“Les gens ont besoin d’agir” : en collage avec les néo-militants de la “Réserve citoyenne”

Reportage
le 26 Juin 2024
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Lundi soir, un collage d'affiches en faveur du Nouveau front populaire était organisé par la "Réserve citoyenne". Ce collectif informel qui entend mobiliser contre l'extrême droite a su rassembler en un temps record des centaines de personnes à Marseille, dont beaucoup de néophytes.

Les militants de la Réserve citoyenne en action place Léon Blum. (Photo : Grégoire Mothe)
Les militants de la Réserve citoyenne en action place Léon Blum. (Photo : Grégoire Mothe)

Les militants de la Réserve citoyenne en action place Léon Blum. (Photo : Grégoire Mothe)

En haut de la Canebière, elles sont plusieurs à touiller un épais liquide gluant dans de vieux seaux en plastique. “Comment tu sais si la colle est prête ?”, demande l’une d’elles. “J’en sais rien, c’est que la deuxième fois que je fais ça… on va le faire au feeling”, lui répond une autre, en s’appliquant à diluer les grumeaux de colle en poudre dans l’eau. Équipés de sacs à dos et de chaussures de randonnée, ils et elles sont une vingtaine de membres informels de la Réserve citoyenne à se mobiliser en cette soirée du lundi 24 juin. Ce mouvement citoyen qui se veut horizontal entend rassembler “toutes celles et ceux qui ont conscience du risque historique d’un gouvernement fasciste et souhaitent s’engager dans la campagne”, comme on peut le lire sur leur manifeste. Depuis quelques semaines, ses militants se regroupent à Marseille pour des actions de collage et de tractage en faveur du Nouveau front populaire et contre les idées de l’extrême droite.

Banane en peluche rose en bandoulière, et habillée en “tenue de combat, même si a priori la colle ça part bien à la machine”, Fiona, la trentaine, est une des coordinatrices de l’action de collage du jour. Bien que ce ne soit, de son propre aveu, que “son 4ᵉ collage”, elle est responsable aujourd’hui des groupes qui vont sillonner le centre-ville. Elle qui travaille dans la coopération internationale, “a toujours été politisée à gauche”, mais n’avait “jamais fait d’actions dans ce genre”. Et rembobine le fil des derniers jours qui l’ont conduite là : “Après les élections européennes, ça a été un électrochoc. Je me suis dit, il faut que je fasse un truc. Je suis rentrée dans une des boucles WhatsApp de la Réserve citoyenne par des amis. Et là, je suis entre deux missions professionnelles, j’ai donc du temps à consacrer”. La jeune femme n’hésite pas à prodiguer conseils et astuces, tout en surveillant son portable pour recenser les présents et les éventuels désistements.

3000 personnes sur whatsapp

À quelques mètres de l’effervescence des préparatifs, un groupe de trentenaires attablés devant une tournée de bières a des faux airs d’état-major. Sur la terrasse du Plan de A à Z, un “tiers-lieu culinaire, solidaire et anti-gaspi” du haut de la Canebière qui tient place de QG de campagne, Violette, Michel, Elise, Julia et Antoine enchaînent les visioconférences et prévoient les actions à venir. Bien qu’ils se défendent de l’existence d’une quelconque hiérarchie, ils sont bien les instigateurs du mouvement. Et si eux ont déjà eu des engagements militants, tel le très identifié Kévin Vacher, figure de la lutte contre l’habitat indigne et candidat sur des listes de gauche par le passé, ou comme Antoine qui est actif “dans les milieux climat depuis 2013”, tous s’accordent sur le fait qu’il y a beaucoup de débutants.

“Dans les premiers rassemblements, quand on posait la question de qui participait à sa première mobilisation, on en avait plus de 90% !”, s’étonne encore Elise. Mais ils sont plus étonnés encore par l’ampleur prise par le mouvement. “On a eu 1000 inscrits sur le groupe WhatsApp dans les 24 premières heures. Autour de 3000 aujourd’hui”, retrace Kevin Vacher. “Le nombre de personnes, c’est unique. Le côté citoyen, non partisan, rassure. On sent que les gens ont besoin d’agir”, tente d’analyser Michel. “Moi, je n’ai jamais vécu ça !”, s’enthousiasme Elise.

On retrouve chez toutes personnes présentes la volonté d’agir et de ne pas rester les bras croisés face à la montée de l’extrême droite. Le tout dans un certain désordre, provoqué par l’inexpérience et la soudaineté de la situation. Les boucles WhatsApp, rouage essentiel à l’organisation du mouvement, exhortent à sortir des tracts et remplir les plannings. “Les tracts sont imprimés par des bonnes âmes, les affiches par des imprimeurs professionnels. Là, j’ai peut-être vu les doses un peu en grand”, rigole Kevin en sortant une grosse liasse d’affiches d’un carton. Et si ce soir, l’action est ciblée sur le centre de Marseille, on compte une dizaine d’interventions par jour aux quatre coins de la ville. “Et les plannings sont toujours remplis, même quand on prévoit au dernier moment. Les gens sont vraiment mobilisés“, se félicitent les organisateurs.

Œcuménisme de gauche

Une fois les préparatifs terminés, il reste pour certains quelques questions très terre à terre à élucider, comme cette jeune femme qui se demande “mais en fait, où est-ce qu’on a le droit de coller ?” Fiona glisse : “les affiches, vous pouvez les coller un peu « en sauvage »… faut juste que ça n’embête pas les gens”. Fins prêts et briefés, les groupes de néo-militants s’élancent par groupe de quatre ou cinq. Pour Fiona et son groupe, la tournée commence sur la place Léon Blum, et remonte ensuite en direction de la gare Saint-Charles. Pas un transformateur électrique ou un panneau d’affichage public n’échappe à l’œil des colleurs. Parmi eux, Nathanaël fait figure d’exception. Ce quarantenaire à la barbe et aux cheveux d’un roux flamboyant est venu des Pyrénées-Orientales, “une terre de gauche passée à l’extrême droite”, spécialement pour “vivre cette campagne en dehors de mon cercle sociologique”. Lui qui milite “depuis le début des années 2000 et la fondation d’ATTAC”, loue ce genre d’initiatives citoyennes, “qui mobilise beaucoup de jeunes, et notamment beaucoup de femmes”.

Arrivé boulevard National, le groupe aperçoit d’autres colleurs au loin. “Ah, mais c’est la scission, eux !” rigole Nathanaël, alors qu’il évoquait quelques instants plus tôt la question des deux candidats de gauche qui s’opposent dans la circonscription voisine. Fiona, amusée, précise cependant : “Dans le centre-ville, on ne colle pas pour des candidats, on prend pas parti. Là, on a des affiches pour l’évènement Mee-ting Mi-teuf de mercredi soir. On a également des affiches anti RN. On ne rentre pas dans le débat des candidats”. Et elle poursuit : “Les affiches avec candidats sont réservées aux circos les plus disputées, comme la 3e et la 2e”. C’est-à-dire dans la circonscription des quartiers Nord où le Rassemblement national a une députée sortante, et dans celle des quartiers Sud où se présente le socialiste Laurent Lhardit.

Pamela, qui ne veut pas rentrer dans les petites guerres internes et dont c’est le premier collage, insiste sur le côté formateur et mobilisateur de ces moments, qui permettent “de se rendre compte qu’il est possible d’agir”. Quand les organisateurs se demandent si le mouvement perdurera, elle préfère positiver : “même s’il n’y en a que 5 ou 10%, ce sera déjà super”. Elle ajoute : “Je suis contente de participer à ça vu la période qu’on traverse. Ça me fait du bien de me rassembler avec des gens qui veulent lutter pour les mêmes idées que moi”. L’affluence lors de la soirée de mercredi, mais aussi dans les urnes, dira si leur action a porté ses fruits.

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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    Un peu comme des témoins de Jehova , mais encore plus collants.

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    • Alain M Alain M

      Cherchez-vous à être sarcastique ou êtes-vous carrément méprisant ? Ou un peu des deux ?

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  2. RML RML

    Question : place Léon Blum, saint Charles, boulevard National ? Actuellement à gauche.
    Ne faudrait il pas aller là où le RN fait un raz de marée ?
    C’est peut etre le cas mais l’article n’en parle pas vraiment…

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  3. pm2l pm2l

    Aucun écologiste ne s’élève contre cette débauche de papier coloré abondamment collé sur le moindre bout de mur du 1er arrondissement, et qui a pour finalité dans 95% des cas de finir dans la mer ?

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