Les écoles de Marseille tiendront-elles le rythme ?
Les écoles de Marseille tiendront-elles le rythme ?
C'était l'annonce que s'était réservé Jean-Claude Gaudin pour ses voeux à la presse. Fin janvier, le maire de Marseille a adressé une fin de non recevoir au ministre de l'Éducation nationale, Vincent Peillon : "trop cher". Ce que le maire ne dit pas, c'est que cela pourrait s'avérer très compliqué, y compris en terme d'infrastructures. Et ce n'est pas le délai d'un an jusqu'en 2014 qui va permettre à la ville de rattraper son retard. En parallèle de cette fin de non-recevoir, le Dasen (Directeur académique des services de L'Éducation nationale) a pourtant déjà fixé le cadre : une demi-heure à la mi-journée et une autre à partir de 16 h pour une activité artistique ou sportive quatre jours par semaine.
Professeur des écoles dans les quartiers Nord, Pierre (1) décrit ainsi son établissement : "200 élèves, 9 classes et la récréation est coupée en deux créneaux parce que la cour de l'école est trop petite". La réforme, il la voit venir avec une pointe de circonspection malgré une conviction de fond proche de celle du ministre : "Il faut revenir à 4 jours et demi. Nous dans les ZEP, les gamins, s'ils ont des activités culturelles, sportives, ça peut être intéressant si les moyens suivent. Mais je ne vois pas trop comment ça peut se passer. Aujourd'hui, en plus de la cour trop petite, on n'a pas accès à une salle de sport. Celle qu'on avait a brûlé il y a cinq ans. Qu'est-ce qu'on va leur faire faire ?"
Manque de tatas
Il résume ainsi un point de vue largement répandu parmi ses collègues : les moyens sont déjà insuffisants. "Avant, il y avait un aide-éducateur pour gérer la bibliothèque et la salle informatique puis on a eu un mi-temps, puis plus rien, reprend Pierre. Maintenant, les élèves n'y vont quasiment plus et ce sont les parents d'élèves qui couvrent les livres. Ce sont des infrastructures qu'on ne peut déjà plus utiliser."
Cette absence de personnel périscolaire, Rémi, enseignant dans le 6e arrondissement, la constate au quotidien. Il détaille les faibles moyens alloués à son école : "Aujourd'hui, pour 10 classes, nous ne bénéficions de l'intervention que d'un seul éducateur pour environ 200 élèves", lâche-t-il, conscient aussi des faibles salaires proposés à ces titulaires du Bafa, bien souvent des étudiants venus arrondir leur fin de mois. La maigre carotte financière n'aide pas à recruter. Même constat pour Marie, directrice de l'école Parmentier dans le 1er arrondissement : "Actuellement, il manque des Atsem – les "tatas" – dans les écoles. Dans la mienne, on n'en a que deux pour trois classes. Clairement, je crois que la réforme des rythmes scolaires n'est pas l'urgence dans cette ville".
Dix minutes pour faire les équipes
Les modalités d'application voulues par le Dasen interrogent au sein même de l'Éducation nationale. La division prévue en deux demi-heures n'a rien d'une sinécure, expliquent en choeur Rémi et Haïk. Ancien camarade du premier sur les bancs de l'IUFM, ce dernier est aujourd'hui prof à l'école Menpenti : "Une demi-heure de sport, ça veut dire déjà dix minutes pour faire les équipes au minimum. Il reste vingt minutes pour l'activité proprement dite. Mais qu'est-ce qu'on va mettre en place en si peu de temps ? Mieux vaudrait une heure d'une traite".
Comme ces deux jeunes enseignants, Pierre s'inquiète d'une pause de midi portée à deux heures et demi au lieu de deux heures. "La dernière demi-heure aujourd'hui est déjà très compliquée à gérer, c'est le moment où tu as les violences : c'est trop long pour les élèves". L'inquiétude sous-jacente reste qu'on ne puisse pas offrir une activité périscolaire tous les jours à tous les élèves et que, par conséquent, certains restent encore plus longtemps dans une cour de récré souvent trop exiguë.
Dans la cour voire dans les classes, ce qui inquiète là aussi. Une autre Marie, enseignante en maternelle dans le centre-ville choisit de transposer la situation à d'autres métiers : "Qui accepte qu'on occupe son bureau ? Une classe, ça se prépare, ça s'organise. On ne pourra tout remettre en place tous les jours", assure-t-elle. Elle en convient : "Ça peut paraître futile mais pour nous, c'est important".
Mercredi de perdu
Les inquiétudes comme celle-ci se multiplient. Il y a bien sûr la perte du mercredi de repos que chacun n'évoque qu'au détour d'une phrase, bien conscient que cette revendication corporatiste quoique naturelle est difficilement audible par le grand public. Il y en a d'autres plus éloignées de la réalité du projet ministériel : la crainte de devoir assurer des activités artistiques ou sportives pour lesquelles les enseignants ne sont pas formés, celle de voir poindre un lot de pratiques payantes qui discrimineraient les enfants des familles les plus pauvres.
Rationnelles ou fantasmées, ces interrogations révèlent essentiellement le flou qui entoure cette réforme. Les enseignants regrettent tous de ne pas avoir été plus consultés durant son élaboration. Tous savent que le fait de confier l'organisation de ces moments périscolaires obligatoires aux mairies créera inévitablement des disparités territoriales. Marseille, ville pauvre, ne sera certainement pas la mieux lotie dans cette loterie. Et ça, ce n'est pas qu'une question de vision politique à courte vue.
(1) Le prénom a été changé à sa demande.
Commentaires
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Sauf erreur de ma part, ces activités périscolaires n’auront rien d’obligatoire, contrairement à ce qu’affirme la fin de votre article. Actuellement, il existe déjà une disparité territoriale pour l’étude après la classe où même les différents arrondissements de Marseille ne sont pas logés à la même enseigne. Mais là aussi, l’étude ou la garderie avant ou après la classe n’a rien d’obligatoire.
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La photo ci-dessus montrant le syndicat FO des enseignants est très mal choisie.
Car si l’on se renseigne, on apprend que ce syndicat est ultra minoritaire chez les enseignants, il n’est pas représentatif.
De plus, il semble attirer ce qu’il y a de plus corporatiste dans la profession.
Tout indique que la masse des professeurs des écoles n’est pas contre le principe d’une semaine mieux organisée, mieux adaptée aux rythmes des enfants, ce qui coince c’est les modalités pratiques de mise en place.
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Cette réforme des rythmes scolaires est l’exemple même des décisions technocratiques prisent sans concertation et sans connaissance de la réalité quotidienne. Il est évident que cela va profondément renforcer les inégalités territoriales et sociales entre communes riches et pauvres (leçon de piano à Gémenos, bagarre dans la cour à Marseille). Le risque est de renforcer également les stratégies d’évitement déjà largement à l’œuvre dans les choix de résidence pour les jeunes couples. Chaque commune aura à cœur de proposer les activités périscolaires les plus attractives pour capter les populations à plus fort revenu. Bien évidement, dans cette compétition Marseille part archi perdante d’autant que comme l’indique Gibus les activités ne seront pas obligatoires pour les communes. Il est fort probable qu’à Marseille on se contentera du service minimum et que l’on proposera au personnel municipal quelques heures supplémentaires pour arrondir les fins de mois. C’est donc FO qui sera en charge de définir le contenu pédagogique, bref tout un programme…ou alors se sera le privé qui prendra le relais pour ceux qui en auront les moyens. C’est assez incroyable qu’un gouvernement socialiste ait pondu une telle mesure. La rentrée 2013 va être explosive; cette réforme va leur exploser au nez à quelques mois des municipales.
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Pas d’accord avec l’adjectif “technocratique” employé ci-dessous par Raphaël pour désigner la décision ministérielle de la semaine de 4,5 jours.
C’est une décision PEDAGOGIQUE et EDUCATIVE, car la semaine de 4 jours, invention de MM. Sarkozy et Darcos pour complaire au secteur des loisirs et du tourisme, est une faute lourde contre la physiologie des enfants.
Celle-là, oui, a été une décision technocratique !
Maintenant, qu’il y ait des difficultés d’application, cela paraît certain, mais en Francce on trouve toujours de l’argent pour divers gaspillages, et on en manque pour l’indispensable.
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Il faudrait mille mises au point pour clarifier cette situation pour le grand public:
1) Les principaux syndicats des professeurs des écoles – snuipp et se-unsa – sont d’un immobilisme effarant depuis que la gauche est au pouvoir. Si le précédent gouvernement avait fait passer, en douce et au mépris de tous les acteurs, une telle réforme, ce serait la révolution. Mais là, c’est le PS qui est au pouvoir, donc motus et bouche cousue. Et tant pis si les mômes morflent, tant pis si les professeurs des écoles passent du statut de cadre à celui de “professions intermédiaires”, si on impose cette réforme bâclée et bidon.
2) Les “parents” pour qui Peillon a fait cette réforme sont-ils vraiment pris en considération? Car lorsqu’on les fait parler, force est de constater que la fcpe ne représente pas grand monde.
3) A vouloir respecter le rythme des enfants, à éviter les coupures si “néfastes”, personne n’a pensé à réduire les vacances d’hiver ou de pâques, industrie touristique oblige et Peillon s’y plie!
4) Comparez le budget des différentes communes octroyés à chaque enfant lors des rentrées scolaires et extrapolez sur les activités “proposées” pendant une demi-heure qui ne rimera à rien… Et si les “agents municipaux” ou animateurs sont absents, comment se fera le transfert de responsabilité pour garder les enfants?
4) Rappelons que les directeurs sont les responsables des locaux: seront-ils en mesure de garantir que des activités qui se passent dans une classe hors des heures de cours seront calmes et respecteront tant le travail et le matériel des enseignants que ceux des élèves?
5) Au cas où les directeurs ne voudraient pas assumer cette responsabilité (observez selon les écoles et les quartiers les disparités des activités péri-éducatives proposées aux élèves dans l’enceinte de l’école), ça deviendrait la responsabilité de qui? Ou alors, pour nous permettre d’exercer dans des conditions plus tranquilles, devrions-nous, les “nantis” professeurs des écoles assurer ces heures sous la contrainte? Quelle autre catégorie socio-professionnelle l’accepterait? Car nous sommes rentrés dans l’Education Nationale, pas dans les ordres!
ON CHERCHE JUSTE A BRADER L’EDUCATION POUR MIEUX GOUVERNER DES MOUTONS. Je suis prête à entendre M. Peillon le jour où il acceptera de faire ses heures avec mon salaire.
VIVEMENT LE MOMENT OU NOUS DEVRONS FAIRE 35H DANS LES ECOLES ET SANS AVOIR DE TRAVAIL A FAIRE A LA MAISON ET SANS RECEVOIR PARENTS, EDUCATEURS ET TOU SLES AUTRES ACTEURS DU SYSTEME EN DEHORS DE CES HEURES. Rien ne nous y oblige: nous sommes des catégories intermédiaires…
ET LE GOUVERNEMENT LE SAIT ET LE CRAINT, IL N’Y A QU’A VOIR LES RECENTES CAMPAGNES POUR RECRUTEUR DES PROFFESSEURS !!!
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