Les sept futurs de la caserne du Muy

Les sept futurs de la caserne du Muy

C'est un avis partagé : à l'approche – encore lointaine – des élections municipales, lundi, le conseil du même nom a tourné au charivari où les noms d'oiseaux ont volé aussi bas que les martinets au printemps. Il en a été ainsi pendant l'intervention de Patrick Mennucci qui tentait de faire de la pédagogie (sans gants) auprès de son collègue Dominique Tian à propos de l'enjeu capital du financement d'une nouvelle gare en souterrain à Saint-Charles, dite "traversante" permettant notamment de joindre Aubagne à Aix ou à Vitrolles-aéroport sans changement. Et ainsi de sortir du cul-de-sac actuel où les trains butent sur le même quai.

La démonstration (ou l'absence de gants) provoque les quolibets de la majorité municipale qui hue le député sur le mode : "Mennucci, on comprend plus rien", "et la L2 !", "et le boulevard urbain sud ?". Pendant ce temps, un autre élu de la majorité ronge son frein. En effet, l'adjoint à l'urbanisme et vieux grognard gaudiniste, Claude Vallette avait prévu d'intervenir sur le rapport 130 intitulé "Approbation d'une autorisation de programme pour le lancement du projet de reconversion des friches militaires de la Belle de Mai – Secteur des Casernes". Et le débat en cours ne l'incite pas à intervenir sur ce sujet en lien direct avec la rénovation de la gare Saint Charles. Lien que le rapport mentionne noir sur blanc : 

La situation stratégique du site des casernes de la Belle de Mai permet à la municipalité d’avoir une ambition métropolitaine pour l’ensemble du quartier. Les réflexions actuellement menées par l’Etat sur la métropole viennent impulser la volonté de créer un pôle métropolitain rayonnant depuis l’équipement structurant de la gare. 

Au lendemain du charivari, l'élu ne veut pas ajouter un mot à la polémique au sein de son propre clan. En revanche, il parle volontiers du sujet de la "diamétralisation de la gare Saint-Charles, c'est le terme exact" et de son lien avec le quartier de la Belle de Mai tout proche. "C'est un quartier crucial pour l'avenir de Marseille, insiste-t-il. C'est à partir de là que l'on peut avoir une vraie ambition métropolitaine avec une ligne LGV qui rapproche les trois métropoles régionales et une liaison directe entre les grandes villes qui entourent Marseille sans les changements obligatoires du fait de la construction en impasse de la gare Saint-Charles. C'est à partir de là qu'il faut penser l'avenir de la Belle de Mai et bâtir un grand projet métropolitain à partir du site des casernes".

500 000 euros d'études

La délibération approuvée sans débat ce lundi prévoit donc une autorisation de programme de 500 000 euros et le lancement d'études "opérationnelles préalables au projet de reconversion des friches militaires de la Belle de Mai". Et le menu de l'appel à projets est plutôt copieux : le but est de prolonger l'effet levier d'Euroméditerranée en mettant à profit les 25 000 mètres carrés de friche militaire qui entoure le beau bâtiment de la caserne du Muy. Ce foncier disponible doit devenir "le starter du futur quartier de gare métropolitaine" en offrant à la fois des logements mixtes, des espaces d'activité économique, de équipements structurants et un moyen de franchir "les emprises ferroviaires" qui coupent la Belle de Mai du reste de la ville. 

Or, la Ville doit se dépêcher car une telle dent creuse à dix minutes à pied du centre-ville suscite la convoitise jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. "L'idée est de couper l'herbe sous le pied à tous les projets en cours pour se donner le temps de réfléchir et de construire un vrai projet urbain à dimension métropolitaine", estime-t-on du côté de la Ville. 

Et les projets sont légion à tel point qu'on peut parler des sept futurs de la caserne du Muy. Le précédent gouvernement envisageait d'y installer un internat d'excellence, comme à Barcelonnette. Projet qui était loin d'avoir le feu vert des services de la Ville. En revanche, certains élus locaux plaidaient pour un transfert de l'école d'architecture un peu exilée sur le site de Luminy. En septembre dernier, les conclusions du comité interministériel dédié à Marseille y voyait "une cité de la jeunesse" aux contours aussi flous que son intitulé. 

Pas de pôle anglo-saxon

Plus récemment, Janine Ecochard évoquait un projet en cours de discussion pour la création d'un "pôle international  dédié à l'enseignement des langues anglo-saxonnes" qui cousine avec l'idée d'un lycée international sorti des cartons du même comité et envisagé au même endroit. Au rectorat, on ne valide pas la réflexion en cours où l'on évoque "la création d'une section internationale au lycée Saint-Charles en cours d'instruction au ministère de l'éducation nationale". C'est donc mal parti pour ce pôle anglo-saxon que la vice-présidente du conseil général aurait bien vu démarrer au collège.

Reste le futur studio "king size" que les professionnels locaux du cinéma rêvent de voir s'implanter à deux pas des studios de la Belle de Mai. Le projet d'un studio de capture de mouvement (ou motion capture) est clairement envisagé dans le "plan local de redynamisation" signé entre l'Etat et les collectivités dans le cadre de l'accompagnement de la carte militaire dans le département.

D'après les services de la Ville, cette implantation "d'activités tertiaires liées à l'audiovisuel" est toujours envisagée sur l'emprise des casernes même s'il concerne qu'une toute petite partie du foncier disponible. "L'idée est d'éviter l'effet dent creuse où on cherche à remplir en lançant un grand concours d'urbanisme qui va nous permettre de fabriquer un vrai projet urbain", indique-t-on dans les couloirs de la mairie. 

En attendant une vision d'aménagement à long terme, il faudra veiller à ce que le levier de développement ne soit pas celui qui repoussera encore plus loin les populations fragiles de la Belle de Mai. Un diagnostic social qu'on assure prendre en compte au sein de la ville : "C'est aussi pour eux qu'on construit ce projet en ouvrant le quartier pour le rendre mieux accessible aux transports en commun. Bref, de faire respirer la Belle de Mai."

L'idée est d'aller vite en prenant le temps de réfléchir : l'État donne la priorité au projet de la Ville autour du bâtiment de la caserne d'ici 2015. Jusque-là, c'est la justice qui occupe le bâtiment central. Et certains rêvent déjà d'une grande cité judiciaire…