Le McDonald’s de Saint Barthélémy, maillon isolé de la chaîne de fast-food ?

Actualité
le 11 Oct 2019
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La justice doit de nouveau examiner le cas du restaurant McDonald's de Saint-Barthélémy. Il s'agit cette-fois-ci de savoir s'il fait partie ou non d'une unité économique. Une subtilité de statut qui n'est pas anodine puisqu'elle pourrait avoir d'importantes répercussions sur l'avenir de cette entreprise, placée en procédure de sauvegarde.

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L'intersyndicale réunie au McDonald's de Saint-Barthélémy (14e). Au centre, Kamel Guemari (FO).

L'intersyndicale réunie au McDonald's de Saint-Barthélémy (14e). Au centre, Kamel Guemari (FO).

“Yes !”. Kamel Guémari, leader syndical du McDonald’s de Saint Barthélémy (14e) ne peut contenir sa joie. Ce mercredi 9 octobre, il est assis sur les bancs du tribunal d’instance de Marseille et la juge qui lui fait face vient d’annoncer que l’audience qu’il attend avec impatience va bien avoir lieu. La demande d’irrecevabilité de la défense rejetée, la justice va donc devoir définir si le fast-food des quartiers nord fait partie d’une unité économique et sociale (UES) qui comprend d’autres restaurants McDonald’s. Ou si, à l’inverse, il se retrouve seul depuis le rachat des restaurants qui l’accompagnaient jadis dans l’UES, dénommée MUR. Une subtilité qui peut paraître superflue mais qui représente en fait le nerf de la guerre qui oppose depuis plus d’un an maintenant les salariés de Saint-Barthélémy et leur direction.

Une unité économique et sociale est un regroupement de plusieurs entreprises juridiquement distinctes mais dotées d’une direction unique, d’une communauté de travailleurs et dont les activités sont similaires ou complémentaires. Au sein de ce regroupement, les entreprises ont également en commun un comité social et économique (CSE). Autrement dit l’instance représentative du personnel, chargée de défendre les droits du salarié. Le 7 septembre 2018, tous les restaurants McDonald’s de l’UES MUR, appartenant à Jean-Pierre Brochiero, ont été rachetés par un autre franchisé, Mohamed Abbassi (lire notre article sur cette reprise mouvementée). Tous, sauf un, celui de Saint-Barthélémy. Une manœuvre pour écarter un bastion syndical qui déplaît à McDonald’s, dénonçaient alors en substance les représentants syndicaux de ce restaurant.

“Pour nous, les McDo d’Abbassi et Saint-Barth’ forment une unité”

Depuis, ils mènent un bras de fer musclé contre leur franchisé, Jean-Pierre Brochiero, mais aussi contre Mohamed Abbassi et McDonald’s France pour tenter de sauver les 77 emplois qu’ils estiment menacés depuis le début. Aujourd’hui, Sodeba (la société qui détient le restaurant de Saint-Barthélémy) est en procédure de sauvegarde et la menace de la liquidation est réelle. La reconnaissance d’une unité économique et sociale qui comprendrait cette société pourrait changer la donne, élargir le périmètre d’évaluation de la situation financière, ouvrir des opportunités de reclassement et offrir des garanties de protection des salariés et de leur représentants.

“Pour nous, les restaurants d’Abbassi et celui de Saint Barthélémy ne forment qu’une seule et même UES, explique Sébastien Borel de l’Union générale des syndicats indépendants, qui soutient les sept salariés et quatre syndicats* requérants. Il s’agit d’une même communauté de travailleurs. Sodeba est dans l’UES depuis 1992. Nous devons démontrer que McDo accepte les comités d’entreprise mais que certains franchisés appliquent encore des stratégies pour se débarrasser des représentants du personnel”. Du côté de la direction, on dément ces accusations depuis le début du conflit. Le traitement à part accordé au restaurant de Saint-Barthélémy serait plutôt lié à ses soucis financiers “qui représentent 80 % des pertes du groupe de monsieur Brochiero”, indiquait Mohamed Abbassi, l’acquéreur, à Marsactu en septembre 2018.

“Isoler Sodeba et évincer un syndicaliste”

Ce mercredi devant le tribunal, l’avocate des requérants a tenté de contrecarrer cet argument de la direction par un historique. Et Odile Lenziani de rappeler la décision de justice interdisant le premier projet de reprise – un restaurant de cuisine asiatique halal – considéré comme pas assez solide. L’avocate est ensuite revenue sur la proposition de rachat par Mohamed Abbassi lui-même, conditionné à un plan social comprenant le poste du syndicaliste Kamel Guémari, refusé par les salariés. “Car oui, il y a aussi de la solidarité dans cette histoire.” Puis le refus de l’inspection du travail de procéder au licenciement de ce dernier pour motif économique, étant donné qu’il repose en fait sur une discrimination syndicale. “Le compte-rendu de l’inspection du travail est stupéfiant. Je n’ai jamais vu ça !”, s’émeut Me Lenziani avant de conclure :

Tous les acteurs ont considéré à l’unisson un processus visant à isoler Sodeba et évincer le syndicaliste. Or, l’UES vise justement à déjouer la fraude au morcellement d’une entreprise.

La défense, par la voix de l’avocat de Mohamed Abbassi Vincent Burles, a quant à elle rappelé que la justice a aussi autorisé la vente à son client des cinq autres restaurants. Et que ce sont les salariés de Saint-Barthélémy qui se sont opposés aux projets de reprise successifs. Pour que finalement “Jean-Pierre Brochiero se retrouve avec son restaurant sur les bras, qui après deux mois de grève passe forcément dans une situation financière compliquée. Et est aujourd’hui en procédure de sauvegarde.”

Échanges de mails et fiche de pointage

Une unité économique et sociale repose sur des critères bien précis dont la permutabilité des salariés ou encore la concentration des pouvoirs de direction. Pour tenter de cocher ces cases, l’avocate des requérants a glissé dans le dossier une fiche de pointage et des échanges de mails. Des documents falsifiés selon la défense. Cette dernière a insisté sur le fait que le dossier ne repose que sur ces deux seuls documents. Un peu plus tôt, Me Franco, représentant le gérant de la société SODEBA, abondait : “Jean-Pierre Brochiero exploite le fond de commerce comme il l’entend, il est le seul à présenter des projets, demander l’arrêt de l’activité ou la cession. McDonald’s n’intervient pas dans la gestion de Sodeba qui est indépendante et n’a qu’un seul gérant”. Dans la pratique, le constat peut pourtant paraître quelque peu différent.

Car c’est bien Mohamed Abbassi qui s’est rendu à Saint-Barthélémy pour informer les salariés et leurs représentants des projets de reprise. C’est lui qui, par l’entremise de l’agence de communication de McDonald’s, répond de temps à autre à la presse, pendant que Jean-Pierre Brochiero reste silencieux. Sauf que, “pour parler d’UES, il faut un siège social commun, une activité qui se déroule dans les mêmes locaux, un personnel interchangeable”, précise encore l’avocat de Mohamed Abbassi.

“Cette affaire se base sur des jurisprudences. La juge devrait juger ce cas précis, souffle après l’audience Me Lenziani. Moi, ce que je vois, c’est qu’il y a une homogénéité et une communauté de travailleurs qui travaillent et luttent ensemble depuis des années. Une communauté de travailleurs qui a aussi réussi à arracher à une multinationale, dont le modèle social repose sur des petits contrats et un turn over important, des droits que l’on ne retrouve que rarement dans les fast-food à l’enseigne jaune. La justice rendra son délibéré le 27 novembre. Deux semaines plus tôt, un rendez-vous est fixé, au tribunal de commerce cette fois-ci, pour faire un point sur la situation financière de Sodeba.

*Syndicat Sud Hôtellerie restauration, le syndicat démocratique autonome de le restauration (SDAR), l’Union territoriale indépendante (USIPA), L’Union départemantale CNT-SO des Bouches-du-Rhône.

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Commentaires

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  1. Danièle Jeammet Danièle Jeammet

    Kamel est Délégué Syndical FO . Pourquoi son syndicat n’est pas présent dans la requête judiciaire ? L’UD FO n’ jamais communiqué un quelconque soutien . Peut on savoir pourquoi ? Et les syndicats cités ( SDAR etc…) ne sont pas des syndicats représentatifs au niveau national. Ce conflit devient compliqué à comprendre au niveau syndical . Merci de nous éclairer .. ( quid aussi de la CGT présente dans l’Unité Economique dont le DS a fait l’objet d’un chantage de la part de la direction laquelle a sollicité un syndiqué UNSA pour le discréditer ( UNSA dont la bannière est présente sur la photo illustrant l’article

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