L’Urssaf réclame 3 millions au comité d’entreprise de la RTM

Info Marsactu
le 17 Nov 2017
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Depuis mars, deux plaintes ont été déposées autour de la gestion du comité d'entreprise de la régie des transports métropolitains. En attendant les résultats de l'enquête sur les trous dans la caisse du loto, les belles voitures et restos à gogo, les inspecteurs de l'Urssaf sont passés au CE. Après la disparition de la quasi-totalité de la comptabilité, un redressement de plusieurs millions d'euros se profile.

Le prolongement du tram vers les quartiers Nord pourrait obtenir un coup de pouce. (Photo JV)
Le prolongement du tram vers les quartiers Nord pourrait obtenir un coup de pouce. (Photo JV)

Le prolongement du tram vers les quartiers Nord pourrait obtenir un coup de pouce. (Photo JV)

2014, 2015, 2016… Quine ! À l’occasion de son contrôle régulier du comité d’entreprise de la RTM, l’Urssaf a fait un carton, avec un redressement sur les trois années passées qui pourrait atteindre les 3 millions d’euros. “Nous avons été redressés au forfait, puisqu’il n’y avait aucune pièce comptable”, explique Samy Khazrouni, secrétaire du CE élu en mai sur la liste CGT, après huit ans de gestion par une équipe issue de la CFDT.

Cette addition copieuse, qui équivaut à “18 mois de budget” des œuvres sociales, se lamente le syndicaliste, vient d’une disparition quasi complète de la comptabilité. En l’absence de justificatifs pour de nombreuses sorties d’argent, l’Urssaf a donc évalué à la louche les dépenses soumises à cotisations sociales – “au forfait” selon le terme maison. Directeur de la RTM, dont les 3500 salariés pourraient subir les conséquences de ce redressement record, Pierre Reboud précise qu’il ne s’agit pour l’heure que “d’une lettre d’observation provisoire. La RTM attend d’avoir la position définitive de l’Urssaf. Une fois cette position arrêtée, il y a toute une série de possibilités de recours, ce sont des procédures qui peuvent prendre des années.” L’équipe du CE tâche de faire baisser la note pour “limiter la casse”, et Samy Khazrouni espère que la régie encaissera le choc et fera payer le CE de manière étalée. Sauf que Pierre Reboud prévient que “la RTM n’a pas vocation à financer” ce redressement.

De quoi donner un tour moins croquignolesque au trou dans les caisses du loto révélé en octobre par le Canard enchaîné… En décembre 2016, soupçonnant trois camarades, notamment le trésorier Éric Gatto que Marsactu n’a pu joindre, d’avoir bien vécu sur l’argent du CE, la CFDT avait voté leur destitution et mis en place une nouvelle équipe. Patrick Ripoll, secrétaire de la CFDT RTM, a personnellement porté plainte contre ce dirigeant en mars.

Pour y voir clair, la nouvelle équipe a déclenché un audit. “Nous comprenons par entretien avec les nouveaux membres du bureau du comité d’entreprise que les pièces comptables telles que les factures, les relevés bancaires, les souches de chéquiers, etc … étaient détruites, dissimulées ou incomplètes”, annonce d’emblée un pré-rapport du cabinet Audita, rendu en mai et que Marsactu a pu consulter. Un commissaire aux comptes nommé en mars 2017, alors qu’une loi obligeait le CE à en avoir un depuis plus d’un an.

“Je ne sais pas, je n’y étais pas”

“Je ne sais pas qui a détruit la compta, je n’y étais pas. J’imagine que les enquêteurs auditionneront tout le monde et nous verrons bien”, tempère le cégétiste Samy Khazrouni, qui va lui aussi déposer plainte mais cette fois-ci au nom du comité d’entreprise, lequel a approuvé la procédure le 17 octobre. Si cette prudence honore le principe de présomption d’innocence, elle vise aussi à ne pas dédouaner en bloc le syndicat rival, qui a pour sa part circonscrit les soupçons à quelques-uns de ses membres. “Messieurs les anciens gestionnaires, il n’appartient pas à un syndicat, qui n’en a pas juridiquement la qualité, de déposer plainte au lieu et place du comité d’entreprise”, écrit Samy Khazrouni dans une “information du CE” diffusée en interne. Quant à la direction, elle évoque “des informations potentiellement sérieuses qui ont donné lieu à un signalement au procureur dans le cadre d’un article 40 [qui oblige tout fonctionnaire à signaler au procureur tout délit dont il aurait connaissance, ndlr]. Le CE est une entité autonome, c’est la seule façon qui nous est offerte de nous manifester sur le sujet.”

“Il n’est pas dans nos prérogatives de prendre parti dans vos luttes intestines”, estimait déjà la CGT en février, alors que la CFDT regrettait que ses représentants n’aient pas pris part à la destitution de l’ancienne équipe. Pendant la campagne, cette position a donné lieu à de nombreux photo-montages mettant en cause la CFDT. Parmi les visuels, celui d’une voiture siglée CFDT exploite l’histoire qui a allumé la mèche, comme l’a déjà raconté le Canard : le comité d’entreprise louait pour 718 euros par mois une Peugeot 5008, qui roulait près de 40 000 kilomètres par an, avec abonnement au tunnel Prado-Carénage, avertisseur de radar… En juin 2016, le CE est même monté en gamme avec une 308 HDI Sport à 954 euros par mois.

Photomontage publié sur la page Facebook de la CGT RTM en mai 2017.

“Éric Gatto a expliqué que l’autre était en réparation et que Peugeot lui avait prêté celle-ci”, raconte Patrick Ripoll, qui a dès lors multiplié les questions. En discutant avec le concessionnaire, il a aussi découvert que le CE avait acheté une 208, immatriculée au nom de Martine Giordano-Vogt, chargée du contrôle de gestion et mère du trésorier-adjoint Christophe Vogt. “On avait un regard politique sur ce que le CE devait faire, les chèques vacances etc., et c’était relativement suivi. Mais on n’avait pas la main sur la trésorerie”, se défend Patrick Ripoll face aux accusations de la CGT.

Un audit très attendu le mois prochain

“On a annulé tous les abonnements, arrêtés les restaurants, etc. Mais nous n’avons pas récupéré la 208, qui était immatriculée en nom propre”, justifie Stéphanie Mezhrahid, qui a remplacé Martine Giordano-Vogt. “On n’a récupéré qu’une voiture, un Peugeot Partner deux places. Celui-là, on en a vraiment besoin pour transporter des colis, des boissons quand on fait un concours de boules”, complète Samy Khazrouni.
Après s’être installée le 26 juin, la CGT a surtout rapidement reçu le relevé de compte mensuel du Crédit mutuel, avec un découvert à six chiffres : 205 000 euros. “Alors que j’avais tout à payer, les fêtes de Noël etc.”, proteste le secrétaire du CE. “Quand on est arrivés, on était à moins 650 000 !”, souligne Stéphanie Mezhrahid, pour qui ce trou venait de nombreux paiements réglés en avance par Éric Gatto avant son départ. “On a fait en sorte que le compte repasse en positif dès la passation en juillet, avec le versement trimestriel de la subvention de la RTM au CE.”

À son arrivée, la CGT a donné une mission supplémentaire au commissaire aux comptes, occupé à tenter de reconstituer les années 2014 à 2016, les mêmes que l’URSSAF a retoquées : examiner la période de transition CFDT de janvier à juin 2017. Annoncée pour la séance de décembre du comité, la présentation du rapport final est attendue de part et d’autre…

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Commentaires

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Illustration emblématique de la présence toujours vivante des vers dans le fruit marseillais.

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  2. corsaire vert corsaire vert

    J’espère que tout cela va finir par des peines sévères et des saisies de biens , sinon qui va payer ? les usagers bien sûr !
    Que la RTM commence à faire davantage de vérifications contre la fraude institutionnalisée comme le pillage des fond du CE : Métro et Tram .
    Cela financerait largement les créations d’emplois nécessaires .
    Ne pas oublier que ces gens là contribuent largement à creuser le trou de la sécu qui se rattrape sur les remboursements de prestations .
    Nous sommes tous victimes et concernés par ces pratiques mafieuses .

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  3. Alceste. Alceste.

    Les institutions marseillaises sont mouillées les unes après les autres.
    La prochaine c’est qui ?
    Quel cloaque .

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      J’avais pensé marigot mais cloaque est bien aussi, encore plus dans le putride.

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  4. veronique iorio veronique iorio

    Ça promet pour la suite !! les transports “ULYSSE” vont être gérer par la métropole, si c’est pour obtenir ce résultat, les communes concernés vont être très mal!!
    Ils n’ont pas compris que le paradis fiscal n’est pas pour tout le monde ! 😉

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  5. Dark Vador Dark Vador

    Le silence du syndicat concerné est assourdissant… Il ne manque plus que le principal mis en cause bénéficie d’une promotion (cela c’est déjà vu)…

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Un ingénieur?…

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  6. Alceste. Alceste.

    Pensez vous qu’à la CFDT Marseille ils ont les mêmes qu’à FO Marseille ?
    Franchement si cela était le cas , notre micro climat marseillais ferait des merveilles ou plutôt des horreurs.
    Le Mistral , sans doute .

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      A mon sens le petit monde syndical dévoyé trouve à Marseille une pâture où il fait (faisait?) bon s’ébattre en toute liberté.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je ne pense pas que l’on puisse comparer la “CFDT Marseille” à “FO Marseille” dans cette affaire.

      D’abord parce que lorsqu’on parle de “FO Marseille”, on ne parle en réalité que de FO Territoriaux, organisation qui vit en collusion (j’allais écrire “en symbiose”, mais c’est trop gentil…) avec une partie de la classe politique locale en vue de favoriser sa réélection, de défendre quoi qu’il en coûte des avantages acquis, même s’ils sont illégaux, de promouvoir la carrière de quelques “syndicalistes” quelles que soient leurs compétences, et au total de garantir l’immobilisme.

      Dans le cas de la CFDT de la RTM, ce n’est – apparemment – pas d’un système dont il s’agit, mais de dérives individuelles qui révèlent surtout une incroyable absence de contrôle. Les responsables de la CFDT peuvent se lamenter : s’ils ne sont pas malhonnêtes, ils sont au minimum d’une grande légèreté, pour ne pas dire d’une totale incompétence. Quand on donne à quelqu’un les clés d’un budget de 2 millions d’euros par an, on ne se contente pas d’un “regard politique” (sic) sur ce qu’il fait…

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  7. julijo julijo

    Bah …. c’est un peu dans la nature humaine de ces individus qui parviennent au “pouvoir” ou obtiennent un certain “pouvoir” : mettre les mains et se servir dans le pot de confiture. On le voit malheureusement quelles que soient les convictions et les idéologies des uns et des autres.

    Une solution serait des contrôles (indépendants évidemment) fréquents et adaptés sur les activités de ces gens de “pouvoir”…contrôles qui, on s’en aperçoit toujours après, sont largement insuffisants…. Comme ces contrôles ne peuvent qu’être décidés, en accord avec tous les dirigeants concernés d’une entité (CE, assoc. ou syndicat) on s’aperçoit que la volonté d’être…(sobre ?)… et honnête n’est pas une préoccupation essentielle.

    Alors mon petit esprit primaire se pose une question : le feraient-ils exprès de ne pas installer ces outils essentiels ?

    Je ne crois pas trop au micro-climat ce genre de dérapage lamentable est largement partagé sur tout le territoire….

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  8. Alceste. Alceste.

    Sûrement , mais ici nous les accumulons quand même entre tous.

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  9. Trésorier Trésorier

    L’exigence de probité est très faible dans la population, les élus et les électeurs. Nous en payons le prix tous les jours. A tous les niveaux.

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