Le parc national des Calanques fait tout un plan de ses merveilles et horreurs sous-marines

Décryptage
le 14 Août 2018
7

Le parc national des Calanques a lancé la réalisation d'un plan paysage subaquatique, inédit en France. Avec des photos, croquis et analyses, ce document devrait permettre de montrer les merveilles sous-marines des calanques. Sans oublier les ravages de la pollution ?

Crédits : parc national des calanques / Florian Launette
Crédits : parc national des calanques / Florian Launette

Crédits : parc national des calanques / Florian Launette

Le plongeur remonte sur le bateau et attrape sa feuille blanche et une règle. Il fait un croquis des reliefs marins avant de replonger pour prendre des photos de la flore aquatique. Il travaille sur le plan paysage subaquatique du parc national des Calanques, en gestation depuis plusieurs mois.

Un tel document inédit en France vise à définir et analyser le paysage sous-marin des calanques afin de fixer des objectifs de protection adaptés. Le parc souhaite mettre en avant la beauté des paysages aquatiques et leur diversité, mais aussi ce qui les menace. Une démarche saluée par tous, avec parfois un petit bémol. Si les calanques offrent des paysages magnifiques au-dessus et sous l’eau, la pollution y fait toujours des ravages. Et certains ont peur que le plan ne retienne que la carte postale, sans les taches noires.

“Il faut faire connaître les beautés des calanques, s’exclame ainsi Henry Augier, président de l’union calanques littoral, océanologue et plongeur. J’aime, moi aussi, faire découvrir les paradis sous la mer, loin des rejets. Mais ça ne se résume malheureusement pas à ça”. Pour lui, il serait donc primordial que ce plan paysage montre les “deux volets” de l’espace sous-marin des Calanques. Sa beauté, certes, mais aussi ses pollutions, “y compris pour continuer à faire pression et espérer les diminuer”. Pour cela, ajoute-t-il, il faut faire figurer la pollution, amenée notamment par les rejets urbains à Cortiou et les rejets industriels de l’usine Alteo de Gardanne dans le canyon de Cassidaigne.

“Il ne faut surtout pas oublier de montrer les nuisances”

Le président du parc national des Calanques se défend de toute volonté de travestissement de la réalité sous-marine du parc. “L’idée est de dire que l’on a des sites exceptionnels qu’il faut protéger”, assure Didier Reault, par ailleurs conseiller municipal et départemental LR. Le paysage, c’est la sédimentation de l’histoire de ce territoire, donc il y a de belles choses et d’autres qui le sont moins”.

Lauréat d’un appel à projets lancé par le ministère de l’écologie et du développement durable, le parc avait déjà réalisé un plan paysage en 2014.  Celui-ci permettait de cibler les différents enjeux du parc terrestre. À savoir : préserver les dynamiques naturelles, “désaménager” le parc et organiser les espaces de transition entre nature et urbanisme. Possédant 43 500 hectares de cœur marin, le parc national complète donc son plan paysage avec le volet subaquatique. “Nous voulons montrer le parc comme il est : terrestre et marin. Le côté marin ne doit pas se différencier. Ce n’est pas parce que ça se voit moins qu’il a moins d’importance”, soutient le président du parc.

Pour le président d’Union calanques littoral, Henry Augier, ce document doit aussi servir d’aiguillon pour faire réagir l’État. “Il ne faut surtout pas oublier de montrer les nuisances. Il faut montrer les paysages merveilleux, mais également dire qu’il y en a qui sont affreux. Ce qui permettrait de l’envoyer au ministère en charge de l’environnement afin de faire pression et de le pousser à mettre en œuvre ce qu’il faut pour arrêter ces pollutions”, lance-t-il. Pour le président du parc, au contraire, la réalisation d’un tel document nourrira “les réflexions et propositions”.

Exutoire de Cortiou. Crédits : parc national des calanques / Florian Launette

Définir les paysages sous-marins

Au-delà du ministère, le plan paysage subaquatique doit également sensibiliser le grand public. “Pour beaucoup, l’eau n’est qu’une surface et ce qu’il y a en dessous, ils s’en préoccupent peu. Donc on veut montrer que ça existe afin que les gens puissent s’approprier cette notion et vouloir ensuite la protéger”, expose Julie Deter, océanologue qui participe au projet. À la fois état des lieux, document prescriptif, ce document doit être un révélateur des réalités sous-marines du parc.

Ce travail pluridisciplinaire qui mêle l’expertise paysagère à la science sous-marine a été confié depuis avril dernier au groupement d’études composé du groupe paysagiste Coloco et de l’entreprise de biologie et d’environnement marin Andromède océanologie“C’est une première, donc on ne savait pas trop comment s’y prendre au début”, raconte Julie Deter, d’Andromède Océanologie. Après quelques semaines de tâtonnements, les deux entreprises sont passées à la vitesse supérieure avec des ateliers de terrains pour réaliser les premiers relevés.

Julie Deter explique la difficulté de réalisation de ce projet : “la définition même du paysage sous-marin n’est pas simple”. Le plan doit réussir à prendre en compte l’eau, sa température, la montée du niveau. Mais aussi les reliefs (arches, falaises, tombants, sable ou rochers), les végétaux et les espèces animales. Et la pollution ? “Oui, bien sûr, on ne peut pas faire sans”, répond-elle simplement.

Plongeur pendant l’opération “des espèces qui comptent”. Crédits : parc national des calanques / Secteur LEH PNCal

“Se demander ce que l’on veut pour demain”

À terme, ce projet doit devenir un document de synthèse à partir duquel seront définis des objectifs. Le rendu final devrait être publié d’ici un an. Il contiendra des photographies, des croquis (comme ceux commencés par Fabien David, collaborateur de Coloco), des analyses de spécialistes mais également des objectifs sur le maintien de ce paysage. Pour l’instant, les publications des techniciens à l’œuvre ne donnent à voir que les merveilles sous-marines. Si l’on en croit le parc national, des images de la pollution et des atteintes à la biodiversité devraient s’ajouter. Amenant avec eux son lot de recommandations. “Des nouvelles, mais aussi celles que l’on connaît : on ne peut pas ancrer son bateau partout, il ne faut pas ramasser les coraux où c’est interdit, etc.”, liste le président du parc national.

Y seront évoqués également l’avenir des ports de plaisance, des récifs artificiels, des bouées de mouillage ou encore de l’évacuation des épaves. “En gros, cela permettra de se demander ce que l’on veut pour demain : des paysages doivent-ils rester sans aucune activité humaine ou bien celle-ci fait partie du parc ? Est-ce que les bouées sont jolies, acceptées? La fréquentation risque-t-elle de dégrader les paysages ?”, interroge Julie Deter.

Le président du parc national atteste de l’importance d’un tel plan, “surtout en ce moment avec les questions du plastique en mer, des pollutions et des dégradations de la biodiversité”. Pour sensibiliser à ces sujets, Didier Réault estime que le paysage est un bon angle d’approche, “parce que ça parle à tout le monde”. Même si le plan qui verra le jour dans quelques mois, premier état des lieux de ce type en France, sera forcément perfectible.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “Pour beaucoup, l’eau n’est qu’une surface et ce qu’il y a en dessous, ils s’en préoccupent peu.” Rien n’est plus vrai que cette phrase. Mais le “dessous” se rappelle à notre bon souvenir après chaque tempête : on voit sur les plages ce qu’y laissent les activités et le je-m’en-foutisme humains.

    Mais le quidam n’est pas le seul à peu se préoccuper du “dessous”. C’est vrai aussi des autorités politiques qui ont autorisé, et autorisent encore, que la mer serve de poubelle (Alteo n’est qu’un cas parmi d’autres). C’est vrai aussi de nos élus locaux qui ne voient aucun problème à rejeter à la mer une eau incomplètement dépolluée à Cortiou.

    Il est temps que chacun prenne ses responsabilités, et pas seulement le quidam qui se situe à l’extrême aval de la chaîne des responsables. Il est temps, par exemple, de réduire la production et l’utilisation de plastiques, dont une proportion croissante finit dans la mer.

    Signaler
  2. Alceste. Alceste.

    Les épisodes orageux de ces derniers jours avec les interdictions de baignades qui en découlent, demontrent une fois de plus, contrairement à ce qui nous avait été dit que les rejets ne sont pas traités. Un mensonge de plus.
    Le traitement du rivage marseillais est honteux.

    Signaler
    • LN LN

      A ce propos, la Seramm (gestionnaire traitement des eaux et donc du bassin Ganay), par le biais de son directeur Y. Fagherazzi, assure sans complexe dans la Provence d’hier que doucement s’est installée la confusion dans l’esprit des gens sur la pollution des plages et le bassin de rétention qui n’est pas là pour cà.
      Mais qu’ils sont c… ces marseillais ! Ils veulent toujours croire ce que leur disent l’ex-président de l’ex MPM Guy Teissier, le PDG de Suez JL Chaussade (entres autres) promettant des plages nickel grâce à Ganay dès les premières pluies et dernièrement la greluche à la mairie dont j’ai oublié le nom qui pense que c’est bien là la solution : viiiiiiiite il faut construire d’autres bassins !
      Bon, alors là, on atteint le fond (du bassin)

      Signaler
  3. Tarama Tarama

    Bien sûr que les rejets sont traités. Sauf que quand il pleut les quantités sont décuplées et il y a des largages dans les cours d’eau ou en mer, suivant l’endroit.

    Si on ne veut pas de ça, il faut arrêter d’aller aux toilettes.

    Quand au bassin Ganay, il fait 50 000 m3 (pour un cout de 50 millions d’euros). L’Huveaune en crue peut avoir un débit de 10, 20, 30,… m3/s.
    Faites la division, il se rempli en moins d’une heure.

    Signaler
    • LN LN

      On peut aller aux toilettes quand on veut. Il suffit juste de faire comme à Cannes ou Adélaïde, qui reutilisent l’eau traitée en investissant la même somme dans un réseau séparatif. Mais pour ça, il faut une vraie volonté politique et arrêter d’offrir des marchés juteux à Bouygues Vinci, Suez….

      Signaler
  4. corsaire vert corsaire vert

    les calanques sont une réserve de boues sans plantes ni animaux( même p sur une distance de 400 m des côtes …

    Signaler
  5. corsaire vert corsaire vert

    Les calanques sont une réserve de boues sans plantes ni animaux sur une distance de 400 m de la côte : c’est la la poubelle de la ville avec sa station d’épuration inefficace et les rejets industriels de Gardanne et autres nuisibles .
    Pour répondre à Tarama :il vaut mieux aller aux toilettes que balancer du chlore et des nettoyants chimiques dans l’évier et le lavabo ! a moins que ce soit la base de votre alimentation ..

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire