Le difficile transfert du 6MIC, bijou culturel que la mairie d’Aix veut récupérer

Décryptage
le 10 Nov 2023
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Salle de concerts inaugurée en 2020 à Aix-en-Provence, le 6MIC a réussi à conquérir son public. La Ville d'Aix tient à récupérer sa gestion, aujourd'hui aux mains de la métropole. Et cela même si le lieu rencontre des difficultés financières.

Le difficile transfert du 6MIC, bijou culturel que la mairie d’Aix veut récupérer
Le difficile transfert du 6MIC, bijou culturel que la mairie d’Aix veut récupérer

Le difficile transfert du 6MIC, bijou culturel que la mairie d’Aix veut récupérer

Avec ses allures de grand rocher, le 6MIC est aujourd’hui un caillou dans les rouages des transfert de compétences entre la métropole et la Ville d’Aix-en-Provence. La maire (UDI) Sophie Joissains a clamé haut et fort, et à plusieurs reprises, sa volonté de récupérer la gestion de tous les équipements culturels et sportifs situés sur le territoire du pays d’Aix et actuellement contrôlés par la métropole. Un transfert de compétences rendu possible par la réforme de la collectivité dans le cadre de la loi de décentralisation dite 3DS.

Mais cette volonté politique ne sera pas sans conséquence économique pour la municipalité. Ces équipements coûtent chers à construire et à entretenir et ne rapportent pas forcément beaucoup au budget communal. Plusieurs structures sportives et culturelles sont concernées, notamment les piscines, l’arena du pays d’Aix, ainsi donc que le 6MIC, la salle dédiée aux musiques actuelles du pays d’Aix. Ce qui ne décourage pas la Ville. Même si ce transfert pourrait se révéler épineux et prendre plus de temps que prévu.

Un rocher au milieu d’un quartier qui n’existe pas encore

Au Sud-Est de la ville, la salle ouverte en 2020 a été installée dans le quartier encore en construction de la Constance en bordure de l’autoroute A8. La structure de l’édifice a été pensée par l’architecte Rudy Ricciotti comme un “rocher naturel” en hommage à la Sainte-Victoire. De l’autre côté de la voie rapide se dresse la Fondation Vasarely. Toute cette zone doit être urbanisée à l’avenir. Mais, pour l’instant, les seuls voisins du 6MIC sont le complexe de Provence Rugby et de Voyage Privé. Un grand parking a été construit, mais il n’existe pas encore de desserte efficace en transports en commun ou encore d’accès sécurisé pour les piétons. Au grand dam des spectateurs qui viennent écouter là électro, rock, rap, pop ou jazz.

À l’intérieur du bâtiment se trouvent deux salles de spectacles, dont la plus grande peut accueillir jusqu’à 2000 personnes, des studios pour les artistes, des locaux administratifs avec les équipes, et un espace dédié à la restauration. Le tout est géré dans le cadre d’une délégation de service public attribuée en 2020 à l’entreprise IRIS, qui regroupe des professionnels du secteur de la musique. Le 6MIC vise à être un site de référence pour les artistes émergents.

Une économie encore fragile

“En terme de notoriété on est au-dessus des objectifs fixés”, souligne auprès de Marsactu le directeur du 6MIC Stéphane Delhaye. La salle a attiré 60 000 spectateurs en 2022, contre 55 000 selon les estimations initiales. Plus de 400 activités ont été organisées, avec près de 140 concerts. Mais, d’un point de vue économique, “c’est un petit peu plus compliqué”, reconnaît le directeur de la salle. “On essaye de tenir un équilibre, pour l’instant on est beaucoup trop fragile”, développe-t-il.

Les débuts du 6MIC ont en effet été difficiles. “Ouvrir une salle une semaine avant une pandémie mondiale on ne peut pas faire pire, ironise Stéphane Delhaye. Mais depuis septembre 2022 on est dans une exploitation normale, on a atteint un rythme de croisière.” Plusieurs menaces continuent pourtant de planer sur la bonne santé économique de la salle de musiques. “L’inflation et le coût de l’énergie ont un impact. Mais on peut aussi constater une hausse importante des cachets des artistes. C’est difficile de dégager des marges sur des concerts, commente le directeur. On verra avec le bilan 2023 ce qu’il y a lieu de faire”.

Un équipement de cette taille avec les missions qui sont dans le cahier des charges demande un fort engagement financier.

Le directeur

Si le 6MIC se définit comme une salle de musiques actuelles (SMAC), il n’a pas encore le label officiel attribué par l’État. “Pour autant le lieu et le projet correspondent en tous points, justifie le directeur. Mais en règle générale le ministère attend deux ou trois ans d’activités.” Conséquence ? Dans l’attente de son obtention, la salle ne bénéficie pas d’aides financières de la part de l’État. “Un équipement de cette taille avec les missions qui sont dans le cahier des charges demande un fort engagement financier, détaille Stéphane Delhaye. Si les pouvoirs publics ne sont pas au rendez-vous, c’est compliqué.”

Déséquilibre des comptes

Le rapport 2022 de la délégation de service public, consulté par Marsactu, confirme les déclarations du directeur. Et une santé économique encore fragile. La salle a dégagé un bénéfice de 90 972 euros en 2022. Les charges s’élèvent à 3 121 063 € pour 3 312 035 € de recettes. Le 6MIC précise toutefois que ce résultat inclut une aide exceptionnelle du Centre national de musique (CNM). “Sans ce fond de sauvegarde, le résultat serait donc déficitaire à hauteur de 322 758 €, indique le document. Cela reflète plus fidèlement le déséquilibre des comptes dont le contrat de la délégation de service public souffre depuis l’origine et qui fait l’objet d’un dialogue permanent depuis 2021 entre le délégant et le délégataire.”

D’autres difficultés liées à la gestion de la salle sont évoquées dans ce rapport. Des problèmes d’infiltrations dans le bâti, pourtant quasiment neuf sont par exemple signalés. “Globalement, sur le bâtiment, et avec une véritable année pleine d’exploitation et après trois ans d’occupation des lieux, on peut constater que lors de la construction et sûrement pour des raisons économiques, certains matériaux ou fournitures n’ont pas la qualité suffisante pour faire face à une utilisation intensive dans un lieu qui suppose une importante fréquentation”, détaille le document.

Le retard probable du transfert

Ces constats n’entachent pas la volonté de la Ville d’Aix-en-Provence de récupérer la gouvernance de l’infrastructure. Contactée par Marsactu, la municipalité ne souhaite pour l’instant pas s’exprimer sur les discussions techniques en cours avec la métropole. “Les équipements que les maires souhaitent, ils les récupèrent. La présidente de la métropole [Martine Vassal] a toujours été claire, rappelle quant à lui à Marsactu le vice-président métropolitain chargé à la culture, Daniel Gagnon. Aujourd’hui nous menons des discussions financières sur les charges qui vont être transférées.” Avant de compléter : “Ces équipements coûtent et ne rapportent pas beaucoup d’argent. C’est une volonté politique de les récupérer, du marketing territorial”.

Il est probable qu’à la fin de l’année 2023, il y ait une clause de revoyure pour le 31 décembre 2024.

Daniel Gagnon, vice-président à la métropole

Les élus métropolitains ont jusqu’à la fin 2023 pour voter la délibération qui acte les transferts de compétence pour les équipements sportifs et culturels. Et, ainsi, les techniciens ont jusqu’à cette date pour trancher les questions de gros sous. “Aujourd’hui c’est très difficile de chiffrer tout ça, cela prend du temps, avertit cependant Daniel Gagnon. Il est probable qu’à la fin de l’année 2023, il y ait une clause de revoyure pour le 31 décembre 2024.” Si c’est le cas, il faudra attendre encore plusieurs mois pour connaître officiellement l’avenir du 6MIC. Et donc la date de la soirée que Sophie Joissains ne manquera pas d’y organiser pour fêter sa victoire politique.

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Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    C’est un très bel équipement que j’ai découvert récemment pour ma part.
    Le lieu est superbe, l’acoustique précise, et le personnel y est très sympathique et qualifié. Un lieu à défendre donc !

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  2. Tasogare Tasogare

    Dommage qu’un endroit si chouette fasse l’objet de basses bisbilles politiciennes… Le mérite revient avant tout à l’équipe de la salle, à l’origine de la programmation, et à nul autre.

    Aussi, je suis désagréablement surpris que l’État mette autant de temps à décerner un label, si l’endroit coche déjà toutes les cases. Dans le “nouveau monde” tant promis, ces délais énormes sont délirants.

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