Le Mucem, cité culturelle les pieds dans l'eau

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le 3 Juin 2013
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Le Mucem, cité culturelle les pieds dans l'eau
Le Mucem, cité culturelle les pieds dans l'eau

Le Mucem, cité culturelle les pieds dans l'eau

Le talky-walkie de Bernard Orlicky crépite. "Dis leur en haut qu'ils déboulent par l'escalier". L'inamovible gardien du Fort-Saint-Jean doit gérer un colis encombrant. En complet noir, le directeur départemental de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel dirige une visite de sécurité en compagnie de quelques gendarmes, policiers et responsables de la sécurité de l'Elysée. Demain, le président de la République en personne viendra inaugurer du Mucem, premier musée national construit en dehors de Paris. Il y fera une visite de président, en deux temps, trois mouvements.

Dans tous les coins, on cire, on frotte, on boulonne. La "cité culturelle" que le président du Mucem, Bruno Suzzarelli appelle de ses voeux vit déjà à 100 à l'heure. L'essentiel est en place, l'accessoire est en cours de montage. La librairie du rez-de-chaussée a été garnie dans la nuit. Une escouade de jeunes filles en fleur, cintres en main, visite l'exposition permanente qui occupe la Galerie de la Méditerranée. Une dame à l'air pressé leur fait une visite expresse. Une jeune fille, la bouche en coeur : "Nous sommes hôtesses d'accueil. Demain, on travaille. On nous explique ce qu'il y a dans le musée".

Finalement, la presse locale, nationale, voire internationale n'est pas seule à visiter les multiples expositions en avant-première. Début d'inventaire : un pingouin, un bateau de riziculteur, une hutte dans un coin, un drôle d'arbre à robinets qui ressemble à une machine de Tinguely, un mur de pains et quelques fourches… La première salle de l'exposition semi-permanente du Mucem surprend par son éclectisme. La fameuse fourche paysanne, emblème associé (pour mieux s'en moquer) au musée des arts et traditions populaires dont le Mucem est l'avatar décentralisé, refait ici surface, pour disparaître aussitôt. 

La mer des trois monothéismes

L'exposition pensée par Zeev Gourarier met à profit les temps de l'histoire pensés par Fernand Braudel pour mêler l'histoire longue du blé et de l'agriculture, au temps conjoncturel des trois monothéismes jusqu'au temps évènementiel de la conquête du monde au-delà de la mer qui en fut le berceau pour une partie du monde. Devant une vidéo du mur des lamentations qui déborde un peu sur le plafond, le producteur Jacques Hubinet peste : "On s'est donné du mal pour être prêt à temps. Alors c'est rageant quand un petit détail dysfonctionne. Bonne visite !". L'architecture du Mucem donne le tournis. On progresse en son sein par des escaliers intérieurs qui mènent aux deux expositions temporaires.

Mais on peut peler la pomme par l'extérieur le long d'une longue coursive qui chemine à l'ombre de la résille de béton conçue par Rudy Ricciotti. "C'est la même structure qu'une ziggourat, un mouvement circulaire de la masse au sommet, explique ce dernier lors de la conférence de presse inaugurale. D'ailleurs, je me suis battu pour que ces coursives restent libres d'accès. Elles mènent jusqu'au toit qui rejoint le Fort Saint Jean par le muscle tendu d'une passerelle. C'est une architecture de la difficulté d'être". Peu assagi par sa récente mise en examen, l'architecte a tout de même renoncé à venir en tongs. Mais il envoie valser le micro qui hache son propos et limite les envolées lyriques. Un peu plus tard, il ira sur le toit terrasse défendre ses partis-pris d'architecte devant des journalistes ravis par son verbe acéré.

Du noir du deuil, du bleu à l'âme

Au coeur du musée, deux expositions permanentes se font face : la plus vaste s'appelle "Le noir et le bleu. Un rêve méditerranéen". Son commissaire général, Thierry Fabre, ouvre son exposition par une immense toile bleue tranchée d'une lame rouge et de quelques cailloux noirs. "C'est elle qui m'a donné le titre de l'exposition", glisse ce dernier. Le code couleur peu évident à la première lecture aurait pu s'intituler "ombres et lumière" (non, pas mer de contrastes) tant elle confronte "ce qui fait civilisation de ce qui la nie". L'exposition se déploie en douze moments qui alternent entre violence et douceur, entre la "villégiature" et  la conquête coloniale, entre le "bleu tourisme" et le "Noir mafia". Du coup, on saute un peu du coq-à-l'âne dans une confrontation un peu désarmante qui culmine parfois au "marabout-bout de ficelle".

"Pas du tout, s'insurge le commissaire d'exposition. Il s'agit avant tout d'apprivoiser l'histoire à partir du regard comme le poète Yves Bonnefoy parle de pensée figurative. Bien sûr, on joue avec les ricochets d'une image à l'autre". Thierry Fabre saisit alors le plumitif par le bras pour l'amener dans un coin. "Là, par exemple, vous pouvez entendre un canton jondo du concours de 1922. Et là, il y a un manuscrit d'un poème de Garcia Lorca". Au centre trône la Méditerranée paisible d'Aristide Maillol, entouré par un Picasso, un Miro et un Masson. Le fondateur des rencontres d'Averroès part vers un autre coin : "Sur ce mur, vous pouvez voir les portraits des responsables de la banque ottomane et, juste à côté, une archive inédite". Dans un épais registre du consulat d'Egypte, les fonctionnaires compilaient les indésirables qu'il n'était pas souhaitable de voir sur le territoire : une prostituée, des pickpockets, quelques militants politiques avec commentaires et photos. "C'est une façon de revoir le cosmopolitisme par le bas…"

D'une expo à l'autre, cette juxtaposition amène à revoir le statut de ce que l'on voit. Qu'est-ce qui fait oeuvre? Qu'est-ce qui touche vraiment ? Dans l'aile d'en face, "Au bazar du genre" risque les mêmes confrontations. Dans un coin, une grande toile de Gustave Courbet, "Le sommeil" aux deux saphos alanguies côtoie "Les mariés" de Pierre et Gilles – très mariage pour tous – , une photo lesbienne de Nan Goldin et un vase grec du Vème avant Jésus Christ. Dans un si petit périmètre, cela tamponne un peu. Mais le commissaire général, Denis Chevallier, revendique son goût du télescopage.

Une douche d'insultes

On entre dans cette petite expo sous l'oeil altier d'une matador portant une cocotte minute sous le bras. Un peu plus loin, des images de manifestations mixent les combats féministes et ceux pour la reconnaissance des minorités sexuelles. "Nous sommes ici dans un bazar. Comme le bazar est bien achalandé, avec le genre, on peut avoir tous les possibles. Le choix est immense. On s'y perd". Du coup, l'exposition prend le parti de désarçonner en proposant un cabinet de douche sonore à insultes homophobes, un tapis de voeux pour la fécondité ou encore des tenues de box féminine.

De l'autre bord du muscle tendu de la passerelle, les expositions continuent en photo dans les bâtiments rénovés du toit du fort Saint-Jean. La pierre est tellement décapée qu'elle éblouit. Justement, l'ancien directeur de la capitale, Bernard Latarjet sort de l'exposition "Les choses de ce côté du monde". "vous allez voir c'est très beau", glisse-t-il en s'échappant. A peine a-t-on le temps de lui arracher qu'il est "heureux de ce début d'année". L'exposition conçue par François Cheval croisent les regards photographiques sur la Méditerranée. Ainsi Claire Chevrier s'est attardée à Marseille en 2003. "C'est peut-être l'oeuvre la plus sèche de l'exposition, en apparence. Mais, en réalité, c'est la plus sensorielle. Celle où on peut entendre le son de la ville".

En réalité, la juxtaposition de diaporama sonore a obligé les organisateurs à considérablement baisser le volume des deux enceintes qui entourent une banquette. "Mon installation leur a cassé les oreilles plusieurs jours et depuis j'ai été punie, rigole la photographe. Cela devrait être réparé d'ici quelques jours". Devant les yeux du spectateurs assis, défilent des images de déplacement comme vues depuis la fenêtre d'un train. "Je voulais travailler sur le déplacement avec ces images successives qui reconstituent l'effet d'un mode de transports. Ici, le train, là, le bus ou le ferry". Dans cette dernière série, le diaporama passe lentement d'une image à l'autre "reprenant l'inertie du bateau". Elle offre ainsi un panorama sur la ville et les quais de la Joliette. Saisissant en quelques minutes, le chemin parcouru par cette ville : d'un chantier gris à un quartier culturel qui émerge de l'eau.

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Commentaires

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  1. MrCasimir MrCasimir

    très bon article comme tjrs.

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  2. max max

    Et pour les habitants du quartier ya quoi?? impossible d’aacéder au littoral pendant une semaine car Hollande vient faire lebeau 1h au Mucem, c’est ça la culture à Marseille??? c’est quand même nous qui avont subit les travaux pendant plusieurs années (bruit, poussière, pb de circulation) pour nous interdire le site maintenant, super!!!

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  3. max max

    Comme d’habitude ce sont les habitants du quartier qui trinquent; l’accés au J1 et au littoral nous est interdit pendant une semaine pour une visite présidentielle d’à peine 1h…cela fait des années que nous subissons ces travaux (bruit, poussière, pb de circulation, de stationnement, sans parler de la pollution visuelle que représente cet amas de ferraille) pour nous voir désormais refouler du seul accés au littoral que nous avons dans le quartier pdt 1 semaine….c’est beau la culture à la Gaudin….

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  4. Vivement ce week end Vivement ce week end

    Ce week end risque d’être l’un des plus beaux de l’année !

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  5. Rimbaud13 Rimbaud13

    Rudy Ricciotti est un poète de lk’architecture !
    quel beau musée et un nouvel emblême pour la ville de marseille après la bonne mère !
    en haut elle nous protège et en bas le mucem nous ouvre sur le monde !!!!!magnifique !!!!!!

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  6. la belle la belle

    Merci Mr Bruno Gilles pour vos articles, toujours excellents !
    d’un petit caillou perdu dans l’océan indien …

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  7. castadiva castadiva

    BOF …………

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  8. architectureFR architectureFR

    Merci pour ce bel article !
    Pour continuer la visite, voici nos 3 reportage photos sur la journée d’inauguration d’hier :
    – MuCEM du J4 : http://projets-architecte-urbanisme.fr/inauguration-officielle-du-mucem-a-marseille/
    – Fort Saint Jean : http://projets-architecte-urbanisme.fr/inauguration-mucem-fort-saint-jean-marseille/
    – Archives de la Belle de Mai : http://projets-architecte-urbanisme.fr/inauguration-du-centre-de-conservation-et-de-ressources-du-mucem/

    Merci pour votre collaboration

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  9. rima rima

    le grand tableau bleu avec des cailloux noirs..est un Miro mr bruno gilles ! magni oeuvre de 1961 qui provient du centre pompidou.

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  10. yvesrobert yvesrobert

    Plusieurs hesitations dans les qualificatifs de l’architecture,si l’on rajoute un minaret on obtient une belle mosquée,on peut penser aussi aux filets de camouflage,à l’architecture des années 50 comme au havre ou Royan,la vrai faiblesse de ce projet c’est de ne pas etre du XXI eme siecle comme la pyramide du louvre ou bilbao,c’est helas un projet mediocre du XXeme siecle,certainement plus politique que revelateur d’une ambition architecturale digne d’un site aussi exceptionnel.

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  11. Santamanza Santamanza

    Une splendeur ce MUCEM merci Monsieur BENOIT Gilles de votre article….Si max n’est pas content qu’importe…il y a des dizaines et des dizaines pour ne pas dire des centaines et des centaines de gens qui trouvent cela merveilleux , MUCEM VILLA MEDITERRANEE , REGARD DE PROVENCE et out le reste…Marseille est belle et le sera encore plus……

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  12. bodegon bodegon

    lors de perdre du temps avec de cacaphonies venez joindre le collectif les arbres de lenche sur une page facebook on vous informera sur ce que vous etez pas informes bonne nuit libres penseurs

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  13. Anonyme Anonyme

    Je n’ai pas encore visité le musem, j’attends samedi avec hate!!! mais je me promène tous les 2 jours dans cet endroit superbe -du vieux port à la cathédrale ! Quel changement, quel plaisir! Et souvenez vous que vous avez des navettes maritimes qui vous emmènent à l’Estaque ou la la Pointe Rouge, c’est un “petit bonheur” sur l’eau en plus. Tou tn’est pas beau dans la vie, mais il y quelques beaux moments! Saisissons les. Bonne journée à tous.

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  14. Anonyme Anonyme

    La plupart de vos commentaires confirment une réflexion entendue ce matin à la radio: le Français est pessimiste, défaitiste’ et dépressif!

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  15. Loulou Loulou

    Je trouve le musée très beau luxueux ,la vrai question après ? que vas_t’il devenir ? taux de fréquentation etc.. je pense aux prix de revient ,personnel à rémunérer oui je m’inquiéte comme beaucoup de
    Marseillais on ne nous demandes pas notre avis et arretez de dire
    qu’on veut rester dans notre crasse ! pour justifier des dépenses
    qui frisent la folie dans une ville presque en faillite ! demandez
    aux personnes qui ont axées aux comptes et vous en reparlerez!

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  16. Anonyme Anonyme

    Abracadabrantesque la nullité de certains commentaires !!! Peut-être que leurs auteurs préfèrent-ils que l’on parle au quotidien du bon usage de la kalachnikov en milieu urbain ou ailleurs !!!! Misere….

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  17. Céhère Céhère

    Je fais partie des quelques personnes qui aimaient le J4 comme il était avant. Un lieu de “respiration”, ouvert sur la mer, à la sortie du port. Pour tout dire pour moi cela évoquait l’appel du large.
    Je n’aimais pas le fait qu’il soit peu entretenu, comme bien endroit à Marseille.
    J’aimais, et j’aime toujours, le Fort St-Jean, et on le voit un moins qu’avant maintenant.
    J’aimais la promenade à ses pieds, et je suis plutôt atterré par le pseudo rempart qui y a été construit, qui coupe la vue et l’accès à l’eau (et même la vue sur le nouveau musée…), tout comme je le suis par la destruction du long banc en pierre au pied du fort.
    Pour ce qui est de l’intérieur du musée, je verrai quand je l’aurai découvert.

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  18. cago cago

    “C’est une affaire dont MP2013 se serait bien passé. Rudy Ricciotti, l’architecte du MuCEM, musée qui s’apprête à faire la renommée de Marseille, a été placé en garde à vue par le parquet de Toulon, notamment pour avoir employé des ouvriers en situation irrégulière.”

    http://www.13alactu.fr/rudy-ricciotti-met-mp2013-dans-la-panade-2/

    Ah il est beau l’architecte et son amour de l’artisan prolétaire français ! Ce type est un nul ! Il a déjà défiguré une place à Paris et voilà qu’il pond une nouvelle horreur à Marseille, aucune générosité dans son architecture, il n’est qu’un minable se cachant derrière un blabla artificiellement intello !

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