Le ministre de l'Industrie dans une ville qui n'en a bientôt plus (d'industrie, pas de ministre)

C’est une entreprise magnifique. Elle s’appelle Innate Pharma. IPH pour les intimes. Une biotech. Sa mission : développer des médicaments innovants pour le traitement des cancers, et plus spécifiquement dans l’immunothérapie anti-cancéreuse. Pour faire simple, ces médicaments permettent d’intervenir sur le système immunitaire déficient des malades. Si ça marche, on ne pourra pas forcément guérir un cancer mais au moins on pourra le stabiliser.

Un marché (les anti-cancéreux) de plus de 50 milliards de dollars l’an dernier selon les Echos, et en progression de 10% par an. Et pour ça, Innate Pharma tient peut-être son best-seller : IPH21, un « anticorps monoclonal ». Ce qui lui a permis de signer, le 7 juillet dernier, un des plus gros deal de cette industrie. Un accord de licence avec Bristol-Myers Squibb (BMS) un géant américain de l’industrie de la pharmacie (20 milliards de CA l’an dernier, en dollars, ok, oui mais quand même), qui donne à BMS des droits exclusifs pour exploiter commercialement IPH21, si bien sur ce médicament est mis un jour sur le marché.

Coup de poker

Pour y arriver il faudra réaliser de très nombreux essais cliniques, obtenir des autorisations administratives et surtout vérifier son efficacité. Il faudra encore des années et des dizaines de millions de dollars pour avoir une (petite) chance d’y arriver. Mais si ça va au bout c’est jackpot assuré pour BMS. Du coup, l’entreprise américaine vient de faire un premier chèque à la biotech française de 35 millions de dollars et pourra lui en verser jusqu’à 465 si les choses se passent bien.

Des coups de poker à plusieurs centaines de millions, qu’aucun groupe français ne peut aujourd’hui se permettre. Et c’est bien dommage. Car sans la France et sa recherche, il n’y aurait pas de IPH21. C’est d’un des labos de recherche de l’Inserm/Cnrs qu’il est né. Puis il a été développé dans la start-up Innate Pharma. Pour peut-être un jour faire la fortune de BMS.

Born in Luminy

Cette belle histoire est vraie et en plus elle est marseillaise. Innate Pharma is born in Luminy. Mais elle ne fera pas ce soir le JT de Laurence Ferrari, contrairement à Guéant à la porte d’Aix lundi… C’est le jeu. De toute façon à Marseille, ça n’intéresse pas  grand monde non plus. Pourtant cet après-midi le ministre de l’Industrie Eric Besson s’est déplacé pour la visiter, et venir féliciter ses dirigeants fondateurs, Hervé Brailly, président du directoire et François Romagné le directeur scientifique, pour le magnifique deal du 7 juillet.

Bon d’accord Eric Besson est seulement un ministre délégué. Et puis on est au mois d’août, et il fait chaud, très chaud à Luminy. Du coup Eric Besson était seul. Seulement accompagné du préfet de Région. Et même pas en grand uniforme. Pff. Pas en short et en tong mais presque. Friday Wear. M’étonnerait qu’il soit dans la même tenue lundi pour la si-attendue-et-annoncée-par-tout-le-monde visite de Claude Guéant.

En tout cas cet après-midi, on n’a pas vu le maire de Marseille, ni le président de conseil général, pas de président de conseil régional non plus, aucun parlementaire, ni même de représentant de la Chambre de Commerce, ou de Marseille Provence Métropole, théoriquement la première concernée quand il s’agit de développement économique. Inna quoi ? Gaudin qui veut « changer l’image de Marseille ». Ah, ah, ah. Ben, pour une fois qu’il y a une belle histoire à raconter il n’est pas là.

Et puis Innate Pharma, ce n’est que 80 emplois à Marseille. Ca ne vaut pas une petite fête votive dans les Alpilles, la soirée de la Marseillaise à Pétanque ou la remise de la médaille de la ville à un Préisident de CIQ. Comme nous disait en « off » un des participants présents à la visite ministérielle, quand Innate Pharma a inauguré une de ses filiales à Lyon, le casting d’élus locaux n’était pas tout à fait le même et Gérard Collomb était au premier rang. Allez, « les Derniers seront les Premiers » comme dirait Jean-Claude.

Sinon comme on avait le ministre de l’Industrie sous la main, avec nos courageux confrères de France 3, LCM, La Provence et La Marseillaise, on a essayé de lui parler de l’avenir de Fralib. Bon franchement il n’avait pas l’air d’être plus au courant que ça du dossier. A sa décharge on imagine qu’aucun élu marseillais n’a dû lui en glisser un mot. Même chose pour la CMA CGM et une participation éventuelle du Fond Stratégique d’Investissement (FSI, le bras armé financier de l’Etat), qui est au capital (13 %) de Innate Pharma. No comment. « Je ne suis pas là pour faire le tour des dossiers locaux » nous a répondu un brin condescendant le ministre.

Mais il nous a promis de nous répondre sur Fralib la semaine prochaine. On vous tiendra au courant. Et quand on lui a parlé de la visite de François Hollande à Gémenos lundi dernier, ça l’a un brin agacé. Ceci dit, les dirigeants d’Unilever attendent toujours des nouvelles du peut-être futur président de la République, qui doit les contacter, comme il s’y était engagé auprès des salariés en lutte. Pas une lettre, pas un coup de téléphone, depuis 4 jours. Il cherche peut-être dans sa chambre d’hôtel de La Rochelle leurs coordonnées. Ben voilà, il suffit de demander, le PDG d’Unilever France s’appelle Bruno Vitwoët et son téléphone est le 01 41 96 51 64. Allez bon week-end.