Les Economistes Atterrés à Marseille : "pour ne pas que la finance domine, il faut apprendre à la maîtriser"

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le 29 Mar 2011
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Les Economistes Atterrés à Marseille : "pour ne pas que la finance domine, il faut apprendre à la maîtriser"
Les Economistes Atterrés à Marseille : "pour ne pas que la finance domine, il faut apprendre à la maîtriser"

Les Economistes Atterrés à Marseille : "pour ne pas que la finance domine, il faut apprendre à la maîtriser"

Entre l’intervention militaire en Lybie, les retombées radioactives de la centrale nucléaire de Fukushima et les élections cantonales, vous êtes certainement passés à côté du sommet européen de jeudi et vendredi dernier, consacré à la crise de la dette publique que connaissent en particulier la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne. Les mesures adoptées ont bien donné lieu à une dépêche AFP, un traitement critique de l’Huma et même un communiqué du PS dénonçant un « pacte de régression ». Mais c’est peu, vu l’ampleur et le caractère crucial des enjeux et de leurs conséquences.

3000 signatures et un tour de France

Un sujet sur lequel sont revenus ce lundi à la fac Saint-Charles un duo d’« économistes atterrés », du nom de ce manifeste signé en septembre 2010 par quatre pointures : Philippe Askenazy (Ecole d’économie de Paris), Thomas Coutrot (conseil scientifique d’Attac), André Orléan (Ecole des hautes études en sciences sociales et président de l’Association française d’économie politique), Henri Sterdyniak (Observatoire français des conjonctures économiques).

Des chercheurs « atterrés de constater que, même après la crise, on appliquait les mêmes politiques de soumission aux marchés financiers. Et que la plupart des économistes qui interviennent dans le débat public défendent des fausses évidences conduisant à des mesures irresponsables », a résumé Fabienne Orsi, de l’Institut de recherche et de développement, qui participe à « l’institutionnalisation » de la démarche.

Après « 3000 signatures et des demandes croissantes d’organisation de débat », le manifeste entend « mener le débat de manière durable, avec des commissions de travail, des notes mises en ligne et ce tour de France dont Marseille est la troisième étape », a-t-elle expliqué.

Défaut d’organisation européen

Face à un amphi bondé, Henri Sterdyniak a rappelé que « la crise a mis en évidence un défaut d’organisation de la zone euro. Les marchés financiers s’en sont aperçus et ont spéculé sur la dette des pays les plus fragiles. C’était un défaut marqué noir sur blanc dans les textes européens : les pays n’ont aucune solidarité entre eux.«  Une attaque des dettes souveraines facilitée par des produits dérivés comme les credit default swap (CDS) « qui permettent de spéculer sans même avoir prêté à ces pays ».

Face à la crise grecque puis irlandaise, « les Etats ont prêté en empruntant aux marchés financiers, à des conditions élevées de 5 ou 6%, alors que la BCE prête à 1% » a complété Frédéric Boccara, économiste et membre du conseil national du PCF. Bref, alors qu’« aujourd’hui, la France et l’Allemagne empruntent à 3 ou 4%, il n’y a aucune raison que la Grèce est le Portugal n’aient pas les mêmes conditions dans la mesure où l’Europe dit clairement que cette dette est garantie. »

Sous conditions

Et les mesures adoptées la semaine dernière ? « Le pacte pour l’euro va imposer aux pays de prendre des engagements extrêmement rigoureux en matière de politique salarial, avec une remise en cause de l’indexation, et sociale, avec une baisse des retraites et des allocations chômages », a dénoncé Henri Sterdyniak. Qui note que les autres évolutions vont dans le sens « d’un renforcement de la surveillance des politiques économiques par la Commission européenne », avec des amendes pour les pays qui dépassent un certain niveau de dette et de déficit budgétaire, et un « semestre européen, qui consiste pour les Etats à aller devant la Commission présenter leurs projets de budgets et de réforme », détaille-t-il.

Ajoutant que « ce serait sympa si l’objectif était une politique de relance, de grands travaux, de tournant vert ». Mais qu’en l’occurrence plutôt d’une « austérité qui dès cette année représente 2 points de PIB. C’est énorme, et cela pèse très fortement sur la croissance, amenant à des rentrées fiscales faibles, ce qui impose de faible encore plus de coupes dans les dépenses publiques », estime-t-il. Un discours cependant encore trop focalisé sur la croissance, avait noté sur son blog l’économiste Jean Gadrey. Fustigeant le caractère « autoritaire et hyper-centralisé » de ces démarches, Frédéric Boccara s’est surtout concentré sur le trop peu d’attention accordé selon lui au social et à l’emploi par les conditions européennes. « Comment faire cette nouvelle économie de la connaissance dont on nous parle avec des budgets de recherche que l’on écrase ? » »

Politique de crédit public

La clé étant pour lui que « la création de monnaie (par la Banque centrale européenne) est laissée hors du champ », rendant nécessaire le recours aux marchés financiers, notamment pour alimenter le futur fond de soutien de 500 milliards d’euros qui sera mis en place en 2013. La proposition des Economistes Atterrés ? Une « politique publique du crédit qui prête à taux préférentiels et sur d’autres critères ». Et ce via « une nouvelle institution financière avec une gouvernance autre : parlementaires européens, nationaux, représentants de mouvements syndicaux et associatifs ».

Un fond qui financerait « par la création monétaire de la BCE, les service publics, les entreprises » sur conditions sociales et environnementales. On est loin de notre Caisse des dépôts et consignations tricolore, qui tire une balle dans le pied des budgets de la Sécu en étant au capital de la chaîne de fast food Quick… « La SNCF, pour être performante, a besoin d’infrastructures. Et comment on finance ce capital ? Avec les marchés financiers… Une charge qui représente 15% de la masse salariale des cheminots. Pourquoi la BCE ne prête pas à 0% pour le fret ferroviaire ? », interroge-t-il.

Bref, pas question de rejeter la finance: « Pour ne pas que la finance domine, il faut apprendre à la maîtriser ». Dans la salle, des étudiants, d’autres économistes, mais aussi des admirateurs de Proudhon, voire des nostalgiques de 1917. Et cet informaticien qui met les pieds dans le plat : ces Atterrés se rendent-ils compte que même s’ils parviennent à convaincre les Français, il restera l’Allemagne et les autres pays européens, voire les Etats-Unis ? « On fait un tour de France, on fait ce qu’on peut. Mais on a vendu 50 000 exemplaires du manifeste, c’est pas si mal. On a des contacts en Europe, on est traduits en Espagne et au Portugal. On rencontre bientôt le groupe GUE (gauche unitaire européenne, ndlr) et le président de la confédération européenne des syndicats… On n’est pas seuls », a répondu Frédéric Boccara.

Un lien Le site des Economistes Atterres

Un lien Le texte du Manifeste

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Commentaires

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  1. casanovette casanovette

    Enfin, on commence à aborder les vrais sujets ! Les uns et les autres, en auraient ils plus que leur claque, de suer sang et eau pour alimenter les fonds de pensions américains ? … et toute la banqueroute Yankee, du reste ? Maintenant, la brave solution, c’est de “Maitriser la finance” ! La bonne blague !!!

    Va falloir se lever tôt … et il est déjà bien tard pour se réveiller. Et apparemment, Messieurs, vous êtes encore dans les limbes d’un demi sommeil !
    http://nllefeodalite.canalblog.com/archives/2011/01/03/20005619.html

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  2. forumeurlecteur forumeurlecteur

    je lis des mots tel que capitalisme patrimonial capitalisme financier capitalisme neoliberal alors que le systeme economique de la france est un systeme social clientelisme

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  3. Saint Juste Saint Juste

    Les fondateurs sont Philippe Askenazy, CNRS ; Thomas Coutrot, conseil scientifique d’Attac ; André Orléan, CNRS, EHESS ; Henri Sterdyniak, OFCE tous élevés au biberon du fonctionnaire. Leurs idées sont bonnes pour un régime soviétique. Pas crédible du tout.

    Ce qui est extraordinaire avec la science économique, c’est que toutes ses lois tiennent réellement en une page, mais leur simplicité n’a jamais été acceptée par la plupart des gens.
    L’économiste américain Mark Skousen a relevé le défi. Le texte ci-dessous a été publié par la revue du F.E.E. (Foundation for Economic Education, New York), Freeman, Janvier 1997. Et ce texte a été traduit par Jacques Garello, président de l’ALEPS, Association pour la liberté économique et le progrès social, pour La Nouvelle Lettre, numéro du 15 février 1997.
    Voilà donc la liste:
    1. Intérêt personnel : Personne ne dépense l’argent des autres avec autant de soin que le sien propre.
    2. Croissance économique : La clé de l’élévation du niveau de vie est de développer l’épargne, la formation de capital, l’éducation et la technologie.
    3. Commerce : Lors de tout échange volontaire, quand ils disposent d’une information précise, l’acheteur et le vendeur sont tous les deux gagnants ; de ce fait, une augmentation du commerce entre individus, entre groupes ou entre pays est profitable aux deux parties.
    4. Concurrence : Étant donné la réalité universelle des ressources limitées et des demandes illimitées, la concurrence existe dans toutes les sociétés et ne peut pas être abolie par décret gouvernemental.
    5. Coopération : Puisque la plupart des individus ne sont pas autosuffisants, et que presque toutes les ressources naturelles doivent être transformées pour devenir utilisables, les individus – travailleurs, propriétaires, capitalistes et entrepreneurs – doivent travailler ensemble dans le but de produire des biens et services de valeur.
    6. Division du travail et avantage comparatif : Les différences de talents, d’intelligence, de savoir et de propriété conduisent à la spécialisation et à un avantage comparatif détenu par chaque individu, entreprise ou pays.
    7. Dispersion du savoir: L’information sur le comportement du marché est si diverse et omniprésente qu’elle ne peut être saisie ni calculée par une autorité centrale.
    8. Perte et profit : Le profit et la perte sont des mécanismes du marché qui indiquent ce qui doit être ou ne pas être produit dans le long terme.
    9. Coût d’opportunité : Étant donné les contraintes de temps et de ressources, il faut toujours faire des arbitrages. Vouloir faire quelque chose demande de renoncer à d’autres que l’on aurait aimé faire aussi. Le prix payé pour s’engager dans une activité est égal au coût des activités auxquelles on a renoncé.
    10. Théorie des prix : Les prix sont déterminés par l’estimation subjective des acheteurs (demande) et des vendeurs (offre), et non par un quelconque coût de production objectif ; plus le prix est élevé, moins les quantités achetées seront grandes et plus les quantités offertes seront importantes.
    11. Causalité : À chaque cause correspond un effet. Les actions des individus, des entreprises ou des gouvernements ont un impact sur les autres acteurs de l’économie, impact qui peut être prédit, bien que le niveau de prédictibilité dépende de la complexité des actions engagées.
    12. Incertitude : Il existe toujours une dose de risque et d’incertitude sur l’avenir, car les gens effectuent des réévaluations, tirent des leçons de leurs erreurs et changent d’avis, ce qui rend délicate toute prédiction sur leurs comportements à venir.
    13. Économie du travail : L’augmentation des salaires sur le long terme ne peut être réalisée que par une plus grande productivité, c’est-à-dire par davantage d’investissements en capital pour chaque travailleur ; le chômage chronique est une conséquence de l’action du gouvernement qui fixe les taux de salaire au-dessus du niveau d’équilibre du marché.
    14. Contrôles du gouvernement : Les contrôles des prix, des salaires ou des loyers peuvent bénéficier à certains individus ou groupes, mais pas à la société dans son ensemble ; en fin de compte, ces contrôles créent de la pénurie, du marché noir et une détérioration de la qualité et des services. Les repas gratuits, ça n’existe pas.
    15. Monnaie : Des tentatives délibérées pour déprécier la monnaie nationale, ou baisser artificiellement les taux d’intérêt, ou encore pour s’engager dans des politiques d’argent facile conduisent inévitablement à l’inflation, à des cycles prospérité/récession et aux crises économiques. C’est le marché, et non l’État, qui devrait régler la monnaie et le crédit.
    16. Finances publiques : Dans toutes les entreprises publiques, et afin de maintenir un haut niveau d’efficacité et une bonne gestion, les principes du marché doivent être adoptés chaque fois que cela est possible:
    1. le gouvernement devrait essayer de se cantonner à ce que les entreprises privées ne peuvent pas faire ; il ne doit pas s’engager dans des affaires que le secteur privé gère mieux que lui.
    2. le gouvernement devrait fonctionner selon ses moyens.
    3. l’analyse coût/avantage: les bénéfices marginaux doivent être supérieurs aux coûts marginaux.
    4. le principe de commutativité: ceux qui bénéficient d’un service devraient payer pour ce service.
    Nous sommes soumis à un flot incroyable des affirmations que la crise est le résultat de néo-libéralisme ou ultra libéralisme. Et bien non. On nous prends vraiment pour des cons. Le libéralisme en France ? Rien de tel en France. Le libéralisme y est un nain politique, et même la droite de notre échiquier politique reste acquise aux recettes interventionnistes et keynésiennes qui ont pourtant prouvé leur incapacité à nous sortir de la crise que notre économie connaît depuis 1973. Pourtant, jamais nous n’aurons autant entendu parler de libéralisme qu’ en ce moment. Selon les sachants l’Etat (j’écris avec e majuscule pour rendre hommage à son obésité) va nous protéger des excès de l’ultra-libéralisme , néologisme commode brandi en toute circonstance par les interventionnistes comme l’épouvantail source de tous nos maux.

    Ultra-libéralisme…ou ultra-étatisme. Qui est le coupable ?

    La crise (ce château de cartes) est sur le point d’imploser, on peut se poser la question du « coupable » à l’origine de cette situation. On trouve sur le net, dans la presse et parmi de nombreux dirigeants politiques une opinion très majoritaire qui voudrait que ce soit « l’ultra-libéralisme » donc l’insuffisance de l’Etat qui soit responsable de la situation actuelle.

    La réalité les faits sont là : dans tous les pays industrialisées la part de l’Etat dans l’économie n’a jamais été aussi grande que maintenant. Il y a tout de même matière à réfléchir là-dessus, non ? Merci à nos politiques de ne pas en oublier la moitié en court de route!

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