La Ville construit un projet de lecture publique en trompe-l’œil
Depuis plusieurs années, Marseille travaille à un ambitieux plan de lecture publique à la hauteur de la deuxième ville de France. Il prévoit notamment la création de nouvelles bibliothèques au Nord et à l'Est. Mais, faute de personnel, le réseau existant a du mal à rester ouvert en été.
La bibliothèque de l'Alcazar.
La politique de lecture publique de la municipalité ressemble fort au bâtiment qui lui sert d’emblème. Une belle façade et, derrière, beaucoup de problèmes. En effet, si le vaisseau amiral du réseau municipal des bibliothèques affiche une fréquentation record d’un million d’usagers par an, la ville est un cancre en lecture publique. Un rapport commandé au cabinet spécialisé ABCD en posait le diagnostic l’an dernier, préalable à la signature entre la Ville, l’État et les autres collectivités locales d’un contrat territoire lecture. Nombre de mètres carrés de bibliothèque, nombre de documents achetés par habitant, nombre d’abonnés par rapport à la population générale, Marseille est partout dernière de la classe…
Celui-ci a servi de base à une délibération votée en décembre 2015. Celle-ci pose un certain nombre d’engagements et, notamment, “étendre le réseau des bibliothèques municipales de 3 000 m² supplémentaires, rééquilibrer le maillage territorial du réseau des bibliothèques municipales, adopter et mettre en œuvre un nouveau projet culturel et scientifique pour la bibliothèque du 21ème siècle”. Avec à la clef, une enveloppe annoncée de 22 millions d’euros. Sollicitée à maintes reprises par Marsactu, Anne-Marie d’Estienne d’Orves a fini par accepter de poser quelques jalons sur la carte présentée dans le rapport ABCD sans horizon concret.
Saint-Antoine/Plan d’Aou début 2018
Elle mentionne notamment l’élargissement du réseau existant. Attendue depuis dix ans, la bibliothèque de Saint-Antoine devrait ouvrir “fin 2017 ou début 2018″ avec un nouveau directeur en cours de recrutement. Une création qui devrait avoir des effets sur les autres bibliothèques alentours. Ainsi la bibliothèque de Saint-André serait appelée à fermer. Anne-Marie d’Estienne d’Orves ne confirme pas. Mais n’infirme pas non plus : “J’adore ce lieu, il me rappelle l’école de mon enfance mais il n’est plus adapté. D’autant plus que nous avons un projet à l’Estaque”. Pour Raymond Romano, du syndicat CGT, “cette décision serait une catastrophe. Les habitants de Saint-André ne vont pas se déplacer à l’Estaque ou à Plan d’Aou”.
À l’Est, toujours rien de nouveau. Sans cesse promis, jamais réalisé, le projet de bibliothèque sur l’ancienne usine Rivoire & Carret est toujours sur le bureau de l’élue. Où il voit la poussière s’accumuler, année après année. “C’est un dossier compliqué, nous ne sommes propriétaire que de la moitié du foncier, le reste appartient à la métropole. Mais je continue de regarder”, se défend cette dernière. Résultat, il n’y a rien à espérer de ce côté-là si ce n’est un déménagement de la petite bibliothèque de la Grognarde vers les Caillols, non daté.
Un nouveau projet à Saint-Loup
Seule annonce concrète dans cette zone sinistrée de l’Est marseillais mais plus au Sud, “Saint-Loup”, dans le 10e, terre d’élections d’Anne-Marie d’Estienne d’Orves. “Ce n’est pas ce qui me motive, argue-t-elle. Ces quartiers abritent une population importante et sont peu dotés en équipements publics”. Pour l’heure, le projet consiste à surveiller les “opportunités foncières” pour un lancement en 2018 et des travaux annoncés pour le prochain mandat. Même chose pour les travaux sur la bibliothèque des quartiers Sud, à Bonneveine. Là encore, le site obsolète a fait l’objet de nombreuses rumeurs de déménagement : “Une profonde restructuration sera lancée en 2018/2020 mais plutôt 2020”.
Au résultat, la seule annonce concrète d’élargissement du réseau concerne la création de “drive” ou bibliothèque express sur deux nœuds du métro marseillais à Saint-Charles et Sainte-Marguerite-Dromel. “Cela prendra la forme de kiosques automatisés comme des distributeurs de boissons grâce auxquels les gens pourront emprunter et déposer leurs livres avec une simple carte, décrit l’adjointe. Nous travaillons sur le projet pour une ouverture prévue en 2017″.
Si le calendrier s’étire ainsi dans le temps, c’est que la Ville ne tient pas seule les cordons de la bourse, “la majeure partie des 22 millions d’euros de ce plan sera apportée par l’État, la région et le département”, reconnaît-elle. Reste à trouver “au moins 8 millions” dans les caisses municipales qui sonnent creux depuis un bail. D’autant plus qu’il va bien falloir embaucher pour faire fonctionner ces équipements. Or, de ce côté-là, les syndicats attendent de pied ferme les annonces alors qu’ils estiment à 40 ou 50 postes les embauches nécessaires.
Un nouveau directeur à la rentrée
La première étape du processus consiste à doter les réseaux d’un nouveau directeur. Directeur par interim durant plus de 4 ans, Christian Laget est retourné à la direction des affaires culturelles où il réfléchit au projet culturel de la Ville à long terme. Il est remplacé depuis par le directeur des affaires culturelles, Sébastien Cavalié qui suit les dossiers dans la mesure d’un agenda déjà bien rempli. Au point qu’il n’a pas trouvé le moindre créneau pour recevoir les délégués syndicaux. “Un nouveau directeur a été choisi, se félicite l’adjointe à la culture. Il s’agit d’un conservateur qui aura la charge de l’ensemble des bibliothèques. Nous avons choisi de le recruter en externe car il faut un œil neuf, libéré des passions internes, c’est important pour construire un projet”.
Avant de partir, Christian Laget avait justement commencé à bâtir un projet d’établissement, sur les bases du diagnostic posé par le cabinet ABCD. Projet disparu depuis dans l’enfer de l’Alcazar. “En comité de direction, il a été jugé un peu léger”, glisse un participant à ces réunions. Résultat, les personnels sont appelés à plancher en ce moment même sur un nouveau projet d’établissement avec le même cabinet ABCD. “On en a fait tellement des projets d’établissement qui ont ensuite été jetés à la poubelle, soupire Catherine Roux, déléguée SDU-FSU. Les gens n’ont plus envie de s’impliquer…” En tout cas, le nouveau directeur aura ledit projet posé sur son bureau en arrivant “en septembre ou octobre”, comme l’annonce Anne-Marie d’Estienne d’Orves.
Plusieurs noms ont circulé dans le petit monde des conservateurs mais “plutôt des seconds couteaux”, glisse un observateur. Compte tenu des départs avec fracas des deux conservateurs mis à disposition par l’Etat, François Larbre en 2007 et Gilles Eboli en 2010, les candidat(e)s ne se précipitent pas. “La mariée est moins belle”, grince un cadre des bibliothèques.
Ouverture estivale
Le nouveau directeur arrivera également après une petite révolution estivale à l’Alcazar avec, pour la première fois le maintien des horaires d’ouverture du mardi au samedi inclus. L’an dernier, la Ville avait dû affronter une polémique au cœur des vacances : une main anonyme avait accolé sur les vitres de l’Alcazar, une série de tracts moquant la faible amplitude horaire d’ouverture des bibliothèques, sur le mode “Nous vous prions de rester tranquillement devant votre téléviseur”. Les syndicats CGT et SDU-FSU montaient alors au créneau pour réclamer une ouverture plus large. La municipalité en a fait son credo. Entraînant une bronca de ces mêmes syndicats et une journée de grève. “Cela est discuté avec l’ensemble des syndicats, croit savoir l’élue. Nous en discutons tous les mercredis en comité de direction. Je peux comprendre les angoisses mais nous faisons notre maximum : il y aura 18 personnes en plus en juillet 18 autres en août”.
“Nous ne sommes pas contre l’ouverture le samedi en été, au contraire. Nous la défendons même, répond Raymond Romano, délégué CGT cadres à la Ville. Mais à condition de mettre les moyens en face et de nous concerter. Pour l’heure, nous ne savons pas combien de personnes seront embauchées comme vacataires. En comité de direction, nous avons eu le montant de l’enveloppe – 80 000 euros – et c’est tout. Or, nous pensons qu’il y avait d’autres solutions que maintenir les mêmes horaires en dépensant moins d’argent”.
Du côté de Force ouvrière, Patrick Casse assure que la concertation a bien eu lieu : “l’ensemble des responsables ont été sollicités pour faire état de leurs besoins. Je n’ai pas de raison de ne pas croire ce qu’on nous annonce. Nous avons eu l’assurance que nous pourrions valider les profils recrutés en juin pour éviter le désagrément de voir les gens partir au bout de 15 jours comme l’an dernier. Nous jugerons sur les faits.” Si l’Alcazar doit ouvrir cet été comme toute l’année, le reste du réseau sera réduit à portion congrue. “Certains sites auront du mal à ouvrir, conclut un responsable. On va arriver à la situation des musées, où les gens se comptent le matin pour savoir s’ils vont ouvrir”.
Embauches en attente
Autour du directeur, d’autres embauches sont annoncées. Une administratrice est arrivée en décembre, une bibliothécaire est annoncée pour le service jeunesse, une responsable de la programmation serait arrivée de l’Espace Culture et un chargé de la communication numérique “en septembre“. À l’automne, “le comité de direction a acté qu’il fallait faire une pause sur le numérique. J’attends de voir.”
Pour la première fois, la Ville a ouvert largement les vannes du recrutement interne avec 26 postes offerts “à la mobilité”. Mais, pour l’heure, la vague attendue n’est qu’un frémissement. “C’est une mesure à laquelle je suis favorable depuis longtemps, se réjouit Patrick Casse (FO). Maintenant, nous sommes un service particulier : on travaille le samedi et le soir jusqu’à 19 heures. Ce n’est pas simple pour tout le monde”. Catherine Roux (SDU-FSU) croit savoir que “6 ou 7 personnes se sont présentées” sans certitude sur la réalité des arrivées. Le premier vante le plaisir à venir travailler à l’Alcazar et les prêts en hausse en littérature, la seconde regrette le désenchantement qui accable les personnels et rend plus difficile le service au public. Le projet municipal devra prendre en compte ces deux réalités pour enfin convaincre.
Commentaires
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A chaque fois les mêmes “réponses” de ces élus sur à peu près tous les sujets :”on regarde” “c’est en projet” “on ne maîtrise pas tout” “on croit savoir”… Elle maîtrise quoi cette municipalité? Idem pour les musées, on ouvre? on ouvre pas? Assez pitoyable tout cela. Associés à FO et la CGT, tous les ingrédients de la réussite sont réunis pour faire rayonner cette ville.
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En l’espèce c’est FO qui tient les rênes de la BMVR, s’accroche à un status quo délétère, fait passer les noms à faire monter, et a eu la peau des Directeurs partis, ce n’est pas un secret et Marsactu en a souvent fait état !
[Monsieur Eboli sur qui la Ville et FO ont copieusement déparlé, était si “mauvais” qu’il dirige à présent le Bibliothèques de Lyon, 2 ou 3 fois plus grandes…]
Ici, CGT et FSU demandent à améliorer le service public en ouvrant davantage (et donc en recrutant). Sur les bibliothèques on ne peut pas dire qu’il y ait convergence des luttes donc !
Il est vrai que quand on travaille, en été, il faut pratiquement poser une RTT pour pouvoir venir à la BMVR.
Après et comme d’hab, onva gérer la misère en déshabillant Pierre pour habiller Paul.
Mais enfin n’oublions pas qu’on a la Culture qu’on mérite : celle des élu.e.s pour qui on a voté … ou contre qui on est pas allé voter. Dont acte !
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Après le “plan Ecole Réussite” qui a laissé les écoles de la ville dans l’état que l’on sait, après le “plan Piscines” qui a servi à fermer la moitié des piscines, après le “plan Gymnases” qui a servi à ne rien faire, voici donc un “plan Bibliothèques” : on peut craindre le pire !
Mais heureusement, ce n’est que de la communication, puisque pour l’essentiel il sera mis en place “en 2020” ou durant “le prochain mandat” : l’inaction sera donc la règle durant le mandat en cours. Au moins est-on à peu près sûr de ne pas reculer. Au fait, les “au moins 8 millions” qui restent à trouver pour financer les projets, ça ne ressemble pas vaguement à ce que doit payer la ville chaque année pour ce magnifique stade quotidiennement utile à la majorité des Marseillais ?
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ce Patrick Casse est grotesque !
Un militant syndical ( ou du moins qui se prétend syndicaliste….) toujours ravi des propositions de ses supérieurs,dans le genre lèche botte il est champion !
Il ne doit y avoir que lui qui travaille dans de bonnes conditions à la bibli ! c’est vrai que de la façon dont il a bénéficié des promo sauce FO ,on ne peut pas lui demander, en plus ,d’être compétent !
Signé :, usager de la bibli qui a pu mesurer les conditions de travail du personnel.
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Au sujet de ce Monsieur Casse, dont on ne sait jamais s’il s’exprime comme syndicaliste ou comme membre de la direction (mais c’est le propre du “syndicalisme” à la sauce FO à Marseille), il faut lire cet article éclairant de Marsactu : https://marsactu.fr/bibliotheques-la-justice-casse-la-promotion-trop-facile-dun-leader-de-fo/
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