Les aspirants agriculteurs du Pays d’Aix confrontés à des terrains à prix d’or
Dans le Pays d'Aix, le prix de la terre agricole ne cesse de gonfler. Un hectare s'achète 18 000 euros en moyenne. Il est donc difficile de s'installer pour de nouveaux agriculteurs. Les acteurs publics, dont la Safer, tentent de faire face à cette problématique.
Le prix des terrains et des friches agricoles, comme ici à Venelles, ont flambé ces dernières années. (Photo : PID)
À 54 ans, Corinne Thérézien projette de devenir agricultrice. Une activité nouvelle pour cette ancienne entrepreneuse habitante de Venelles. “J’aimerais faire du maraichage et des fruitiers pour proposer une alimentation saine et bio, en circuit court”, présente-t-elle. Mais depuis un an et demi, elle ne parvient pas à trouver de terre à acquérir ou même à louer en fermage.
Une difficulté commune pour une grande majorité de celles et ceux qui souhaitent se lancer en agriculture dans les Bouches-du-Rhône, et en particulier dans le Pays d’Aix, territoire où la pression foncière est la plus forte.
De cet enjeu, la Safer Paca en est parfaitement consciente. L’organisme parapublic a le pouvoir de préempter des terres pour essayer de réguler le marché. Elle se lance dans une démarche inédite de consultation du public à l’occasion de l’élaboration de son futur Programme pluriannuel d’activité (PPAS) pour les six ans à venir, le document cadre qui orientera son action.
La Safer, pour quoi faire ?Les Safer (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural, une par région) ont été crées en 1962. Elles ont des missions d’intérêt général pour encadrer le foncier agricole, dans le but de d’accompagner le développement de l’agriculture, favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et éviter une trop grande concentration des terres dans les mains d’une même exploitation.
Laisser en friche, “en attendant la pelleteuse”
La première réunion publique de la consultation publique organisée jusqu’en septembre s’est tenue à Venelles ce jeudi 24 juin. C’est là que Marsactu a rencontré Corinne Thérézien, venue participer, tout comme une vingtaine de citoyens. Deux “ateliers” par département sont prévus. Le prochain pour les Bouches-du-Rhône se tiendra à Arles le 14 septembre. À propos du Pays d’Aix, la Safer a écrit dans son invitation à l’échange :
“Ce territoire d’une très grande diversité agricole est très convoité et subit une pression et une spéculation foncière toujours plus grandes. Les demandes d’installations d’exploitations agricoles en Pays d’Aix sont les plus élevées du département, mais l’accès au foncier agricole reste difficile pour les agriculteurs.”
La première cause de cet accès difficile réside dans le prix excessif auquel se vend la terre agricole : 18 000 euros l’hectare en moyenne. 3000 de plus que la moyenne départementale et le triple de celle des Alpes-de-Haute-Provence. De tels prix sont entrainés par l’étalement urbain. “Entre 2006 et 2014, les extensions urbaines ont consommé 200 hectares par an d’espace agricole”, sur le territoire métropolitain, analyse l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) dans un document de 2017.
Et pour construire, les friches agricoles sont une cible de choix. Elles peuvent être considérées comme des espaces perdus pour la mise en culture. “Les friches ne sont pas une preuve de surabondance de foncier agricole”, écrit plutôt l’AGAM avant de faussement interroger :
“Pourquoi ces friches agricoles alors ? Parce que de nombreux propriétaires fonciers spéculent sur une évolution des documents d’urbanisme qui ouvrirait leurs terres à l’urbanisation. Ainsi, plutôt que de louer leurs terres à un exploitant agricole, ils choisissent souvent de les laisser en friche “en attendant l’arrivée
de la pelleteuse”.”
“Les propriétaires, c’est leur patrimoine. Ils espèrent que leur terrain devienne constructible et qu’il prenne de la valeur”, abonde Corinne Thérézien. Comme le décrit l’AGAM, louer est aussi très compliqué. La durée des baux n’est pas toujours compatible avec la rentabilisation d’une exploitation agricole. Corinne Thérézien cherche plutôt une “sécurisation en achetant”, pour garantir l’avenir la plantation de ses fruitiers.
Des outils dont les communes ne se saisissent pas
Il existe pourtant des outils pour se sortir de cette situation en forme de cercle vicieux. Depuis les années 2000, la généralisation de documents d’urbanisme plus contraignants (SCOT, PLU) a contribué à freiner la consommation de terres agricoles. Puis, le gouvernement a fixé depuis 2018 un objectif de “zéro artificialisation nette”. C’est-à-dire que tout changement de nature d’une terre agricole ne doit pas se faire sans compensation.
Mais le triptyque “éviter, réduire, compenser” qu’il prône n’est pas suffisamment ambitieux selon l’association France nature environnement 13 (FNE) qui publie la deuxième édition de son répertoire des terres agricoles menacées. La députée LREM Anne-Laurence Petel, rapporteuse de la mission parlementaire sur le foncier agricole et co-autrice d’un projet de loi en cours d’examen, y voit aussi une limite. “Avec la compensation il y en a qui préfèrent toujours payer plutôt que protéger”, affirme-t-elle.
Quelques communes ont mis en place des zones agricoles protégées. Mais cela n’empêche pas une forte urbanisation dans les secteurs non-protégés.
Les collectivités ont également la possibilité de mettre en place leur propre protection des terres agricoles. Ainsi les communes peuvent instaurer des zones agricoles protégées (ZAP) qui pérennisent dans le temps la destination agricole des terrains. La mesure reste l’exception dans le Pays d’Aix. Elle est aboutie à Pertuis et à Chateauneuf-le-Rouge et en étude dans une poignée d’autres localités (Les Pennes-Mirabeau, Joucques…). Et une ZAP en place n’empêche pas une politique d’expansionnisme urbain sur d’autres lieux à l’échelle d’une commune : malgré ses 1500 hectares de ZAP, Pertuis est notée parmi les mauvais élèves de FNE 13 à cause de 235 hectares promis à la construction.
Un plan alimentaire sans agriculteurs ?
Enfin, la métropole, conjointement avec le Pays d’Arles, met au point un Plan alimentaire territorial (PAT) qui “entend construire une politique agricole et alimentaire globale en rapprochant l’ensemble des acteurs”, du producteur au consommateur. Pour l’heure, c’est une initiative qui se résume à une gigantesque mise en réseau. “C’est une politique d’affichage”, critique Anne-Laurence Petel, qui est également conseillère métropolitaine d’opposition. “Ça n’a pas de logique si on ne part pas d’abord du problème foncier et que l’on n’essaye pas d’abord d’aider à s’installer les jeunes agriculteurs. Au final ça ne peut pas être vertueux”, dit-elle.
En attendant une loi foncière plus contraignante – telle que le réclame le monde agricole -, et que les collectivités se montrent plus proactives, Corinne Thérézien et les aspirants agriculteurs parviendront-ils à trouver des solutions ? Il faudra bien trouver des moyens de simplifier l’installation. Toute une génération d’agriculteurs est en train de partir à la retraite.
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