Les résidents de la Batarelle se barricadent, le bus ne passera plus
Depuis la rentrée, le bus qui dessert le quartier de la Batarelle, posé sur les hauteurs du Nord de la ville, ne peut plus accéder à son terminus. En cause, un portail installé dans la résidence privée du même nom.
Les résidents de la Batarelle se barricadent, le bus ne passera plus
Le vieil homme est abasourdi. Il vient d’appuyer brutalement sur le frein de sa camionnette pour éviter d’enfoncer le portail qui lui fait face. Bouche entrouverte et moteur qui tourne, il fixe droit devant lui. “Alors là, ce portail, je le découvre…”, lâche-t-il, chamboulé dans ses habitudes. L’ouvrage à digicode coupe l’accès au sentier botanique, qui mène au massif de l’Étoile. “J’y viens de temps en temps pour me balader”, regrette le conducteur. À son grand dam, la résidence très privée – un statut rappelé à chaque coin de rue – de la Batarelle, à cheval sur le 13e et 14e arrondissements, vient de se doter d’un beau et grand portail blanc, qui bloque l’accès au sentier botanique et au parking qui le dessert.
Fort heureusement, il pourra rejoindre le sentier en se garant un peu plus loin. Mais si ce promeneur du dimanche a l’habitude de venir en voiture à la Batarelle, ce n’est pas le cas de tout le monde. Quelques centaines de mètres derrière le portail flambant neuf, on aperçoit les traces d’un autre moyen de locomotion : un arrêt de bus. Un bus qui ne passe plus depuis que le portail a été installé, confirme le chauffeur d’une ligne voisine.
Un “réel problème de desserte”
Contactée, la direction de la RTM évoque un réel “problème de desserte”. “L’association des propriétaires de la Batarelle a décidé de fermer pour limiter l’accès à la colline, mais a aussi fermé l’accès au terminus”, s’agace Pierre Durand, directeur général adjoint de la RTM, qui a placé le terminus de la sa ligne 37A dans cette résidence privée, afin de desservir le quartier. Et si tout le monde descend à l’arrêt Batarelle-Étoile, c’est parce que c’est l’un des rares endroit où le bus peut faire demi-tour. Une possibilité qui se fait rare dans les étroites ruelles de cette résidence des hauteurs de Marseille. “Pour un véhicule de 12 mètres, il faut forcément un peu de place pour se retourner”, défend Pierre Durand. Situé sur un grand parking entre la résidence et la colline, l’endroit où se garaient aussi les randonneurs était parfaitement adéquat. Désormais, le quartier ne sera donc desservi qu’en dehors des périodes scolaires, un peu plus bas.
“Il y a deux lignes qui montent à la Batarelle, la 37, la principale et la 37A, une spéciale pour les horaires d’entrée et de sorties scolaires. À ces heures là, le bus doit être détourné car il ne peut pas passer à cause des voitures garées devant les écoles. On a donc déplacé le terminus ici”, détaille encore le directeur adjoint de la RTM. En cette période de vacances, pas de changement donc. Mais dès la rentrée, les usagers risquent de se retrouver embêtés. “La RTM nous a dit que ça allait s’arranger en décembre ou en janvier”, croit savoir un jeune garçon qui vient de s’assoir dans le 37, dont le terminus est situé juste avant les écoles Lissandre, fermées pour l’heure.
“Les propriétaires ne veulent rien entendre”
Pierre Durand, RTM
À la direction de la RTM, pourtant, on affiche moins de certitude sur l’avenir. “Nous avons eu une dizaine de réunions avec les propriétaires, nous leur avons écrit… C’est un problème individuel mais ils ne veulent rien entendre”, enrage Pierre Durand. Il ajoute : “la métropole est au courant et réfléchit à des travaux de voirie.”. Des aménagements pourraient être réalisés devant les écoles, sans qu’un calendrier ne soit déjà établi. “La métropole a proposé une solution de création d’un parking à proximité mais le terrain est privé et appartient à la copropriété, fait savoir l’établissement public. Il faut donc que les propriétaires engagent les travaux.” La métropole fait également savoir qu’elle “déplore la décision de la résidence de mettre un terme à cette servitude qui par ailleurs bénéficie à leur résidents.” **
“Des drogués et des règlements de compte” ?
En face du portail de la discorde, Ginette (le prénom a été modifié à sa demande) passe une tête par sa fenêtre. “Le syndic a fermé parce que nos enfants ne trouvaient plus à se garer”, argumente cette dame âgée. “Le premier jour du confinement, nous avons compté 250 voitures et 40 motos”, ajoute son voisin Fernand Lantelme, qui a été très actif pour mener à bien cette fermeture. “Les gens se garent devant chez nous, jettent des canettes, des papiers de barres céréales, ma femme a même retrouvé une couche pleine de merde !”, argumente ce derniers en montant dans les tours. Désormais, les voitures se garent un peu plus loin dans la résidence, où on trouve un autre départ du sentier botanique. Mais Fernand Lantelme prévient : “on fermera aussi le haut !”
Au delà de la question de stationnement et de fréquentation des marcheurs, celle de la sécurité arrive rapidement sur la table. “Il y avait des drogués et des règlements de compte !”, se souvient avec crainte Ginette. En 2015, le corps d’un homme carbonisé dans une voiture avait en effet été retrouvé sur ce grand parking caché des regards. Mais en temps normal, le lieu est plutôt tranquille, confirme-t-on de source policière. “Cet endroit ne pose pas de problème particulier en terme de délinquance. Il attire juste un peu monde qui vient se promener en journée et connait quelques regroupements de jeunes le soir, mais qui ne font rien de mal”, explique-t-on à la direction départementale de la sécurité publique. Des affirmations qui hérissent le poil du voisin de Ginette. “Non, juste des problèmes de prostitution et de drogue, de toute façon, quand on appelle la police, elle ne monte jamais”.
Un portail payé en partie par une société aux capitaux publics
“On est chez nous !”
Justifiée ou pas, la fermeture de cette voie est légale : la petite rue est privée. N’en déplaisent aux amoureux de la colline ou aux usagers du bus. “On est chez nous !”, tranche Fernand Lantelme. Pour ce dernier, la voie a toujours été propriété de la résidence la Batarelle, mais la RTM semble avoir d’autres informations. “Elle était privée puis a été municipalisée il y a plusieurs années. Mais la métropole ne l’a pas comptée dans son patrimoine [lorsque les voiries ont été transférées de la Ville à la métropole, ndlr]”, développe Pierre Durand. La rue serait donc redevenue privée. Du côté de la métropole, on plaide plutôt pour la version de Fernand Lantelme. Marsactu n’a pas été en mesure de déterminer avec certitude si cette voie a un jour été publique ou non***.
Reste deux derniers acteurs dans cette histoire farfelue. “Nous n’avons par fermé tout seuls dans notre coin mais en conciliation avec la Société des eaux de Marseille et la Société du canal de Provence”, tient à préciser Fernand Lantelme. Les deux sociétés disposent en effet de locaux et d’ouvrages derrière ce portail. “C’est un site sensible, si quelqu’un décide d’empoisonner l’eau, c’est toute une partie de Marseille qui en sera privée pendant des mois et des mois !”, imagine le riverain.
Contactée, la Société du canal de Provence n’a pas tout à fait le même argumentaire. “Nous ne sommes pas à l’origine de la fermeture, mais nous avons participé au financement, précise-t-on au service communication de cette société aux capitaux majoritairement publics. Disons que cela équivaut à un droit de passage. Nous avons négocié pour que nos exploitants puissent emprunter le chemin plutôt que de faire un détour de plusieurs kilomètres.”
À la Batarelle, le portail s’ouvre. L’épouse de l’un des employés de ces sociétés est venue lui rendre visite à sa pause déjeuner. Elle dispose du graal : un bip. “Mais parfois quand on passe trop, on se fait insulter”, lance-t-elle. La pose d’un portail a-t-elle vraiment un effet positif sur les incivilités ? Quoi qu’il en soit, voilà une énième petite histoire de résidences fermées. Dans une ville qui dispose déjà d’un beau recueil.
* Réponse de la métropole ajoutée le 02/11/2020 à 15h
** Modification de la formulation de la phrase apportée après un commentaire de lecteur le 02/11/2020 à 15h afin de préciser ce que Marsactu n’a pas pu vérifier.
Commentaires
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Bienvenue à facholand, chez Ginette et Fernand.
Quelle plaie…
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Ah cette RTM une véritable pépite!!! Après le bus fantôme, elle nous offre le terminus sur une propriété privée sans sécurisation juridique pour pérenniser les aménagements. Mme Pila surtout ne changez rien dans votre gestion qui nous fait bien rire, sauf pour les usagers bien sûr.
Au fait qui a réalisé et financé le parking?Car là aussi il y a du lourd.
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“je mettrai toute mon énergie à être un relais dynamique et à l’écoute pour faciliter la mise en œuvre opérationnelle des orientations politiques, au plus près des besoins des métropolitains et dans une recherche constante de bonne gestion des deniers publics.” Discours non pas signé Furax mais signé Catherine Pila . Et en plus elle est convaincue de ce qu’elle raconte . Mytho ? . Non quand même pas.
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“Marsactu n’a pas été en mesure de déterminer avec certitude qui avait raison sur ce point.”
Suffit de regarder le cadastre. Si la voie porte un numéro c’est qu’elle n’est pas intégrée au domaine public communal (le plus simple c’est géoportail). Là encore, un exemple qui montre que la décentralisation retarde l’action publique alors qu’on veut nous faire croire le contraire. Dans l’ordre: acquisition par la mairie pour intégration au domaine privé de la ville, enquête publique pour le transfert au domaine public et intégration à la voirie communale. Encore un héritage de la Gaudinie qui a eu probablement de “bonnes raisons” de ne pas mettre en oeuvre les procédures.
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Bonjour,
Comme nous l’indiquons dans l’article, la voie est bel et bien privée. Sur le cadastre (que nous avions bien évidemment regardé), celle-ci est intégrée à une parcelle privée et tout le monde (RTM, propriétaires…) s’entend sur ce point. En revanche, il nous a été impossible de vérifier si elle a un jour était publique. Peut-être que la formulation n’était pas claire dans l’article. Nous allons modifier cela.
Bien à vous
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Sur l’historique de la propriété, la version des résidents paraît de loin la plus plausible. La route a sans doute toujours été privée, ce qui, malheureusement, n’empêche pas qu’elle ait pu être entretenue aux frais de la mairie… 🙁
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Merci de votre réponse. Il demeure que si la municipalité avait eu la volonté d’assurer un service public, elle avait la possibilité d’exproprier. “Un peu” comme dans la rue d’Aubagne. Les exemples sont malheureusement nombreux pour constater que la volonté politique fait défaut lorsqu’il s’agit de trancher pour obtenir la défense de l’intérêt public. Il ne faut donc pas s’étonner de la désertification des bureaux de vote.
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OK pour le bus
mais comment faire pour aller dans les collines (qui ne sont pas privées en principe)
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On saute la barrière en risquant de se prendre une décharge de fusil de la part de Ginette ou de Fernand .
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Il y a un second accès un peu plus haut. Mais les propriétaires parlent déjà de le fermer aussi…
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Beaucoup de collines sont privées.
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À cette allure chère Violette Artaud, Marseille ne sera plus la ville aux 111 quartiers mais plutôt aux 111 bunkers
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Et qu’en est-il des ordures ménagères ?
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Pour ma part, je pense que la route a été publique car elle relie La Batarelle à La Rougière (Septemes les Vallons) via la décharge de Septèmes d’où était parti le feu de Juillet 1997. Cette route ouverte, que j’ai utilisé il y a une quarantaine d’années, a été fermée au public en ????
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Une propriété publique est en principe imprescriptible, elle ne peut donc être privatisée à partir du moment ou elle a été incorporée dans le domaine public. Quant au cadastre il a une valeur purement indicative…
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Remarques judicieuses ! « L’histoire » d’un bien ne lui confère pas un droit. Quant au Cadastre, si on parle de « valeur indicative », c’est le plus souvent au regard des informations graphiques qui y sont portées. La partie « texte » (propriété, surface…) est généralement tirée des enregistrements des actes notariés et sur ce point, les erreurs sont rares (bien que souvent incomplètes).
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Sauf dans certains cas comme des terrains sur la Corniche qui sont cédés à des prix dérisoires au profit d’élus qui dans le cas présent a presque fini une magnifique maison sur 3 étages. Avec l’économie réalisée sur le terrain il pouvait se le permettre.
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La logique du chacun pour soi, chacun chez soi, chacun sa merde gagne toujours plus de terrain…
La logique de l’individualisme, de l’autre comme danger.
L’intérêt général ? Le mien avant tout. Or l’intérêt général n’est en aucune façon la somme des intérêts particuliers et électoraux cf. le débat sur les produits de première nécessité dits essentiels (par qui ?) et les commerces de proximité.
Chacun sa route, chacun son chemin, chacun sp bunker ?!
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Bien d’accord sur le principe, mais la tolérance a ses limites. Ce que montre cette généralisation des « bunkers », c’est d’abord une défaillance de la puissance publique. Elle a tous les outils à sa disposition pour créer des aménagements cohérents entre eux mais elle a depuis longtemps laissé au privé le soin de les concevoir. Et quand la population veut intervenir dans les choix proposés, même si elle en a le droit, on lui oppose les règles de la représentativité.
Dans le cas présent, si vous regardez la page Google earth, une barrière existait déjà en 2011 avec des horaires d’ouverture et fermeture. A minima cela fait bientôt 10 ans que le problème existe. Largement suffisant pour trouver une solution, si l’on veut bien s’en donner la peine. On a tendance à dire « mais que fait la police ? », ici, on devrait plutôt dire « mais que font les élus ? ». Encore une bataille de compétences dont seuls les usagers font les frais et sont contraints de se battre les uns contre les autres.
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Manifestement, il y a un gros problème de sécurité à l’intérieur de la résidence avec les gens qui viennent régler leurs problemes à l’abri. Ca doit etre infernal. S’il y a d’autres accès à ces collines que les deux passages par la résidence, et que ce chemin a été privé, autant les laisser tranquilles et trouver une autre solution pour les collines que de passer dans la résidence.
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Cette histoire de démission collective qui aboutit à un nouveau petit mur de Berlin en ville en rappelle une autre, brillamment racontée par Lisa Castelly ici : https://marsactu.fr/petites-histoires-de-residences-fermees-le-tramway-sud-avancera-en-terres-residentielles/
C’est difficile d’organiser des services publics dans une ville qui se fragmente en petits bouts soigneusement enfermés sur eux-mêmes.
J’espère cependant que les résidents de la Batarelle vont jusqu’au bout de leur logique : pas de bus, mais aussi pas de ramassage d’ordures, pas d’éclairage public et pas de nettoyage payés par la collectivité. Quand on revendique le caractère privé de son domaine, on assume de ne pas demander aux services publics d’y intervenir.
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Juste une précision: la batarelle n’est pas une résidence fermée.
n’importe qui peut y accéder, en bus, à pied ou autre!
c’est le parking et la colline qui sont fermés. (D’ailleurs, sur ce grand portail blanc il est écrit: “vous pouvez aller dans la colline via la parade ou palama”…)
j’ai baladé là-bas pas plus tard que la semaine dernière. surprise de voir ce nouveau portail, je demande à un voisin (fernand?) s’il y a un autre accès. réponse: “non, c’est interdit la colline.” j’insiste et il finit par lâcher “Ok, vous pouvez passer là-bas mais attention, ils vont verbaliser maintenant”.
Autant vous dire que ça m’a gâché la balade. D’autant plus que j’ai serpenté au milieu des affûts où la milice de la batarelle aurait pu se planquer pour me tirer du plomb aux fesses.
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Le titre est quelque peu mensonger car seul un parking avec accès à la colline (et peut être bientôt une rue ou il restait un accés libre et qui est devenue infernale) est fermé pas la résidence d’ou le terme abusif de barricader un quartier. Cela n’a rien a voir avec le phénomène de repli sur soi de résidences qui a lieu ailleurs dans marseille et empeche des fois l’accés aux écoles. Personne ne parle (du moins j’espere) de clôturer l’accés à la batarelle Je suis habitant de la batarelle et géné sur le principe de la fermeture mais Il faut reconnaître que pour les habitants mitoyens la situation était invivable: personnes garées devant chez eux les empêchant de sortir ou sonnant chez eux à n’importe quelle heure du jour et de la nuit car s’tant fait enfermé dans le parking en dehors de ces heures d’ouvertures…
Je pense que des solution intelligentes peuvent être trouvées : parking d’accés plus bas + navettes par exemple) qui pourraient contenter les promeneurs et les riverains
enfin depuis 5 ans que j’y habite j’y ai vu plus de chasseurs extérieurs à la résidence que de milices
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Il me semble qu’il existe un portail du même modèle au Canet au bout d’une impasse..
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C’est bien. Ces personnes auront désormais un accès privatif au chemin botanique qui offre une magnifique vue sur tout marseille. Cette espace naturelle soit rester public, donc accessible à tous. La commune doit réagir !
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je ne comprends pas . Si la rue est privée, la rtm n’a pas à la desservir. Il y a donc un détournement de l’argent public, et un procès s’impose!
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Article intéressant mais l’orthographe laisse plutôt à désirer…
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