Le rapport qui prouve l’abandon des Rosiers, copropriété à la dérive

Info Marsactu
le 9 Mar 2021
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Un cabinet d'expertise a dressé le sombre tableau de la copropriété des Rosiers qui cumule habitat dégradé et insécurité galopante, sans véritable possibilité de redressement à court terme.

Située dans le 14e arrondissement, la cité est considérée comme "l
Située dans le 14e arrondissement, la cité est considérée comme "l'ultime recours" avant la rue par les locataires qui y échouent. (Photo : BG)

Située dans le 14e arrondissement, la cité est considérée comme "l'ultime recours" avant la rue par les locataires qui y échouent. (Photo : BG)

En quelques pages colorées, le cabinet Citémétrie fait le triste constat de la situation de la copropriété des Rosiers, dans le 14e arrondissement de Marseille. Commandé par la métropole, qui pilote la lutte contre l’habitat indigne, cette expertise restée confidentielle et dont Marsactu a pu consulter une version synthétique, établit un diagnostic complet de cette cité du quartier Bon-Secours. Près de 3000 personnes y vivent dans des conditions de sécurité et de salubrité inquiétantes.

De l’amiante ? Selon les différents diagnostics consultés par le cabinet, il y en avait en 1998, dans “les halls, paliers, couloirs, coursives extérieures”. Puis, pour 2004, les données sont “incomplètes”. La présence d’amiante est donc avérée, mais floue et “sans diagnostic d’identification“. Le cabinet Citémétrie note “à vérifier” en rouge.

Sur le plomb, à l’origine de risques graves notamment pour les enfants en cas d’ingestion, on en trouve dans les peintures des garde-corps et mains-courantes des parties communes, mais également sur les volets des logements, avec un taux de concentration évalué entre 2,5 et 9,9 milligrammes de plomb par centimètres carrés. Bien supérieur aux normes légales.

Six appartements reliés à un seul compteur

Une fois franchie la porte des logements, l’état des lieux est tout aussi alarmant : certains logements ne sont pas équipés de compteur électrique et parfois six appartements sont reliés au même, “sans prise de terre, ni disjoncteur“, observe l’expertise. Côté alimentation en eau, le réseau est tout aussi vétuste avec deux appartements en procédure de péril du fait de fuites récurrentes dans des appartements squattés. Certains logis ne présentent aucun système de chauffage.

Les rats, cafards, pigeons sont présents en grand nombre. Quant aux punaises de lits, elles ont totalement envahi le bâtiment A, la plus grande barre de la copropriété qui comprend 220 logements sur douze étages.

“Ultime recours” avant la rue

Le “tableau” social de la cité des Rosiers, établi par le rapport, n’est guère plus réjouissant :

“Des familles très précaires, souvent en situation de suroccupation, dont une majorité sont bénéficiaires du RSA (pour ceux dont les droits le permettent) qui emménagent aux Rosiers en ultime recours, soit la dernière étape dans les parcours résidentiels pour les familles qui n’ont aucune autre solution pour se loger avant le squat voire la rue. En lien avec leurs faibles ressources, des impayés de loyers fréquents.”

Outre le deal, le vandalisme et le cambriolage, cette situation d’extrême pauvreté laisse prospérer un marché de la misère avec “des mafias locales” qui récupèrent le jeu des clés des locataires à leur départ pour mettre en location les appartements auprès des squatteurs. Sur les parkings, des camping-cars accueillent des locataires, “en lien avec des résidents pour permettre l’accès aux sanitaires et douches”.

Cette situation entraîne une fuite des propriétaires investisseurs, effrayés par la situation d’abandon du quartier. En 2020, le prix moyen au mètre carré était de 490 euros… Un appartement à la revente se paye donc entre “18 000 et 24 000 euros”. Une fourchette à comparer avec celle qui évalue le montant des réhabilitations nécessaires par logement : de 19 000 à 34 000 euros.

Neuf propriétaires possèdent 158 logements

Les grands bénéficiaires de cette fuite en avant sont les gros bailleurs de la cité. À eux seuls, neuf multi-copropriétaires possèdent 158 logements, soit 20% de la copropriété. Les propriétaires qui vivent toujours aux Rosiers ne représentent plus que 11% de la totalité des parts, concentrés dans les bâtiments les plus petits. Pour les propriétaires-bailleurs, l’affaire demeure rentable puisque les loyers sont en moyenne de 700 euros, à peine inférieurs au marché privé dans des secteurs largement mieux cotés.

Pas de quoi motiver les troupes à participer aux instances de gouvernement de la copro, ils ne sont plus que 30% à prendre part à l’assemblée générale annuelle.

Plus de 800 000 euros de charges seraient non recouvrables.

Le discours qu’on peut y entendre n’est guère réjouissant : du fait des charges non recouvrées, la copropriété présente un solde débiteur de près d’un million d’euros concernant plus de 200 copropriétaires. Or, sur ce montant près de la moitié est présumée irrécouvrable du fait du départ des intéressés. Si on ajoute à cela les 385 000 euros de créances dites “douteuses”, ce sont près de 800 000 euros qui échapperaient à la copropriété.

Six millions pour les travaux d’urgence

Le cumul de ces handicaps ne facilite pas un scénario de redressement de la copropriété à court terme. Les seuls travaux d’urgence nécessaires pour assurer la sécurité des habitants et sortir de l’indécence sont chiffrés à six millions d’euros, soit 8000 euros par appartement. Quant à la réhabilitation complète de la cité, elle est évaluée à 42 millions. Malheureusement pour elle, la cité des Rosiers n’a pas été retenue pour faire partie des cinq sites marseillais siglés “priorité nationale” par le gouvernement, dans le cadre du programme national “Priorité copro”.

Pourtant, sa taille, l’étendue de ses problèmes et la faible visibilité sur sa capacité financière à les résoudre placent d’emblée les Rosiers dans un peloton de tête des pires copros de la ville. Entre l’hypothèse de la nomination d’un administrateur judiciaire et le lancement d’un lourd plan de sauvegarde, le cabinet Citémétrie recommande pour l’heure une voie médiane consistant en un programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (Popac) permettant de résoudre sur trois ans les problèmes les plus urgents avant d’agir à plus long terme. Par exemple, en découpant la cité en plusieurs ensembles de plus petite échelle. Arrivé à l’automne sur les bureaux des élus métropolitains, le rapport attend encore d’être suivi de décisions politiques.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Tableau effrayant. Quels acteurs peuvent intervenir pour changer les choses ?
    Il faudrait reloger les habitants ailleurs, réhabiliter ou détruire, mais qui peut payer les frais ?
    C’est effrayant cet abandon, et cette profonde misère que l’on ne veut pas voir à Marseille. Avec les conséquences que l’on connaît pourtant sur la délinquance et la violence.
    Je pense aux gens qui vivent là, qui n’ont aucune solution. Aux enfants qui tous les jours vont à l’école, au collège…

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  2. LOU GABIAN LOU GABIAN

    DE toutes façon ce sont les contribuable qui vont payer

    Si ce sont les contribuables , vous et moi qui allons payer pourquoi il n ‘ y a pas saisie des biens pour renovation devenant propriété de la collectivité

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  3. raph2110 raph2110

    Une copro qui n’a fait que s’enliser au fil des années. En 2011,ce même constat était déjà fait, et avant encore… sauf que la réglementation en place ne permettait pas vraiment à l’Etat d’intervenir sur le bâti, puisque par définition une copropriété privée ne peut faire appel au Public. Ce qui est inadmissible c’est que ces gros propriétaires, qui se sont engraissés sur le dos de la misère ne soient pas poursuivis ? L’un de ces gros propriétaires faisait même voter des travaux pour la copro en AG pour qu’ils soient réalisés par une entreprise dont les liens de proximité avec ce dernier étaient connus de tous. Pour ce qui ait de la réalisation des travaux… dans la même veine que les dérives existantes.
    Un trafic d’armes était suspecté mais je doute là encore qu’il ait cessé ? Il avait été également constaté qu’un nombre important de très jeunes filles étaient enceintes, mais là encore j’ignore comment cette situation a évolué. Quelques écoles coraniques accueillaient les enfants et les parents les préféraient là plutôt qu’au centre social qui battait déjà de l’aile … Quant aux élus, ils s’appuyaient sur quelques personnes influentes du cru, pour rabattre le moment venu les électeurs potentiels de la copro, considérée comme un réservoir de voix. De nombreuses bonnes volontés associatives ont baissé les bras je crois depuis face à l’inaction et à certaines formes d’intimidation. Cette copropriété est par excellence l’incarnation du non respect des droits de l’homme, civiques, sociaux, moraux… et la démonstration que les services de l’Etat peuvent longtemps détourner le regard, un jour où l’autre ça vous explose à la figure et l’addition sociale, urbaine qui est à régler n’a jamais fait qu’augmenter. Je n’évoque pas ici la longue liste d’autres pratiques illégales mais il est certain que c’est ici l’exemple même de production d’une fabrique du monstre, avec une population locale qui en subit les dégâts collatéraux

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    • Avicenne Avicenne

      Certes les propriétaires ont des tords mais connaissez-vous les locataires ? je me souviens du reportage de France 3 sur le Parc Kallysté où l’on voit les ménagères jeter par la fenêtre leur bassine d’eau avec les épluchures de légumes, mais aussi leurs électroménagers quitte à tuer le gardien ?
      J’ai donné des cours bénévolement ( j’étais étudiante à la fac de Sciences de St Jérôme ) au début des années 70, je suis intervenue sur le Parc Corot et Frais Vallon, j’ai vu les appartements et je peux vous garantir qu’ils étaient bien conçus.
      J’ai travaillé avec des élèves qui habitaient l’immeuble G et la tour F, magnifique appartement spacieux et lumineux avec parfois des duplex.
      Je me suis retrouvée à aller donner des cours à 3 enfants congolais, le père charmant, soudeur-fraiseur travaillant comme un damné de la terre pour offrir le mieux à ses enfants, mais déjà père de 17 enfants et ayant 3 femmes qui faisaient ” les 3 huit “, a l’entrée de cet appartement , une odeur indicible m’a prise à la gorge mais que vous dire de l’état de l’appartement ? Ecoeurant pour tout être normalement constitué!! j’ai eu 3 èlèves dans cette famille ( dont le père était aussi prêtre vaudou avec ses sacrifices ): Aïssatou, Kadiatou et Adama.
      Aïssatou a eu son bac et la famille est partie en région parisienne et je n’ai plus une nouvelle d’eux , comme quoi ” la bienfaisance et la reconnaissance ne se rencontrent qu’aux portes du paradis ” vu que je suis athée ?!

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