La Provence, otage du dernier pari de Tapie pour éviter la faillite
Le sort des 404 millions d'euros de dettes de l'homme d'affaires et propriétaire majoritaire de La Provence se joue ce mardi à la cour d'appel de Paris, sous le double feu du comité d'entreprise et du parquet.
La Provence, otage du dernier pari de Tapie pour éviter la faillite
Bernard Tapie va-t-il rembourser les 404 millions d’euros, hors intérêts, de l’arbitrage annulé du Crédit Lyonnais ? Depuis le 18 mai 2017 et un arrêt de la Cour de cassation, la réponse à cette sempiternelle question est : oui. Entre temps, elle a été remplacée par une autre : oui, mais quand ? Ce mardi, une audience capitale de la cour d’appel de Paris devrait en décider, a priori pour de bon.
La cour d’appel devra valider ou infirmer la décision du tribunal de commerce de Paris. Le 6 juin 2017, celui-ci a accepté le plan de Bernard Tapie. Comme il n’a pas les moyens de rembourser rubis sur l’ongle, il s’agit d’étaler le remboursement de sa dette pour éviter la faillite immédiate. Le groupe La Provence et ses 800 employés servent alors de chiffon rouge social, agité par l’homme d’affaires. Les juges consulaires ont été sensibles au fait que “le nombre d’emplois en jeu est considérable” comme l’avait noté la défense de Tapie.
Ils ont donc validé le plan de sauvegarde proposé par les deux holdings financière et patrimoniale de l’homme d’affaires, GBT et FIBT, dont la première est actionnaire majoritaire du groupe La Provence. Ce plan le laisse aux manettes de ses entreprises et lui donne six ans pour rembourser. Il est depuis l’origine contesté par le parquet, pour qui cette procédure a été “érigée par Bernard Tapie en bouclier systémique de protection”. En clair, une diversion pour ne pas être ruiné tout de suite.
“Confusion entre une entreprise et son actionnaire”
En faisant appel, le procureur général a donc remis le débat sur la table. Ses conclusions écrites en vue de l’audience, qui visent à obtenir le placement de GBT et FIBT en liquidation judiciaire, traduisent son agacement. Il s’étonne que le tribunal de commerce ait “entériné” cette “confusion entre une entreprise et son actionnaire principal”, tout comme il s’est fondé sur le seul rapport d’un expert-comptable missionné par GBT, “sans procéder au moindre examen critique”.
Grosso modo, le tribunal de commerce n’a fait à ses yeux que trop peu de cas du contexte judiciaire. Fin décembre, Bernard Tapie ainsi que cinq acteurs de l’arbitrage ont ainsi été renvoyés en correctionnelle, notamment pour “escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics” comme auteurs ou complices. Dimanche, Mediapart a qui plus est révélé que ce même parquet de Paris a ouvert en août une information judiciaire sur une possible “escroquerie au jugement” qui aurait été commise pour obtenir le plan de sauvegarde.
Sur le fond, pour le parquet, “le plan adopté grâce à un artifice de procédure repose en réalité sur un projet de prédation organisée” du groupe La Provence. Il ajoute, cinglant :
S’il s’agissait véritablement de sauver le groupe La Provence, la solution ne consisterait certainement pas à lier le destin de ce groupe de presse à celui d’une holding surendettée, insolvable et dirigée par une personne en liquidation judiciaire personnelle.
Face à ces conclusions particulièrement offensives, la défense de Bernard Tapie précise bien que la liquidation de GBT n’amènerait pas celle du groupe La Provence mais seulement la revente de la majorité de son capital. Mais ces péripéties “menaceraient très sérieusement les emplois et le développement”, notamment car “les lecteurs [ne sont] pas enclins à souscrire ou renouveler leur abonnement dans un tel contexte”. Cette idée était déjà avancée début 2016, comme l’avait raconté Marsactu.
Revirement sur les 20 millions de dividendes
Surtout ils opèrent, selon nos informations, un revirement stratégique spectaculaire. Pour rembourser ses dettes, Bernard Tapie assure ne pas vouloir puiser dans les potentiels bénéfices de La Provence, en complément de la revente de biens immobiliers et de la récupération de créances contestées. Le plan de sauvegarde présenté au tribunal de commerce de Paris chiffrait pourtant cette manne : 20 millions d’euros sur six ans.
Est-ce le feu des critiques du parquet, ou bien l’effet de l’arrivée dans la procédure du comité d’entreprise (CE) du journal qui, début janvier, a souhaité être entendu dans le cadre de la procédure ? Le CE a en tout cas pris fait et cause pour la liquidation judiciaire de GBT. Alors que son père est gravement malade, son fils Stéphane Tapie a été missionné pour éteindre l’incendie au cours d’une réunion interne. Selon Bernard Tapie et ses conseils, il ne s’agit plus que de vendre les actions de La Provence pour si besoin couvrir la dernière échéance du plan, la plus importante (30 %).
Le parquet s’est lui ému de cette volte-face dans une nouvelle fournée de conclusions, que Marsactu a pu consulter : “Cette assertion est contraire à la réalité” du plan adopté, estime-t-il. Quand bien même il serait modifié pour satisfaire ce qui est désormais posé comme une exigence par le comité d’entreprise (l’absence de remontées de dividendes), “que resterait-il alors de ce pseudo-plan ? Comment [GBT] pourrait-elle respecter ses engagements ?”, interroge le procureur. La cour d’appel devrait se donner quelques jours pour décider. D’ici là, la Belgique aura peut-être montré la voie. Elle doit cette semaine rendre son jugement sur une demande identique de Bernard Tapie concernant cette fois GBT holding, l’étage supérieur de sa structure patrimoniale qui est domiciliée dans la région de Bruxelles. Là encore, le procureur du roi s’y est vigoureusement opposé.
Commentaires
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Même moribond il a du ressort !
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les “étonnements” du procureur général, les questions et réflexions qui s’imposent sont plutôt amusantes..!
La cour d’appel, va valider ou infirmer….ok !
et le tribunal de commerce qui bizarrement, si on entend bien, a accepté le plan en juin 2017 il va être condamné lui aussi ?Il devrait pourtant l’être.
C’est curieux quand même personne ne connaissait tapie avant ça ????? Enfin voyons, je ne suis pas juriste, juste un peu informé, et les circonvolutions juridiques de tapie sont publiques et font quand même rire jaune une grosse partie des français (la partie restante, un peu jalouse, le trouvant sacrément ingénieux)
On va juste espérer que la cour d’appel arrêtera de prendre les contribuables pour des billes.
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sic:
ce même parquet de Paris a ouvert en août une information judiciaire sur une possible « escroquerie au jugement » qui aurait été commise pour obtenir le plan de sauvegarde.
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Le résultat des courses sera bientôt qu’il n’y aura plus un seul quotidien régional à Marseille puisque la Marseillaise est moribonde et le Provençal aux mains d’un margoulin qui s’en était servi juste comme une planque de biens mal acquis.
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