Les associations homosexuelles veulent être intégrées aux commémorations de la déportation
Une quarantaine de personnalités et associations ont écrit au préfet pour demander l'intégration des associations homosexuelles à la gerbe commune déposée chaque année fin avril, en mémoire des victimes de la déportation. Depuis 2010, elles participent à la cérémonie mais pas à la gerbe partagée.
Le dépôt des gerbes en avril 2014. (Photo : Mémoire des sexualités)
Chaque dernier dimanche d’avril, depuis 1954, la France commémore le souvenir des victimes de la déportation. Ensemble, les associations d’anciens combattants, déportés et résistants, ainsi que les organisations juives déposent une gerbe commune. Ensemble ? Pas tout à fait, puisqu’une structure n’y est pas associée. Il s’agit du Mémorial de la déportation homosexuelle. L’association entend conserver le souvenir des femmes et des hommes porteurs du triangle rose dans les camps de concentration où ils ont été déportés et où beaucoup sont morts durant la Seconde Guerre mondiale.
Début septembre, comme La Provence s’en est fait l’écho, Christian de Leusse, militant historique de la communauté LGBT, est à l’origine d’une lettre pétition, signée par quarante structures et personnalités dont la sénatrice socialiste Marie-Arlette Carlotti, et les adjoints au maire Pierre Huguet et Sophie Roques. Par ce courrier, ils et elles demandent à ce que soit mis fin à “cette discrimination” qui dure depuis 2010.
L’histoire est ancienne en effet. Il y a 14 ans, pour la première fois, Christian de Leusse obtenait le droit de remettre une gerbe en mémoire des victimes homosexuelles en même temps que les autres associations présentes à ces commémorations. “Depuis 1995, au nom de l’association du Mémorial de la déportation homosexuelle, je me rendais à la cérémonie d’avril, raconte Christian de Leusse. Je me tenais en marge et déposais une gerbe après la cérémonie. En 2010, je me suis décidé à saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations, la Halde, aujourd’hui défenseur des droits. La déléguée locale d’alors m’avait assuré de son soutien et le président Louis Schweitzer a écrit au préfet. Cela a déclenché une bronca des associations“.
“Je ne suis pas homophobe mais…”
La presse relate ces tensions, en couvrant la cérémonie où, pour la première fois, Christian de Leusse peut se tenir aux côtés des autres associations. La présidente départementale de l’Association des déportés, internés, résistants et patriotes des Bouches-du-Rhône, Gabrielle Genovesio, se permet alors une sortie médiatique d’un autre temps :
“Je ne suis pas homophobe mais notre association comprend des déportés, internés et résistants vivants alors que les homosexuels ne sont représentés que par leurs amis. Et par nature, ces personnes ne se reproduisent pas. Ils n’ont pas de famille.”
“Indisposée” par la présence de Christian de Leusse, elle décide de ne pas participer à la cérémonie de 2010. Mais son expression n’est pas un point de vue isolé. Depuis cette date, bien que tolérée, l’association qu’il représente n’est pas intégrée à la gerbe commune, comme si le point de vue exprimé à l’époque était devenu le crédo commun.
Chacun de son côté
Le président de la coordination des combattants des Bouches-du-Rhône, le colonel Jean-Luc Baffie, est censé fédérer les différents acteurs de la commémoration autour de la gerbe commune déposée fin avril. “Je suis au courant de la démarche de monsieur De Leusse, que j’apprécie par ailleurs, explique-t-il à Marsactu. Il y a déjà eu plusieurs réunions à ce propos au cabinet du préfet. Le problème, c’est qu’un certain nombre d’associations, dont le Crif, s’opposent à cette intégration. On ne peut pas imposer à quiconque de faire une gerbe commune. Il y a parfois des associations d’anciens combattants qui sont politiquement opposées. Elles sont présentes en même temps, mais déposent des gerbes chacune de leur côté.”
Le colonel est bien en peine d’expliquer ce qui “politiquement” oppose le représentant du Mémorial de la déportation homosexuelle aux associations communautaires juives. Jointe à son tour, la présidente du Crif Marseille Provence, Fabienne Bendayan, ne voit vraiment pas où est le problème.
Accord du Crif
“Je suis parfaitement au courant de cette histoire et j’ai d’ailleurs déjà fait part de mon accord sur le principe à l’intégration des associations de la communauté LGBT à la gerbe commune”, affirme-t-elle à Marsactu. Elle renvoie vers la préfecture en tant qu’organisatrice de la cérémonie pour appliquer les modalités de cet accord.
Bouclant la boucle, nous avons donc sollicité la préfecture pour connaître sa réponse au courrier. Le service de communication nous indique que “l’État veille à ce que toutes les associations concernées par cette commémoration, dont l’association des victimes homosexuelles, participent au dépôt de gerbes“. Le pluriel est d’importance. Quant à la décision de l’intégrer “au dépôt, parmi ces dernières, d’une gerbe associative commune, [elle] ne relève néanmoins pas de son ressort“. La balle est donc de retour du côté des associations fédérées par Jean-Luc Baffie.
Il reste un peu de temps aux associations d’ici avril prochain pour trouver un consensus public assumé. Christian de Leusse l’espère. À 78 ans, l’infatigable militant de la cause LGBT+ n’est pas sûr de trouver un relais au sein de la communauté pour poursuivre après lui ce geste symbolique de commémoration. Il espère qu’en intégrant une gerbe commune, la mémoire des victimes homosexuelles de la barbarie nazie ne sombre pas dans l’oubli.
Commentaires
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Oui bien sûr et en profiter pour intégrer d’autres associations qui sont oubliées dans cette commémoration, si cela est le cas.
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En gros il y a le bon déporté et le mauvais déporté
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L’invisibilisation du triangle rose n’est pas nouveau…
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Quelle boucle en effet ! Je n’aurai pas cru que la bêtise pouvait aussi se loger dans ces commémorations.
C’est bien à gerber
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L’argumentation de cette dame est scandaleuse
. “Ils ne se reproduisent pas” !!!!!
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Et “ils n’ont pas de famille”…. alors qu’ils ont des freres et soeurs, des parents, des conjoints, des cousins et même parfois… des enfants et des beaux enfants.
Certes les gens comme elle ont bien souvent coupé les ponts avec les homosexuels de leur famille… C’est vraiment d’un autre temps, et insupportable.
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