Les Néréïdes, une cité HLM envahie par la moisissure
Les habitants de cette petite cité bâtie sur les pentes du massif des Calanques dénoncent l'insalubrité de nombreux logements. Dans la cité voisine du Bosquet, le préfet a pris un arrêté avec interdiction d'habiter. Ce samedi, les locataires seront sur le Vieux-Port pour faire entendre leur désarroi.
Les bâtiments des Néréides dates de 1972. Le bosquet a été construit 3 ans plus tard. Photo : B.G.
Virginie Narjoz ouvre volontiers la porte de son appartement, situé au rez-de-chaussée du bâtiment A des Néréïdes (11e), petite cité d’habitat social située, comme sa voisine du Bosquet, au pied des Calanques. Ce n’est pas par simple esprit d’hospitalité, la jeune mère de famille ne supporte plus de vivre dans ce T5 dont l’humidité saute au visage, une fois franchie la porte. Une vague impression de touffeur tropicale, renforcée par l’atmosphère pluvieuse des derniers jours. “C’est simple, tout le monde est malade chez moi, même le chat, rit-elle un peu jaune, en sortant le certificat du félin, déjà sous médication. Si sa santé ne s’améliore pas, j’en aurai encore pour 300 euros de véto”.
Comme ses deux enfants en bas âge, le chat a des problèmes respiratoires. La maman elle-même est asthmatique, au point d’avoir une invalidité reconnue. Elle passe de pièce en pièce, en pointant du doigt les traces manifestes de cette humidité. Les carreaux de linoléum de la pièce principale, des toilettes et de la salle de bains sont tachés de moisissures. Les mêmes traces brunes apparaissent autour des fenêtres, notamment dans l’ancienne chambre de son fils qu’elle utilise comme une buanderie. Le changement de ventilation n’a rien changé. “Ma fille aînée a renoncé à vivre avec nous, elle a une santé fragile et doit se faire opérer. Elle craignait de voir son état s’aggraver en restant ici”.
Infractions au règlement sanitaire départemental
Cette situation a donné lieu à une reconnaissance officielle, puisqu’un inspecteur de salubrité est déjà venu plusieurs fois à son domicile constater les infractions au règlement sanitaire départemental, premier niveau de reconnaissance de l’indécence du logement.
Un inspecteur de salubrité s’est rendu sur place plusieurs fois et a mis en demeure 13 habitat.
“Il est venu d’abord en février, puis en avril dernier, détaille Virginie Narjoz. À chacune de ces visites, il a mis en demeure le bailleur, 13 habitat, de réaliser les travaux pour mettre fin aux problèmes de moisissures et d’infiltrations d’eau“. D’après la locataire, signalements et mises en demeure n’ont été suivis d’aucun effet.
En tout, ils sont une trentaine de locataires des Néreïdes et du Bosquet à avoir saisi la commission locale de lutte contre l’insalubrité, en remplissant un questionnaire détaillé. Leur signalement est longtemps resté sans réponse. Mais le dispositif dit des “tables de quartiers” qui épaule les habitants dans leur mobilisation, les a aidés à structurer leur lutte. Expositions publiques devant l’école, interpellations du bailleur et des élus ont fini par payer. “Une trentaine de locataires ont fait des signalements au titre de la lutte contre l’habitat indigne, rappelle Vincent Lillo, le coordinateur des tables de quartier. Ça a mis du temps mais ça a fini par porter ses fruits“.
Un arrêté d’insalubrité au Bosquet
Seize situations ont été identifiées par la Ville comme relevant de l’indécence, déclenchant des visites d’un inspecteur de salubrité et une mise en demeure du bailleur de mettre fin aux désordres. Pire, aux Bosquets, la situation d’insalubrité d’un appartement était telle qu’elle a entraîné la prise d’un arrêté par le préfet, en date de mai dernier, avec interdiction d’habiter durant 30 jours. Aux dires de 13 habitat, les désordres soulignés par cet arrêté ont été résolus depuis. Les autres situations dénoncées seraient en cours de traitement.
La mère de quatre enfants fait partie des appartements visités. Elle vit au 14e et dernier étage d’une tour voisine. La présidente de l’amicale de locataires, Françoise Limousi, pointe son logement depuis le parvis. “Il est facile à reconnaître, on voit les traces de moisissures, juste sous la fenêtre“, souligne-t-elle. Effectivement, même vues du sol, les traces noirâtres sont très visibles.
Moisissures et autres infestations
Son récit enfile toutes les perles de ce qu’on nomme pudiquement l’indécence du logement. “Je suis arrivée dans cet appartement en 2016, raconte-t-elle. J’étais incommodée par une odeur dont je n’arrivais pas à identifier l’origine. Mon conjoint a ensuite découvert des crottes de rat sous la baignoire. Quand j’ai vu ça, j’ai pété un câble. Parce qu’en plus du rat, j’ai des cafards, parce que l’humidité les attire“. Elle aussi a fait constater l’imprégnation des moisissures par un inspecteur de la salubrité.
Ma fille refuse d’inviter des amis à la maison parce qu’elle a honte des cafards et des moisissures
“Ma fille est au collège à Marseilleveyre, elle fréquente des gens d’un autre milieu, raconte sa mère. Mais elle refuse de les inviter à la maison parce qu’elle a honte des cafards et des moisissures“. En plus de cette situation qu’elle décrit comme catastrophique, elle pointe le débit d’eau erratique. “Quand on rentre de l’école, je me dépêche de laver les enfants avant que les voisins n’ouvrent leur robinet“, s’exclame-t-elle.
Dans le petit local de l’amicale les locataires, toutes opinent à ses dires. Les problèmes d’eau sont connus dans les deux cités qui bordent le parc national. Ils font l’objet de remontées régulières auprès du bailleur, sans que le problème ne trouve de résolution définitive. Comme neuf autres locataires des Bosquets et des Néréïdes, elle assigne le bailleur social devant le tribunal pour troubles de jouissance, ce lundi.
Manif au Vieux-Port
Avant cela, les locataires, épaulés par l’amicale, ont décidé d’investir le Vieux-Port ce samedi pour exposer avec force en photos les déboires qu’ils disent vivre au quotidien. “C’est la troisième exposition de photos que nous faisons, rappelle Françoise Limousi. Les deux premières ont eu lieu à l’école voisine, mais comme le bailleur ne réagit pas, on a décidé de frapper fort“.
Il n’a pas échappé aux membres de l’amicale que la nouvelle présidente de 13 habitat, Nora Preziosi, multipliait les visites de terrain depuis son élection à la tête du conseil d’administration, cet automne. Elle a depuis annoncé un plan stratégique à quatre milliards d’euros sur 18 ans qui prévoit une rénovation en profondeur du parc locatif du premier bailleur du département. Les locataires l’ont alertée par courrier il y a plusieurs semaines. “Ce n’est pas parce qu’on vit dans un environnement agréable, bordé par la nature qu’on doit être oublié”, s’inquiète Françoise Lémousi qui n’a pas eu de réponse à son courrier.
En revanche, Patrick Amico, l’adjoint au maire chargé du logement, a pris sa plume, ce jeudi, pour rassurer les habitants et faire le point sur les actions entreprises par la Ville en lien avec les services de l’État. Il y rappelle la ferme intention des élus de la Ville “d’être intransigeants quand la sécurité ou la santé des Marseillaises et Marseillais est menacée”.
Comme la présidente Preziosi le reconnaît elle-même, le parc de 13 habitat est particulièrement vétuste et les travaux de mises aux normes, notamment liés à l’isolation thermique des immeubles, sont entrepris par ordre de priorité. “On doit d’abord rénover les cités, classées F ou G, résume-t-on du côté du bailleur. Les Néréïdes et le Bosquet sont classées D. Les travaux sont prévus pour après 2027″. Un délai beaucoup trop long pour les habitants qui espèrent que leur mobilisation permettra de hâter un peu les choses.
Commentaires
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Ceci dit, en cherchant “Néréides” sur internet: Ver marin qui vit dans les fonds vaseux. ( Ils l’ont un peu cherché, quand même.)
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Je ne comprends pas bien comment 13 Habitat peut opposer son plan d’isolation thermique de l’ensemble de son parc immobilier à un important problème très ciblé de salubrité. Marsactu aurait-il fait un raccourci dans la déclaration de 13 Habitat? Dans le cas contraire, on atteint un cynisme certain. Cet épisode prouve une nouvelle fois (s’il en était encore besoin) que le précédente présidence de cet organisme était considérée comme une prébende parmi de nombreuses autres et non comme une mission. La nouvelle présidente connaît bien, elle, le logement social, faisons-lui confiance.
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Elle connaît surtout le clientelisme en attribuant par centaines des appartements insalubres à “ses futurs électeurs ”
Elle ne sait ni s’exprimer, ni travailler, ne connaît même pas les dossiers et ne comprend rien à rien la pauvrette
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Tout simplement que l’approche actuelle de la rénovation, c’est la “rénovation globale”: on refait tout ce qui doit être rénové + on isole. Là, si l’humidité vient d’infiltrations en façade, ils vont attendre de faire ravalement + isolation… donc ça rentre dans un planning de réno énergétique. Dans un monde logique, on regarderait l’état réel du bâtiment et pas son score DPE (surtout que l’humidité ça fait surconsommer du chauffage aussi, entre autres problèmes !)
Si en revanche le problème vient de la plomberie et/ou de la ventilation, alors c’est des sujets qui peuvent être traités a part: rénover les réseaux c’est indépendant du reste, et ça coûte normalement bien moins cher qu’un ravalement.
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