Le paradis suspendu du jardin des Fabrettes

Reportage
le 26 Nov 2016
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À Notre-Dame-Limite, un jardin délaissé accueille une œuvre d'art unique. Réalisé comme un projet collectif pendant 15 ans par Miette Ripert, le lieu, propriété de la Ville, n'a jamais ouvert. Les parents d'élèves de l'école voisine ont décidé de prendre en main le jardin des Fabrettes en attendant un vrai projet de sauvetage.

Le paradis suspendu du jardin des Fabrettes
Le paradis suspendu du jardin des Fabrettes

Le paradis suspendu du jardin des Fabrettes

Il n’y a pas de hasard : le jardin des Fabrettes est situé traverse de l’Arlésienne dans le creux d’un vallon de Notre-Dame-Limite (15e). L’Arlésienne comme ce personnage d’Alphonse Daudet dont on parle toujours et qu’on ne voit jamais. L’expression définit également “une chose ou un événement dont on parle souvent, qu’on attend, mais qui n’aboutit pas”. Elle correspond parfaitement à ce petit parc enclavé au fond d’une impasse, surplombé par une ancienne bastide, dit château Burzio, qui accueille une maternelle et fait face à l’école élémentaire des Fabrettes. Ce jardin, propriété de la Ville, n’a jamais ouvert.

Le long de l’allée qui monte à l’école maternelle, avec un grillage surmonté de nuages, un gros cadenas boucle effectivement le portail censé mener à cette propriété municipale, à l’origine baptisée jardin Eco-Logis “lieu de stimulation imaginaire sensorielle et végétale” par sa conceptrice, la plasticienne Miette Ripert. Celle-ci l’a patiemment sculptée, creusée, plantée, bâtie avec quelques centaines d’autres mains de 1988 à 2003. Ce microcosme semble faire écho au tableau de Jérome Bosch le jardin des délices et fait un clin d’œil à Hokusaï et Gaudi.

Une visite du jardin aujourd’hui avec l’œil du photographe Yves Vernin (afficher en plein écran en utilisant la flèche en haut à droite pour une meilleure lecture) :

Mirage qui accouche d’un corps nu

On s’y promène en passant d’une émotion à l’autre : l’ébahissement devant une carcasse de Mirage qui accouche d’un corps nu en mosaïque habillé de boutons en émaux de Briare, le sourire devant un cheval ailé en talons hauts, le rire devant un chapiteau de colonne corinthienne ou les feuilles d’acanthes sont moulages de mains. La tristesse de se dire que ce lieu est privé des regards qui pourraient lui donner vie. Alors que lentement, il se désagrège.

Le chapiteau d'une colonne, hommage aux coups de main ? Photo : B.G.

Le chapiteau d’une colonne, hommage aux coups de main ? Photo : B.G.

Sur trois côtés du quadrilatère, le jardin est ouvert à tous vents. Un gamin sort en trombe d’un trou béant dans le grillage. D’autres à proximité, prennent des mines de conspirateurs : “On va dans le parc abandonné ?”. Une main maternelle sur le col réduit à néant la velléité d’escapade. Le midi est ensoleillé ce mercredi et les parents traînent un peu à la sortie de l’école.

Restauration sauvage

Par cette entrée scolaire, l’Arlésienne des Fabrettes connaît une nouvelle jeunesse. Des parents d’élèves de cette école qui met en œuvre la pédagogie de Célestin Freinet ont entrepris de prendre en main le destin du parc. En octobre, ils étaient une quinzaine pour donner un coup de propre à l’espace.

Le 16 octobre, ils ont scié, coupé, ramassé ce qui pouvait devenir un danger pour les enfants. “J’ai mes deux gamins à l’école, l’un en maternelle et l’autre en primaire, raconte Thomas Coraze. Depuis plusieurs années, je passe devant ce jardin toujours fermé mais ouvert à tout le monde. À quelques uns, nous nous sommes dits qu’il ne fallait pas attendre que la Ville trouve une solution pour l’ouvrir enfin. Alors on a fait un grand pique-nique et commencé à nettoyer.” Plusieurs générations de parents se sont posées cette question de l’ouverture de ce parc si tentant pour leurs enfants. Son édification est d’ailleurs étroitement liée à cette école Freinet, à sa singularité. Elle a accueilli nombre d’enfants des acteurs institutionnels du projet.

À l’entrée du jardin, un tas de branches, de briques témoigne du chantier. Malgré de multiples appels au service des encombrants, personne n’est venu ramasser ce qui devait l’être. Les parents attendront sans doute le printemps pour un deuxième épisode. “C’est vraiment une démarche citoyenne, informelle, poursuit le jeune père en parcourant le parc. Nous avons nettoyé les recoins – on y a d’ailleurs trouvé des seringues -, fait tomber les carreaux de verre du tunnel parce qu’ils menaçaient de tomber et de blesser quelqu’un.”

Chicha au chantier

Les yourtes de verre qui surplombaient une rose des vents ont disparu bien avant l’intervention des parents. Alors que nous quittons les lieux, trois ados y entrent comme chez eux et installent une chicha dans un salon en mosaïque. Tarik, Nabil et Brahim habitent la cité des Bourrelys qui entoure les écoles. Pour eux, ce jardin s’appelle “le chantier”.

“On est tranquille, personne ne nous emmerde, ici, explique Nabil, 17 ans. Quand il fait beau, on reste à l’extérieur. S’il pleut on va dans la grotte.” Ils assurent nettoyer, préserver ce lieu dont ils ne connaissent pas l’histoire. La carcasse du Mirage récupéré à Châteaudun par Miette Ripert est pour eux une fusée. Ils ne savent pas que le périscope – aujourd’hui cassé – provient d’un vrai sous-marin, le Daphné. Du “chantier”, ils retiennent surtout les bras cassés, points de suture, accidents qui ont émaillé sa fréquentation sauvage. Une chronique un brin morbide que les parents d’élèves aimeraient voir s’éteindre.

Vers un jardin partagé ?

Un projet de réouverture existe. À l’initiative de la politique de la ville, en partenariat avec l’association, Espigaou, le centre social des Bourelys, l’école et les parents d’élèves, une étude a été lancée avec l’objectif d’instituer le lieu en jardin partagé comme il en existe désormais un peu partout. “En 2015, nous avons eu plusieurs réunions avec les services de la Ville, explique Virginie Lombard de l’Espigaou. L’idée était de faire passer le jardin du patrimoine délaissé aux espaces verts et de confier sa gestion à une association. Mais nous n’avons plus eu de nouvelles. Le dossier est un peu coincé.”

L’étude est une esquisse. Elle a été menée par Julien Nadreau, paysagiste qui a longtemps eu la responsabilité du jardin des Aures, où les enfants du quartier mettent les mains dans la glèbe. Lui aussi a eu son fils aux Fabrettes. “J’ai connu le jardin en 2002 quand Miette Ripert y travaillait encore, explique-t-il. Le projet sur lequel j’ai travaillé est volontairement très sommaire. Si un projet doit exister, ce doit être celui de Miette. C’est-à-dire, toucher le moins possible aux réalisations, réaliser des carrés de culture pour initier les enfants au jardinage sur la partie basse et clôturer la partie haute pour la préserver en attendant de trouver un moyen pour l’ouvrir au public.” Une délégation s’est même rendue dans la vallée du Jabron (Alpes-de-Haute-Provence) pour présenter le projet à Miette Ripert qui ne l’a pas cautionné en l’état… mais un dialogue s’est ouvert.

Et après ? Le dossier avance, lentement. Le temps administratif est aux vaches maigres et les projets transversaux rares. Là, il s’agit à la fois d’un espace vert et d’une oeuvre d’art totale, propriété de son auteure. Ouvrir coûte cher, restaurer aussi. Il faudrait impliquer plusieurs services, les espaces verts, la culture… Mandater une association et la subventionner. Ou laisser pourrir comme ça a été le cas jusque-là.

Un film issu du site Urbs Phantasma dans lequel Miette Rpiert explique sa démarche :

 

Pas un terrain de sports

En début d’année, nous avons demandé une nouvelle expertise du jardin mais l’organisme sollicité a estimé qu’il était trop difficile à diagnostiquer, explique Monique Cordier, adjointe aux espaces verts. Certains me disent qu’il faudrait tout raser pour faire un terrain de sports mais ce n’est pas du tout mon intention. Il y en a suffisamment dans le secteur.” L’adjointe a bien compris l’esprit libre et collectif d’Eco-Logis. La qualité du projet. “Cela peut passer par un classement de l’œuvre au titre du patrimoine du XXe siècle. Ce qui pourrait l’être serait alors restaurée tandis qu’on ouvrirait un espace réduit sous forme de potager collectif. À mon niveau, j’ai la volonté de sauver ce jardin et le mettre au service à la population. Je suis donc prête à rencontrer l’artiste.

Rien ne peut se faire sans elle. Le jardin est l’œuvre de sa vie. Elle y a laissé une partie de sa santé. Si le propriétaire du terrain est bien la Ville, l’œuvre est sa propriété artistique. Elle n’est pas hostile à une ouverture du lieu et consentirait même à y retourner pour un état des lieux “une fois la période électorale passée”. Elle prévient tout de même: “L’économie d’une nouvelle réflexion sur la sécurité et le mode d’utilisation ne peut être faite et serait une grande imprudence”

L’inlassable question de sécurité

Car l’histoire du jardin bute inlassablement sur cette question de sécurité. En 2005, quand Miette Ripert quitte les lieux, c’est la mairie de secteur qui doit en reprendre la gestion. “Nous avions formé deux personnes en liaison avec l’association Acadel pour gérer le lieu. Un local avait même été aménagé à proximité, explique l’artiste, jointe par téléphone. Et puis ça a mal fini. La mairie des 15e et 16e arrondissements a demandé à ce que cela soit un jardin public et la commission de sécurité n’a pas donné son accord.” Le maire de secteur de l’époque, le communiste Frédéric Dutoit a des souvenirs un peu différents :

Il était d’abord question que cela soit géré par une association mais la mairie centrale a exigé que cela réponde aux normes d’un parc public, ce qui n’était pas possible. En fait, je pense surtout que cela coûtait trop cher et qu’il était plus simple de fermer.

De son côté, Miette Ripert a déposé chez maître Rebuffat huissier de justice un dossier complet en 2003 : cahier des charges de prévention des risques et prescriptions de sécurité validé par un bureau de contrôle spécialisé dans les jardins d’enfants et par la commission de sécurité. “Quand j’ai quitté le projet en 2005, ce lieu pouvait fonctionner si le cahier des charges était respecté, en qualité d’équipement de 5éme catégorie recevant du public avec encadrement.” Cette question des normes de sécurité est étroitement liée à la durée du projet, au “chantier” pour reprendre la toponymie du quartier.

La commande publique de 1987 est très vite dépassée par l’énergie débordante et communicative de Miette Ripert. “Après avoir fait les Beaux-Arts de Luminy, j’ai réalisé à la demande du conseiller artistique de la DRAC un espace jeu sculpté 1% dans une petite école rurale, puis j’ai élargi le concept à des aménagements continus, sculptés pour une école des quartiers Nord. Ce projet n’a jamais été réalisé mais cette manière d’envisager une continuité entre bâti, espaces sculptés et végétaux a plu. Ils m’ont alors demandé de réaliser un serpent comme c’était la mode à l’époque et j’ai proposé de n’en retenir que l’idée et d’élaborer un projet beaucoup plus ambitieux avec les enfants de la maternelle.” Du serpent au paradis, le lien est évident. Au fur et à mesure, le projet prend de l’ampleur et se transforme en chantier permanent.

Du vert au Nord

“Notre volonté était de faire avec les gens, ce qui n’existait pas à l’époque, explique Lucien Vassal, communiste en dissidence et adjoint aux espaces verts de Gaston Defferre en 1985. J’avais la volonté de rattraper le retard en espaces verts dans les quartiers Nord. Le maire n’était pas très chaud parce que cela coûtait cher. Je lui ai mis une carte sous les yeux pour lui montrer le déséquilibre entre le nord et le sud et ça l’a convaincu.” Sous l’impulsion de Lucien Vassal, une nouvelle génération de fonctionnaires arrive aux espaces verts.

Dominique Massad était de ceux-là : “Notre volonté était d’associer les enfants à la conception des jeux de cour dans les écoles dans une logique coopérative. C’est là que j’ai croisé Miette Ripert. Le projet de départ est devenu un monstre passionnant car touchant à la fois le ludique, l’écologique, la sociologie.” Il y avait aussi de l’argent public et moins de contraintes pour mettre en œuvre les actions. Celle-ci se sont menées dans un esprit de débrouille fort peu compatible avec la machine administrative.

Une série d'images de Miette Ripert montrant le jardin en état de fonctionner. On peut voir notamment, le chemin de l'eau, les plantation et les serres aujourd'hui disparues. Photo : Miette Ripert.

Une série d’images de Miette Ripert montrant le jardin en état de fonctionner. On peut voir notamment, le chemin de l’eau, les plantation et les serres aujourd’hui disparues. Photo : Miette Ripert.

“Je ne disais jamais non”

“Mon ambition d’artiste née dans les quartiers Sud, était d’avoir une implication sociale dans les quartiers Nord mais je ne fus pas déçue du voyage… immersion totale, explique Miette Ripert aujourd’hui. À la fin des années 80, la notion de participation n’existait pas encore pour l’administration municipale.” Les enfants, les parents, les gens du quartier, tout le monde est mis à contribution. L‘équipe s’installe dans un ancien préfabriqué de l’école, puis finira dans un algéco et enfin un mobil-home. “Faire des ateliers avec des enfants, des parents, combiné à un chantier d’insertion lié à un projet bâti ne se faisait pas trop à Marseille. Je suis allée très loin dans l’expérimentation, se souvient-elle. Mais c’était très cohérent. Je ne disais jamais non aux gens qui voulaient participer... J’ai appris depuis. Tous ces gens qui m’ont aidé étaient magnifiques : chacun ouvrait sur un univers de complexité et de complications et mes compétences en médiation psychologique étaient maigres…”

Peu à peu, le projet quitte les espaces verts pour rejoindre la politique de la ville. Chef de projet à Notre-Dame Limite, Dominique Ginouves avait également sa fille à l’école des Fabrettes : “Iris a fait cuire du pain dans le four à pizza, sourit-elle aujourd’hui. Tout était conçu avec les enfants, ceux de l’école et du quartier autour. Pour la politique de la ville, c’était un champ d’expérimentation formidable. Il y a un nombre de gens incroyable qui ont été employés sur le chantier à une époque où les chantiers d’insertion n’étaient pas professionnalisés comme aujourd’hui.” Miette Ripert estime à 70 le nombre de ces personnes qui ont été employées sur le chantier en “TUC, CES et que sais-je encore”.

Périscope et mirage

Son énergie allait loin et embarquait tout le monde. Pour obtenir le périscope de sous-marin qui a longtemps permis de contempler le quartier à 360°, elle écrit à Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense. Il lui répond aimablement que le périscope d’attaque du sous-marin Daphné ira à La Villette et le périscope de veille pour “éco-logis”… Et la voilà partie à Toulon pour aller chercher cet équipement qui vaut à l’époque une vraie fortune. Pareil pour le Mirage 3 C, don de l’armée de l’air.

Le corps et le mirage. Photo : B.G.

Le corps et le mirage. Photo : B.G.

Elle cherche ainsi un thon comme le dessine Jérôme Bosch dans le Jardin des délices. “Elle a réussi je ne sais comment à se faire offrir un thon entier par des pêcheurs de Fos-sur-Mer, raconte Guy-Jules Rémi qui habite la traverse de l’Arlésienne depuis 1956. Elle a fait son moulage et elle a fait ensuite un énorme barbecue avec les gens du quartier. C’était la première fois que je mangeais du thon comme ça.” Lui-même a donné maints coups de main à ces voisins hurluberlus même si aujourd’hui il maugrée “que tout ça a coûté un paquet de fric”. Il ne sait pas si le moulage de son pouce figure encore quelque part en témoignage de l’aide reçue.

Le jardin contient des vestiges des relations humaines qui se sont tissés là : des empreintes de corps, des moulages de pouces du “bon courage”. À l’entrée, le nom de Marie-Jeanne Delarozière, cadre de la politique de la ville partie trop tôt “chanter dans les haies”, et Chantal Alexandre, une mère d’élève hôtesse de l’air, partie “éplucher les nuages”. Cette émotion affleure encore. Pour Miette Ripert, il rend encore difficile un retour sur place. “Je n’ai pas souhaité avoir d’enfants mais j’ai mis dans mes projets toute l’attention d’une mère”, dit-elle avec émotion. il a fallu faire son deuil en faisant face à ces volontés enthousiastes et ces journalistes curieux qui, tous les deux ans, relancent un espoir d’ouverture.

Hôtel du Nord réalise une balade exploratoire dans le quartier Saint-Antoine, ce dimanche 27 novembre. Rendez-vous à l’hôtel Le Campanile, 59 avenue Sainte-Marie (15e). Inscription : juliedemuer@gmail.com

Mercredi 30 novembre à 16 h 58 :  actualisation avec les précisions et corrections de Miette Ripert.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Si nous avions à la municipalité de Marseille des gens intelligents préoccupés par chose que leurs élection et réélection ce seraient de tels projets de réhabilitation des quartiers à réaliser .
    C’est vrai que la drogue est aujourd’hui plus porteuse de paix sociale qu’un splendide parc convivial !
    La culture et l’art ne sont pas non plus une marchandise …. alors ….

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Quand on sait que les élus de ce territoire n’arrivent même pas à le tenir un tant soit peu propre, il ne faut pas demander, en plus de la culture et de la sensibilité chez ces gens-là.

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  3. Oreo Oreo

    Aujourd’hui, un jardin doit être accessible aux handicapés, aux enfants… Celui-ci ne le peut pas et les même bonnes âmes qui hurlent contre les collectivités seront les premières à les vilipender si un marmot se fait un bobo. Dont acte, ce jardin est un projet très personnel/personnifié ; il n’a pas été conçu pour pouvoir être utilisé comme un espace public.

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