Législatives : 126 candidats, quelques surprises et des chausse-trapes

Un scrutin législatif ne va pas sans quelques surprises. Comme la touche d’huile piquante sans laquelle une bonne pizza demeure fade. Ces législatives anticipées n’échappent pas à la règle. Dans les 16 circonscriptions des Bouches-du-Rhône, au gré de la carte des forces politiques qui s’affine depuis la clôture officielle du dépôt des candidatures dimanche 16 au soir, se révèlent situations inédites et aspirants députés inattendus. Quand bien même les états-majors, de l’extrême gauche à l’extrême droite, n’ont eu qu’une semaine pour peaufiner leurs entrées en lice, celles-ci recèlent leur lot de luttes fratricides, haines re-recuites, retours de flamme et amitiés de circonstance. Et offrent toute une palette de saveurs, selon que l’huile d’olive que l’on verse sur sa pizza est plus ou moins épicée.

Dans le département des Bouches-du-Rhône, la guerre fratricide au sein de l’extrême-droite ne se joue pas à fleuret-moucheté. Les tentatives d’alliance entre les frères ennemis, Rassemblement national de Marine Le Pen et de Reconquête d’Eric Zemmour, menées par Marion Maréchal ont tourné court. Franck Allisio, le délégué départemental du RN, a toujours en travers de la gorge “la tentative d’assassinat [politique] en bande organisée” de la part de Stéphane Ravier, lors de sa défection pour rallier Reconquête lors de la dernière présidentielle. Désormais Ravier est aussi en froid avec la ligne d’Eric Zemmour et appelle à soutenir le RN…

Qu’importe, les deux formations d’extrême droite s’opposeront frontalement. “On attendait un signe du RN, et il n’y a eu que du mépris à notre encontre”, regrette Jean-Marc Graffeo, nouveau délégué départemental des zemmouristes. Alors que Reconquête n’arrive à être présent que dans la moitié des scrutins au niveau national, il s’aligne ici “dans chaque circonscription des Bouches-du-Rhône”, annonce Jean-Marc Graffeo avec une once de fierté. Réponse du berger à la bergère.

Et dans la grande famille des droites, il arrive que les consignes ne soient pas suivies. Chez les souverainistes, alors que Nicolas Dupont-Aignan se réjouit de l’avènement d’un accord, trois ex-candidats de Debout la France ont déposé leur formulaire à la préfecture. Stéphanie Brun-Pothin, présente à quasiment chaque scrutin depuis 2008 dans le Sud-Est de Marseille, a-t-elle eu du mal à lâcher celui-ci ?

La gauche se réunit sous la bannière du Nouveau front populaire. Toute la gauche ? Évidemment, non. Là, attention, on vous demande de la concentration. Hostile à la présence de LFI, le Parti radical de gauche a refusé d’en être. Mais a décidé de n’aligner personne face aux candidatures du Nouveau front populaire, “pour ne pas diviser les voix”. Nuance. Ce qui n’empêche pas Hugo Roche-Poggi, président départemental du PRG, de se présenter dans la 2e de Marseille. Non pas sous les couleurs du PRG, mais “sans étiquette”, prend-il bien soin de préciser. Il s’agit de “cohérence politique personnelle, car je refuse cette alliance avec Jean-Luc Mélenchon”, dit encore celui dont l’escapade hors-PRG est la seule de cet ordre dans le département. L’homme qui se définit comme “social-démocrate” fera face à un flopée de candidats au centre et à droite : Claire Colomb Pitollat (sortante Renaissance), Laure-Agnès Caradec (LR), Olivier Rioult (RN), Jean-Marc Graffeo (Reconquête). Le représentant du Nouveau front populaire ne sera pas LFI, mais un autre social-démocrate : Laurent Lhardit, adjoint au maire de Marseille délégué à l’économie, investi par le PS. Les fins observateurs des arcanes politiques marseillaises voient en Hugo Roche-Poggi un petit cheval de Troie et se disent que le choix de cette circo-là, que la gauche espère conqérir, n’est sans doute pas fortuit…

N’allez pas croire que ces cachotteries sont l’apanage du centre gauche. Un tour dans la 5e circonscription de Marseille suffit à s’en convaincre. Là, les électeurs de gauche pourront choisir entre Allan Popelard, investi par la France insoumise, membre éminent du Nouveau front populaire et Hendrik Davi, sortant LFI non investi, mais soutenu par plusieurs formations politiques de ladite union. On vous a prévenus, il faut rester concentré.

Une surprise, c’est toujours plus sympa quand on ne s’y attend pas. Ainsi, hop ! La majorité présidentielle sort-elle du chapeau une investiture in extremis de Hayat Atia, conseillère municipale dans la majorité des 13/14 de Marion Bareille, dans la 7e circonscription de Marseille essentiellement composée des 15e et 16e arrondissements. Elle partira face au député LFI sortant, Sébastien Delogu, dont le parti a réalisé de très gros scores aux européennes sur ce territoire. Pas de quoi casser le moral de cette proche de Nora Preziosi (élue divers droite ex-LR). “Je n’ai pas d’étiquette, je n’en veux pas. Arrêtez de m’en mettre !”, dit celle qui revendique d’être non encartée et se présente pour “aider les habitants des quartiers et leur émancipation qui est refusée autant par la LFI que par le RN”. Si l’aspirante députée salue “le fait que Les Républicains n’aient mis personne” face à elle dans cette circo, elle se satisfait dans la foulée de “ne rien avoir à voir avec ce parti qui devrait rejoindre totalement le RN : ça irait plus vite.” Hayat Atia représentera la majorité présentielle sous la bannière Ensemble, mais à sa manière : “Sur mes tracts et mes affiches il y aura ma tête et celle de mon binôme. Point ! Pas celle de Macron et pas le logo Renaissance.” Au centre, donc. Enfin, disons, tout à côté.

Notons au passage que le Modem, allié traditionnel de Renaissance, sera sur la ligne de départ dans quatre circonscriptions hors Marseille : la 10e (Gardanne-Allauch), la 11e (pays d’Aix-Ouest), la 12e (Marignane-Vitrolles) et la 16e (Arles-Miramas). Un record. Sauf que, revers de la médaille, celles-ci ne sont pas nécessairement favorables. Idem pour Territoires de progrès et Horizons, alignés respectivement dans la 3e dans le Nord-Est de Marseille et la 15e à l’extrême nord du département.

C’est un peu comme quand l’OM alignait ses minots pour jouer le PSG. Pour ces législatives anticipées, Les Républicains buccho-rhodaniens ont élaboré une feuille de match qui ne lasse pas de surprendre. Il y a bien quelques titulaires indiscutables : Laure-Agnès Caradec qui, en patronne de la fédé départementale LR, prend ses responsabilités et va se frotter à Claire Colomb Pitollat, la sortante Renaissance dans la 2e, avec pour suppléant le vice-président de la région Ludovic Perney. Ou encore le duo Serena Zouaghi-Didier Réault, en lice face à Lionel Royer-Perreaut dans la 6e. Ils n’ont pas forcément de grandes chances de l’emporter, mais au moins, ils y vont. Pour le reste du département, on a puisé du sang neuf dans l’équipe réserve. Des bonnes volontés dont c’est souvent la première entrée en lice dans une échéance nationale de cet ordre. “Il faut être honnête, ça ne se bousculait pas au portillon”, lâche un membre de la fédé LR.

À tel point que Les Républicains, fait rare, sont même carrément absents de trois circos dans le département. Point de candidat LR dans la 7e sur les terres de la LFI dans les quartiers Nord. Point dans la 13e, à Martigues. Et pas non plus dans la 1ere, à Marseille. Laure-Agnès Caradec évacue la question en répondant : “On n’a trouvé personne.” Autant dire que cela arrange drôlement les affaires de Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Ville et députée Renaissance sortante, soutenue par les ténors de la droite locale ralliés au macronisme, Renaud Muselier et Martine Vassal en tête. Même s’ils ne sont plus officiellement chez LR, ils ont œuvré en ce sens. De même que d’anciens collaborateurs de Jean-Claude Gaudin, dont Sabrina Agresti-Roubache était restée proche. Preuve que contrairement à ce que dit l’adage populaire : quand on aime, on compte (les intentions de vote).

Éric Ciotti – ex-futur ou futur ex-président des Républicains, on ne sait plus – a des amis. Certes, un peu moins du côté de chez LR et un peu plus au sein du Rassemblement national depuis qu’il prône une alliance entre ces deux formations. Le RN du département a pris soin de mettre en scène ces ralliements, à coup de conférences de presse, distillées au compte-gouttes. Un suspense qu’une série Netflix n’aurait pas renié. Las, les annonces ne sont pas forcément à la hauteur des attentes. Le courtier en assurance Olivier Fayssat assure avoir été encarté chez LR (“inconnu au bataillon”, s’étonne une source interne au parti). Et annonce partir dans la 6e circo de Marseille, sous la bannière de “L’Union nationale” emmenée par le RN, car “[son] ami Eric Ciotti [le lui] a demandé.”

Même discours chez Gérault Verny. Lui va concourir sous le drapeau du parti à la flamme dans la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. Samedi, au côté du délégué départemental RN, Franck Allisio, il se présente comme un membre de LR séduit par le discours d’Eric Ciotti. Sauf que patatras ! Comme le remarque La Provence, l’homme a oublié quelques lignes sur son CV. En 2022, il a activement participé à la campagne du candidat Reconquête, Eric Zemmour, à Lyon. Proche de Marion Maréchal, il a enseigné au sein de l’institut de sciences sociales économiques et politiques (Issep), l’établissement d’enseignement privé qu’elle a créé. En septembre dernier, il figure enfin parmi les financeurs qui relancent le média identitaire Livre noir. Bref, si Eric Ciotti a beaucoup d’amis, ils ne viennent clairement pas tous des rangs des Républicains. Quant à Olivier Rioult, le seul au parcours LR attesté, depuis la campagne Sarkozy de 2007, son ralliement s’est négocié en local, avant même l’accord Ciotti-Bardella…

Petel-Ciot. À Aix-en-Provence, le duel à distance dans la 14e circonscription, sous l’arbitrage du RN, a presque l’air d’une revanche. En 2017, cinq ans après avoir été élu député dans la foulée de l’élection du socialiste François Hollande à l’Élysée, Jean-David Ciot prend une autre vague, macroniste, en pleine face. Anne-Laurence Petel, pour la majorité présidentielle, enlève alors le morceau et, lui termine cinquième, derrière la représentante de La France insoumise, Hélène Le Cacheux. En 2022, après cette gamelle électorale, c’est de loin que le maire du Puy-Sainte-Réparade et ancien premier secrétaire du PS 13 observe la même candidate, au nom de la Nupes, accéder au second tour avant d’être de nouveau battue par la macroniste. L’accord du Nouveau front populaire, qui a donné au Parti socialiste davantage de circonscriptions, lui permet de tenter de nouveau sa chance sur la scène politique nationale. Après tout, François Hollande n’est-il pas lui même de retour ? “Je ferai campagne avec toute mon énergie pour la victoire de notre candidat !”, a assuré de son côté l’insoumise Helène Le Cacheux. Sans rancune.

Classique parmi les classiques des législatives et autres cantonales, les bulletins verts seront bien encore présent dans les bureaux de vote. Au menu, celui d’EELV bien sûr, même si le parti n’a obtenu que deux circonscriptions marseillaises, attribuées à Amine Kessaci et Christine Juste. Mais aussi celui d’Écologie au centre, des Verts démocrates, excroissance des centristes de l’UDI, ou encore d’Équinoxe, qui totaliseront huit candidatures. Dix en comptant des candidats “sans étiquette” précédemment engagés sous cette couleur.

Territoire de choix, le centre-ville de Marseille avec deux candidatures dans la 4e et une dans la 5e, deux circonscriptions LFI. Et, hasard des implantations, la 3e et la 6e, celles où EELV sera aligné par le Nouveau front populaire. Ces petites formations proposeront aussi leur offre dans plusieurs circonscriptions où l’alliance pourrait éliminer la majorité présidentielle du premier tour. L’écologie au centre mais toujours aux basques de la gauche.

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