Le port veut rouvrir la digue du large avec de la restauration et des loisirs

Actualité
le 19 Avr 2023
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Bonne nouvelle : le port va désigner un opérateur pour que le public puisse accéder durant la période estivale à la partie Sud de la digue, fermée depuis 2001. Mauvaise nouvelle : l'acheminement se fera par bateau et sera, vraisemblablement, payant.

La digue du large est fermée au public depuis 2001. (Photo : Clémentine Vaysse)
La digue du large est fermée au public depuis 2001. (Photo : Clémentine Vaysse)

La digue du large est fermée au public depuis 2001. (Photo : Clémentine Vaysse)

C’est un long ruban de béton et d’enrochements qui fait rêver. La digue du large – 7 kilomètres de la sortie du Vieux-Port jusqu’aux environs de l’Estaque – protège Marseille et les bassins Est du port des assauts tempétueux de la mer. À de rares exceptions près, comme en 2013, année de la capitale européenne de la culture durant laquelle le plasticien Kader Attia y avait imaginé une installation, l’ouvrage est fermé au public. Et ce, depuis 2001, à la suite des attentats du 11 septembre. Ceux qui l’ont foulé dans leur enfance n’attendent pourtant que d’y retourner et ceux qui ne s’y sont jamais rendu, brûlent de le faire.

Désir bientôt exaucé. Le Grand port maritime de Marseille (GPMM) vient de lancer un appel à projets en ce sens. Le dossier d’appel d’offres, que Marsactu a consulté, a pour objectif la mise à disposition d’emprises portuaires pour le développement d’activités de restauration et de loisirs”, dans la partie située en face du Mucem, au sud du phare Sainte-Marie. Là où ont été organisés des “dîners insolites”, notamment lors de “Marseille Provence capitale de la gastronomie” en 2019. “Les Marseillais ont envie de retrouver leur digue du large. Et nous sommes ravis de leur permettre de renouer avec ce patrimoine historique unique”, salue Nicolas Sire, le directeur de la communication du GPMM.

Guinguette ou expos temporaires

Restauration, événements culturels (comme des expositions temporaires), mais aussi activités en lien avec la mer, le monde portuaire et l’environnement, font partie des hypothèses suggérées par l’appel à projets, auquel les acteurs concernés peuvent candidater jusqu’au 3 mai prochain. Pour y ouvrir une guinguette ou y organiser des manifestations, l’opérateur bénéficiera d’une convention d’occupation temporaire du domaine public à titre onéreux. Le montant de cette redevance n’est pas connu.

Le lauréat devra prendre à sa charge la liaison entre la terre et la digue du large par les moyens maritimes qu’il lui reviendra de choisir.

L’appel à projet

L’exploitant fera face à plusieurs contraintes. Et non des moindres. Puisque l’accès se fera uniquement par la mer. “[Le lauréat] devra prendre à sa charge la liaison entre la terre (depuis le Vieux-Port ou la darse du Mucem) et la digue du large par les moyens maritimes qu’il lui reviendra de choisir. Un poste à quai lui sera dédié à cet effet au niveau du phare Sainte-Marie, stipule la mise en concurrence.

La digue se trouve dans une zone d’accès restreint (ZAR), raison avancée par le port pour écarter un accès par la terre ferme via un pont situé sur l’emprise portuaire, comme le faisaient les anciens. “C’est impossible, pour des raisons de sécurité qui dépassent notre souhait d’ouvrir”, assure Nicolas Sire.

Bouteille à la mer

Dans son appel d’offres, le port requiert une activité à destination du “grand public”. Mais pour bénéficier de ce panorama à couper le souffle, il faudra d’une manière ou d’une autre payer le bateau. “Il y aura une contrainte économique pour l’exploitant et pour les gens qui se rendront sur place”, confirme le porte-parole du GPMM. Il est encore trop tôt pour savoir combien il faudra débourser pour la traversée. Il appartient à l’opérateur, ou au groupement d’opérateurs, qui enlèvera le marché de “trouver son business model”, répond le port. À titre d’exemple, des visites organisées par le port de Marseille en partenariat avec le Mucem, pour faire découvrir le patrimoine portuaire de la ville coûtent 20 euros par passagers.

 Nous opposons les termes de bien commun et de partage à l’idée d’une exploitation commerciale.

Les Libres Nageurs

“La digue est un espace public et elle doit être rendue à tous. On est pour que ça bouge, mais là je ne suis pas certain que ça bouge dans le bon sens”, commente Benjamin Clasen, l’un des fondateurs des Libres Nageurs, association qui promeut la nage en eau libre et milite pour l’accès à la mer et aux zones littorales libre et gratuit pour tous. Les nageurs craignent de voir éclore là “des banquets pour happy few, plutôt qu’une initiative offerte au plus grand nombre.

Dans une lettre ouverte envoyée à Hervé Martel, le président du directoire du port à qui ils réclament un rendez-vous, les Libres nageurs développent : “Nous opposons les termes de bien commun et de partage à l’idée d’une exploitation commerciale”, écrivent-ils. Ils regrettent aussi que cette digue, “confisquée” depuis des années, soit “à l’avenir réservée à une minorité, cette fois-ci des personnes capables de se payer une soirée restaurant, ferry compris”. Vendredi 21 avril, à 12 h 30, les Libres Nageurs jetteront une bouteille à la mer depuis l’Esplanade du J4, dans l’espoir d’être entendus.

Un test avant les JO

L’exploitation sur la digue du large devrait s’étendre de juillet à octobre. Pas question d’y faire la bamboche jusqu’au petit matin. Pour l’heure, les plages d’ouvertures suggérées courent de 10h à 19h, voire jusqu’à 22h en juillet et août. Le calendrier et les horaires seront affinés avec l’acteur retenu.

Construite entre 1840 et 1925, la digue du large vivra, cet été 2023, une phase test de l’opération. Le port affiche l’ambition de “pérenniser et étendre” l’expérience, notamment dans l’optique des Jeux olympiques de 2024. “Beaucoup de projets et d’idées sont sur la table, affirme Nicolas Sire. On ne peut pas encore tout détailler, mais le port veut évidemment y prendre toute sa place. Et la digue est un très bel écrin.”

Ouverture partielle

Quant à la possibilité d’ouvrir une plus large portion, voire la totalité de l’ouvrage aux visiteurs, comme le réclament les Libres Nageurs dans leur lettre ouverte, le directeur de la communication l’écarte. D’une part parce que la capitainerie s’y oppose, indique-t-il, mais aussi pour des raisons de solidité de certaines parties de la jetée : “Il y a une problématique de sécurité. Et rénover l’ensemble de la digue du large suppose des coûts que le port, seul, ne peut pas supporter.”

À Marseille, l’ouverture du port sur la cité tient du serpent de mer. Cette volonté de voir se tisser un véritable dialogue entre Marseille et ses espaces portuaires – par delà les imposantes palissades qui les bordent du J4 à L’Estaque – a souvent été affichée. Sans être suivie d’effets notables. Cette fois, l’initiative inscrite dans le projet stratégique 2020-2024 du Grand port maritime de Marseille ambitionne de faire du site une “vitrine du rayonnement portuaire et urbain”. Et vise à incarner “la mutation” voulue par le GPMM, la ville de Marseille et Euroméditerranée, du secteur situé entre le J4 et Arenc, où le chaland et le baigneur n’ont guère le droit de cité. Nicolas Sire y croit : “En créant des zones tampon comme celles-ci, il s’agit de permettre aux Marseillais de se réapproprier ce port qui leur appartient.” Pour peu qu’ils aient, d’abord, les moyens de prendre le bateau.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Il y a beaucoup de mauvaise foi dans les dires du Port
    1/ sécurité pour le passage à pied par les pont Pinède et Arenc : pendnat plus de 100 ans, les marseillais ont pu passer ici sans aucune anicroche à une époque où il y avait beaucoup de trafic, et des partiques non sécures. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de trafic, mais surtout, les ponts sont prévus pour la sécurité des piétons, avec des voies sécurisées de part et d’autre de la chaussée. Pour le reste, le Port s’est fait une spécialité d’ériger des kilomètres de grilles à l’intérieur de son enceinte fortifiée, il peut en ériger sur les quelques centaines de mètres des passages piétonnier, au besoin mettre 2 feux rouges et passages protégé avant la digue, là où passe un véhicule toutes les 3 heures…
    2/ Sécurité et remise en état de la digue
    Depuis que le port s’ast arrogé le seul droit à la digue (la façade maritime de l’ouvrage et les cheminements piétonniers ne le concernent nrmalement pas), quasiment aucun entretien ne s’est fait. Ils ont laissé pourrir une magnifique construction l’immeuble Paquet qu’ils ont déclaré “en péril” sans qu’un état des lieux ait été réalisé ! Pire que la rue d’Aubagne, bravo le GPMM !
    Ensuite, l’ouvrage a souffert dans sa structure, il s’est un peu affaissé dans la mer, le remettre en état pour les siècles à venir, il s’agit effectivement de travai=ux immensément coûteux… Mais en attendant les travux pharaonniques, il n’ a absolument aucun danger à se promener le long de la digue, ce qui est nécessaire à faire ce ne sont que des petits travaux de surface, de parement, nécessaires comme pour toute façade d’immeuble ou de mur. Il n’y a pas de pierre de taille qui risque de tomber ! Et au sol, quelques dalles sont à resceller, rien de bien méchant !
    Alors le GPMM, stop la mauvaise foi, et un peu de bonne volonté, et Marseille et les marseillais pourront bénéficier de leurs 7 kilomètres de littoral confisqués depuis trop longtemps !

    à lire au sujet de la digue et des Libres Nageurs : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=pfbid0Mn3yqZv5jbG12KtEXzPirA6arwYghq5YWVXmwXrMoAtgqbojBP1TP8fFPKh12Hn3l&id=100066499720353

    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=pfbid02s4GWyq9NSyXVVScki3hw51fjYM36uTHwcScZEQQwB9Y8nvjxCLgSg9UXDmTCEknul&id=100066499720353

    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=pfbid0MWys1bmBcu1RganRRG8o4mLJqidXG1Kbvd7Gop39jLYagxjjr2vGJLqxyQG3TeCbl&id=100066499720353

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  2. julijo julijo

    oui, c’est lamentable.
    pour le gpmm, “permettre aux Marseillais de se réapproprier ce port qui leur appartient” signifie, en premier, on s’en fout, on ne s’en occupe pas, on va désigner un opérateur, en second, on peut espérer faire un peu de fric sur le dos des marseillais éventuels, et des touristes….

    depuis 2001, le tour de passe-passe de fermeture et d’appropriation par gpmm est réussi ; mais quelle en est la raison profonde ???
    à part, comme aujourd’hui une tentative de profit facile.

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  3. Pascal L Pascal L

    C’est le GPMM lui-même qui doit être remis en cause :

    1 – ses missions,doivent être précisées :
    * Peut-il, par exemple, faire de la spéculation immobilière sur les terrains qui lui ont été accordés ?
    * Peut-il décider, sans l’accord de la mairie et par cet intermédiaire des riverains, de l’installation des entreprises (et des nuisances qui les accompagnent) sur son emprise.

    2- son emprise territoriale
    *est-il logique qu’il ne restitue pas à la commune des terrains qu’il laisse en friche et qui pourraient servir à créer des passages piéton, des pistes cyclables (voire de parking, comme en face de la semoulerie de Bellevue, ça éviterait que les camions qui font la queue détruisent les terre-pleins et gênent la circulation) entre Arenc et L’Estaque.
    * ou qui pourraient servir de zones de loisir, comme ceux situés entre l’Estaque et les Corbières.

    Ce que l’État à fait, l’EPIC “GPMM”, l’État peut le défaire ou, à tout le moins, le revoir.

    Mais ces “machins” qui ont beaucoup de pouvoir et qui n’ont aucun compte à rendre aux citoyens sont une des plaies de notre pays. Sans compter le fait que ce sont aussi des placards dorés pour ceux qui ont des relations.

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    • barbapapa barbapapa

      Lu et approuvé

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    • Marc13016 Marc13016

      Je signe également !

      Autre chose : que font nos politiques municipaux dans cette affaire ? Silence radio côté Mairie … ils ont tord, ça serait un bon coup électoral, la ré-appropriation de l’espace littoral par les Marseillais. A moins qu’ils attendent pour nous le sortir un peu avant les prochaines élections ? Qu’ils se méfient, ça prend un certain temps pour pouvoir couper ce genre de ruban !

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  4. LOU GABIAN LOU GABIAN

    LE PLUS IMPORTANT C EST QUE LE PORT APPARTIENT AU CONTRIBUABLE
    et que c est géré par des gens dont l’ambition est de profiter du fromage et des places au chaud

    Avant 2001 j y étais tous les dimanches pour footing , escalade bloc de béton , peche et BBQ

    le socialo payan va privatiser une deuxième fois le port

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  5. LOU GABIAN LOU GABIAN

    LU Il est encore trop tôt pour savoir combien il faudra débourser pour la traversée.

    Pourquoi faudrait il payer alors que l accès y est très facile a pied ou en voiture et sécurisé, les aménagements sont amortis depuis plus de cent ans

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  6. BRASILIA8 BRASILIA8

    La marche à pied ne rapporte rien , la navette sera payante, je parie quelle sera électrique pour faire écolo , et en cas de déficit, c’est à dire la différence entre les prévisions toujours sur-évaluées et la réalité nos impôts seront les bienvenus pour combler le trou, vive les Délégations de Service Public

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  7. kukulkan kukulkan

    et l’anse du pharo ? aucun article la dessus ? le projet a du plomb dans l’aile !

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  8. Marc13016 Marc13016

    Et la reconfiguration des plages de Corbière ? Elle est lancée cette consultation citoyenne ?!

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  9. Richard Mouren Richard Mouren

    A part les ferries et les bateaux de croisière je ne vois plus beaucoup de trafic dans ce port dont une grande moitié devrait pouvoir revenir à l’usage populaire, ce trafic résiduel pouvant être confiné dans les darses nord. Beauup d’argent va être dépensé pour les JO avec comme retombées économiques éventuelles un tourisme accru entraînant des problèmes de locations temporaires . Beaucoup d’argent à été et sera dépensé pour construire des lignes de tram doublant des lignes de métro ( en lieu et place de trolleybus en site propre qui coûtent peanuts). Un aménagement d’une partie de la digue du large signifierait le début de la re appropriation municipale et populaire de cet extraordinaire (si, si!) ouvrage d’art

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  10. pierre-yves pierre-yves

    Le Grand port de Marseille se comporte comme un rentier paresseux pour le port de Marseille.

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