Les apprentis profs vont quitter la Canebière

Les apprentis profs vont quitter la Canebière

Au 63 de la Canebière, se dresse le bâtiment de l'Espé, école supérieure du professorat et de l’éducation qui a remplacé l’IUFM depuis le 1er septembre 2013. Près de 400 étudiants y préparent leur diplôme afin de devenir enseignant ou formateur. Les uns apprécient la position centrale de leur école qui leur permet tout à la fois de profiter du cadre et des services de la ville. Ils peuvent notamment se rendre en stage dans les multiples écoles environnantes sans que cela bouleverse leur organisation quotidienne. Les autres, qui vivent généralement en dehors de Marseille et utilisent la voiture, sont moins emballés. "Les bouchons, c'est la plaie", bougonne Thierry étudiant de première année.

Dans quelques temps, la donne va changer. Aix-Marseille université (AMU) a décidé de déplacer l'Espé sur le campus de Saint-Jérôme, ce qui devrait être fait au plus tard à la rentrée 2015-2016. Pour certains, la perspective d'un déménagement serait presque une aubaine. D'autant que le bâtiment mériterait quelques aménagements. "Il y a peu de salles et elles ne peuvent généralement pas contenir plus de 30 élèves.", explique Patrick Santini, chargé de mission coordination de formation à l'Espé Canebière.

"Des économies de fonctionnement"

Programmé dans le cadre du contrat de plan Etat-région, ce projet a reçu "l'accueil favorable de toutes les parties prenantes. Il devrait débuter cet été", confirme Hervé Isar, vice-président de l'université chargé du Patrimoine. Il avance plusieurs arguments pour justifier cette opération. "Elle permet tout d'abord de regrouper les deux sites marseillais de l'Espé", la partie administrative située rue Eugène-Cas dans le 4e arrondissement et le bâtiment de la Canebière. "Nous ferons ainsi de faire des économies de fonctionnement." Ce site est également symbolique puisque Saint-Jérôme est situé dans les quartiers Nord, où de nombreux établissements relèvent de l'éducation prioritaire. "Ce positionnement correspond au message que l’on veut faire passer concernant l’Espé d’Aix-Marseille université en pleine rénovation", ajoute Hervé Isar.

Les étudiants n’auront, selon lui, pas à s’inquiéter des problèmes d’accessibilité au site car "le projet se montera en coordination avec un volet transport". En effet, la communauté urbaine mène en ce moment le chantier d'une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) qui reliera les sites universitaires de Saint Jérôme et Château_Gombert entre eux ainsi qu'au centre-ville via la station de métro la Rose.

À l'encontre de la volonté de la ville

Cette vision parfaitement calibrée laisse rêveur. Toutefois, lorsqu’on évoque le départ des étudiants du centre-ville, les réactions sont vives. Du coté de la municipalité, Patrice Vanelle, conseiller municipal délégué à la vie étudiante, s'agace préférant en dire le moins possible. Mais souffle que "cette opération, si elle a lieu, aura forcément un impact sur la vie étudiante". Pour finir, il botte en touche : "Ce dossier est du ressort de la nouvelle adjointe à l'enseignement supérieur". Cette dernière ne donnera pas suite à nos appels.

Il est probable que le sujet soit sensible, même si le déménagement ne concerne que 400 des 15 000 étudiants de l'hyper-centre^[1]. Les déclarations du maire pendant la campagne étaient parfaitement claires. Sur le plateau du live de Marsactu, le 18 mars, par exemple, Jean-Claude Gaudin s'était largement attribué le mérite de la construction de logement étudiant et du restaurant universitaire aux abords de la porte d'Aix. "Je suis arrivé à mettre les étudiants sur la Canebière !", s'enthousiasmait-il.

Il déclarait également, quelques jours plus tôt, au journal la Marseillaise  :

Après les événements de 68, on a expédié la jeunesse en périphérie, à Luminy et Saint-Jérôme, aujourd’hui nous les faisons revenir en centre-ville à la Halle Puget et sur la Canebière.

Du coté de l'université, le message est direct, ce déménagement, comme le dit Hervé Isar, "n'est pas conforme aux attentes de la municipalité". Il ressort aussi que des alternatives n'ont pas passé le stade de la rumeur. "Longtemps, on nous a fait croire que nous pourrions récupérer à notre profit le bâtiment mitoyen du conseil régional [la maison de la région, ndlr], ainsi que le bâtiment de l'autre côté de la rue où l'on construit aujourd'hui un hôtel de luxe", se souvient Patrick Santini.

Aujourd'hui, le discours est définitif : "L'Espé mérite de partir à Saint Jérôme qui est un site immense qu'il convient de valoriser", reprend avec conviction Hervé Isar. Reste à savoir quel sera l'avenir du bâtiment une fois libéré. Entre l'AMU qui cherche à éviter l'émiettement de ses sites tout en rationalisant ses coûts et la mairie qui cherche à attirer les étudiants dans le centre, la question n'a pas encore trouvé de réponse.

[1] Source Agam 2010. Retour au texte