentatoires à la libre administration des communes. Mais l’alternative est connue : si aucun contrat n’est signé, le malus s’appliquera plus sévèrement.

Pour la métropole, la nouvelle donne arrive tard… En effet, l’établissement intercommunal a voté son budget en décembre, avant l’entrée en vigueur de la loi de programmation budgétaire, promulguée le 22 janvier. “C’est une loi restrictive, s’agace Jean-Claude Gaudin, le président de la métropole. Elle est votée en janvier et les décrets d’application sont publiées tout de suite. Je n’ai jamais vu ça. Pendant trois ans, les aides de l’État seront liées à la démonstration de notre capacité à faire des économies. Mais cela n’est pas aussi simple que cela.

Surprise feinte

Si le président Gaudin plaide la surprise, elle est en partie feinte. Lors du débat d’orientations budgétaires, en octobre 2017, la contractualisation est très clairement évoquée, même si c’est au conditionnel : “Une diminution des dotations serait la conséquence d’un constat de non-respect de la baisse des dépenses en 2019 pour l’exercice 2018”. La métropole aurait donc pu anticiper sur la loi votée en janvier en se rapprochant du pourcentage annoncé.

Si la métropole attend, c’est que toute coupe budgétaire est susceptible de fragiliser l’équilibre politique déjà précaire de la métropole. Toucher aux versements aux communes et vous réveillez les opposants les plus farouches à cette institution. Ouvrir les questions de rémunérations du personnel et vous courez le risque de déclencher la colère des syndicats qui préparent les élections professionnelles de la fin de l’année. L’équation n’est pas simple mais il faudra en passer par un budget dit “supplémentaire”… qui consacrera une coupe budgétaire dont personne n’arrive encore à mesurer complètement l’ampleur.

Pas touche aux communes

Pour ce faire, Jean-Claude Gaudin s’est tout d’abord interdit d’ouvrir un nouveau front politique avec ses opposants. Mais il écarte ainsi la première charge de fonctionnement, les reversements aux communes. Avec 705,69 millions d’euros en 2017, ce poste de dépense devance largement les charges de personnel qui atteignent 335 millions d’euros.

“Elles entrent effectivement dans les dépenses de fonctionnement et à un taux élevé puisque cela représente 53 % du total contre 25% dans d’autres métropoles, analyse Roland Blum. C’est un des leviers possibles mais, politiquement, nous nous sommes interdits de l’utiliser car nous nous tenons au pacte de gouvernance financier et fiscal”. S’il se l’interdit pour l’heure, l’exécutif métropolitain n’exclut pas qu’il devienne un levier futur, surtout s’il veut prétendre à une aide gouvernementale conséquente sur les transports.

Dans l’immédiat, restent donc pour faire des économies “la masse salariale, les dépenses générales et les subventions”, énumère Jean-Claude Gondard. La masse salariale doit progresser cette année d’1,5 % selon les dernières estimations de la métropole. Cela correspond essentiellement à la moyenne d’âge des agents qui augmente et donc les rémunérations liées à l’ancienneté consacrées par la loi. Mais il reste quelques marges que surveille Serge Tavano, le secrétaire général de la FSU à la métropole. “Nous sommes en pleine discussion sur le temps de travail sur lequel l’administration veut avancer à marche forcée, explique le syndicaliste. C’est clair que nous craignons cette volonté d’économie se fasse au détriment des agents”.

Infléchir la position du préfet

A l’arrivée, Roland Blum conserve le flou : “Je le dis un peu vulgairement, mais il faudra gratter de partout”, lâche-t-il. Jusqu’au 30 juin et la fin des négociations avec le préfet, il garde encore un autre espoir. Obtenir la mansuétude du préfet. Il peut raisonnablement espérer que le taux appliqué à la métropole soit de “1,35 %”. C’est le critère de modulation appliqué de 0,15 % à la Ville de Marseille en raison de la “proportion de la population qui vit en quartier prioritaire au sens de la politique de la ville”, pouvait-on lire dans les documents accompagnant le conseil municipal du 9 avril dernier. “Je suis optimiste mais rien n’est automatique, précise Roland Blum. De par la loi, le préfet doit respecter la règle des 1,2 % de moyenne pour toutes les communes et collectivités concernées. Cela veut dire que s’il accorde 1,35 à Marseille, il faut qu’il donne 1 % à d’autres”. Pas simple non plus.

Au fond, reprend l’élu, cela tient à la vision que l’on a de cette métropole : soit une logique redistributive, soit celle des grands projets”. A la région, Renaud Muselier veut mettre fin à la fonction tiroir-caisse de son institution vis-à-vis des autres collectivités, une formule que le président Gaudin aimerait voir devenir métropolitaine. Même s’il prévient : “J’entends certains dire cela, mais tous ceux qui sont à la tête d’un exécutif devront s’y plier. Pour eux aussi, la loi s’impose.”

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Enfin , l’ETAT pointe le bout de son nez pour recaler ces Messieurs -Dames de la Métropole. Si cela seulement avait pour effet de les calmer dans le délire dépensier qui les animent , tel ce projet de téléphérique à Marseille qui relève de la fumisterie la plus pure.
    Cette décision étatique est une bonne chose , elle repositionne les acteurs de cette pantalonnade à leurs juste places ,c’est à dire au dérisoire, n’est ce pas monsieur Blum ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Malheureusement, la fumisterie est du côté de la ville de Marseille plus que du côté de la métropole.

      La nullicipalité n’ayant guère de bilan à montrer, il lui faut bien quelques gadgets pour essayer de faire illusion : le stade, le téléphérique. Pour masquer – du moins le voudrait-elle – la ruine des écoles, des piscines et gymnases, du centre-ville. Bref, de tout ce qui fait l’objet d’un “plan”, c’est-à-dire d’une opération de com vide de contenu…

      Le téléphérique, c’est la ville, et non la métropole. De mon côté, je m’inquiète de ce tour de vis demandé aux finances de cette dernière. Mal née et sous-financée, elle attendait de l’Etat un coup de main, et non un coup de massue. De nombreuses promesses ont été faites par Ayrault, Valls et compagnie…

      Certes, le taux excessif des reversements aux communes devrait être revu. Ben tiens, c’est justement ça qu’on ne va pas toucher… Mais même cette mesure ne suffirait pas à mettre la métropole hors d’eau : pour la seule mobilité, elle a un plan d’investissement de 3 milliards d’euros d’ici 2025… et 400 millions d’autofinancement…

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  2. Alceste. Alceste.

    Cher 8°, il y a quand même un trait commun entre Marseille et la Métropole : les acteurs et l’équipe dirigeante. C’est donc le tour de la métropole aujourd’hui en espérant que l’Etat se penche sur Marseille demain.
    Vous connaissez le vieil adage : les mêmes causes, les mêmes effets.

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  3. LaPlaine _ LaPlaine _

    Si cela pouvait être la fin de cette escroquerie politique locale qui affaiblit ce territoire depuis trop longtemps. Certes l’Etat devrait aider davantage cette collectivité mais comment l’envisager aujourd’hui avec la gabegie financière que représente ne serait-ce que la (non) gestion des personnels

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  4. Input-Output Input-Output

    Une idée de piste d’économie : Diminuer le budget de la communication de ces structures…Y a t-il des chiffres sur les dépenses de nos chers élus en “publicité” ?

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