L'avenir toujours aléatoire de la Friche La Belle de Mai

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le 20 Fév 2014
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L'avenir toujours aléatoire de la Friche La Belle de Mai
L'avenir toujours aléatoire de la Friche La Belle de Mai

L'avenir toujours aléatoire de la Friche La Belle de Mai

La Friche Belle de Mai a pris l'habitude de recevoir du monde. On croise des jeunes aux mèches folles, skate sous le bras, des touristes en quête du Panorama sur le toit terrasse et des écoliers en visite pédagogique. Le soleil brille, l'année capitale réchauffe encore de ses feux douillets les frichistes, comme on nomme les habitants du lieu. Le lieu a été l'un des cœurs battant de l'évènement, "deux bottins par mois" d'articles de presse viennent certifier du nouveau statut. Avec 500 000 visiteurs dont 100 000 flâneurs, la Friche a réussi sa capitale. L'année 2014, incertaine et électorale, pourrait balayer cet enthousiasme d'un vent mauvais.

Dans sa conférence de rentrée, le directeur de la société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) qui gère le lieu, Alain Arnaudet, a une formule pour définir ce tournant : "2014 est une année particulière après une année exceptionnelle". La formule sent bon l'euphémisme. L'adjoint à la culture est dans la salle et la Friche retient son souffle en attendant de savoir quel sera le verdict des urnes et le sens de la politique culturelle à venir. L'avenir reste aléatoire.

Le mot est choisi à dessein : le cabaret du même nom vit en vrai la fable de la cigale et de la fourmi, plutôt côté insecte volant. La salle est fermée sauf programmation extérieure comme le Reevox du GMEM accueilli début février. Pour des concerts maison, portés par l'association Autocab, il faudra attendre en septembre prochain. La faute à un méchant déficit creusé les années précédentes et accentué en 2013. "Nous avons produit 170 évènements durant l'année capitale, avec le gros morceau de This is not music, explique Pierre-Alain Etchegaray, le patron de la salle de musiques actuelles. Du coup, en ce début d'année, on lève le pied pour plusieurs raisons. Il y a l'essoufflement de l'après-capitale, la dernière phase de travaux prévus de longue date. Effectivement, on va vivre une période de fermeture assez longue"

"pas totalement excédentaire"

Dans cette traversée du désert, il y aura çà et là quelques oasis de musique. La Friche veut prolonger l'élan de la capitale culturelle en faisant de This is not music une biennale qui aurait une première moûture en forme de teaser cette été. "Il est aussi question de l'animation musicale du toit-terrasse de la Friche que nous avions pris en charge avec Radio Grenouille un peu au débotté, cet été". Mais, au-delà de ces projets rapidement brossés, l'avenir est incertain. Comme Pierre-Alain Etchegaray sait aussi manier l'euphémisme, "la nécessité de trouver un modèle économique cohérent", et l'antiphrase pour parler de la situation financière : "Nous ne serons pas totalement excédentaire". Il refuse de donner une fourchette ou un montant pour le trou creusé. L'année 2013 n'est pas seule en cause. Les difficultés financières du monde culturel est encore plus sensible en période de vaches maigres budgétaire. A la Friche, le Cabaret n'est pas seul à devoir serrer la ceinture. Et tout le monde attend avec impatience le début du printemps.

Seul face à la presse, le patron de la Friche se veut rassurant dans la présentation de ces projets pour "cette année particulière". "Nous avons un dialogue positif avec les institutions même si nous attendons que les urnes parlent", formule-t-il. L'homme détaille tous les projets inscrits à son schéma directeur pour les cinq ans à venir. Cela ressemble fort à la liste des courses en début de mois : l'accessibilité complète du site (500 000 euros), la viabilisation environnementale du site (1,5 million), la fin de l'aménagement de la Cartonnerie (775 000 euros), l'intégration du Gyptis en pôle cinéma de la Friche (540 000 euros). "Cela fait 10 millions d'euros sur 5 ans. C'est beaucoup et peu à la fois, reprend Arnaudet sans détailler ce que recouvre cette somme. Si les collectivités souhaitent que la Friche continue d'être un élément majeur, il faut pouvoir financer au quotidien ses espaces de travail et réaliser des travaux pour les rendre accessibles au public". Carte maîtresse, il sert en exemple, le 104, lieu culturel parisien : "Ils ont un budget de 10 millions d'euros annuels dont 8 de subventions".

Le 104-Paris, l'anti-modèle

Justement, c'est le même exemple dont ses détracteurs se servent pour critiquer la gestion d'Alain Arnaudet. Le 104 est un établissement public directement lié à la Ville de Paris qui a glissé son nom derrière le chiffre. Le directeur y est nommé. Loin du joyeux foutoir de la Friche, période Philippe Foulquier, le fondateur du lieu. Son remplaçant est tantôt loué pour ses qualités de gestionnaire qui a su réaliser les travaux et accrocher la Friche à 2013. Ailleurs, on lui reproche d'empiler les boîtes vides sans projet.

Pourtant Alain Arnaudet défend bien un projet appuyé sur trois pôles : musique avec l'arrivée du GMEM dans de nouveaux locaux, l'art visuel avec le Cartel, le Zinc, notamment autour de la salle Panorama et le pôle Arts de la scène que la metteuse en scène Catherine Marnas aurait dû piloter avant qu'elle accepte de partir à Bordeaux prendre la tête d'un centre dramatique national. Coopérant de la Friche, le fondateur de la compagnie L'Entreprise, François Cervantès ne décolère pas. "Pour l'heure, la vérité est qu'ils construisent une salle sans projet. Le départ annoncé de Marnas n'empêchait pas de réfléchir. Ce pôle théâtre est un slogan"

"Un bébé dégénéré"

Il ne croit plus au troisième lieu qu'aurait pu incarner la Friche aux côtés des scènes nationales et centres dramatiques, "au lieu de cela, on a un bébé dégénéré". Il dénonce des conditions d'accueil "indignes" où les compagnies sont payées "à la recette". "Il n'y a pas pire message alors que le statut d'intermittent est une nouvelle fois menacé", assure-t-il. D'autres frichistes assurent que ces propos sont à lire à l'aune de l'amertume du metteur en scène. Ils l'attribuent à son dépit d'avoir vu le Garage où l'entreprise a installé "sa permanence" mal soutenue par la Friche elle-même. Cervantès ne nie pas le point d'accroche mais souhaiterait un directeur plus philosophe : "Les bons gestionnaires, ça se trouve"

"Moi je trouve le projet moins dangereux et plus clair qu'auparavant, analyse un frichiste historique prudemment protégé derrière l'anonymat. Il y a toujours un risque que cela devienne le 104 mais le vrai problème est le financement. Nous sommes dans une période de grande fragilité mais si les travaux ne se font pas, la Friche restera la Friche. Il y a moins de risques de disparation". Ces tensions perceptibles expliquent en partie l'exercice solitaire d'Arnaudet face à la presse dans la Cartonnerie. Il y disait : "Diriger la Friche, cela ne va pas sans friction, opposition et coups de gueule. Ce n'est pas un lieu de consensus mais de rassemblement". Tous dans le même bateau avec le même projet ?

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Commentaires

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  1. Benjamin Benjamin

    « On croise des jeunes aux mèches folles, skate sous le bras, des touristes en quête du Panorama sur le toit terrasse et des écoliers en visite pédagogique. » Par contre, toujours aucun habitant du quartier et aucun effort de la Friche pour s’adresser à eux…

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  2. alex alex

    A quand des commerces de proximité et des transports en commun dignes de ce nom dans le secteur ??

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  3. Anonyme Anonyme

    remplacer des espaces associatifs par des boutiques, c’est fait, remodeler un espace agréable par son authenticité en bloc de béton informe, c’est fait, bientôt le tour des lieux publics sera fait et vidé de leur essence, les associations qui les font vivre… merci pour cette belle m….
    mais les choix merdiques se paient toujours..

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  4. Dim Dim

    D’accord avec Benjamin, les enfants du quartiers méconnaissent ce lieu. Que dire du service de sécurité..?

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  5. Anonyme Anonyme

    Tout a fait d’accord avec Benjamin : ce lieu n’est pas fréquenté par les habitants du quartier ni du 3ème en général.

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  6. GM GM

    Le plus gros problème c’est que c’est inaccessible par transport en commun , particulièrement pour rentrer le soir , à la fin d’un spectacle ; c’est donc réservé aux “motorisés”

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  7. zaqsa2000 zaqsa2000

    Il faut “sauver” la FRICHE de la BELLE DE MAI !!!!!! Ce n’est pas uniquement réservé aux bobos(!) il faut l’ouvrir encore plus l’ouvrir à la population du quartier qui manque cruellement de lieux culturels…

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  8. Roro Roro

    Il y a un peu plus de 10 ans, la friche avait un côté authentique et underground où les différents courants artistiques et musicaux, alternatifs ou pas se côtoyaient . Aujourd’hui, à force de rénovation et de modernisation, le lieu a perdu de son charme et de son authenticité, rendant le lieu aseptisé et principalement tourné vers une culture formatée “bobo”.
    A l’époque, le “cabaret” accueillait à la fois des concerts de rock, de Hip Hop locaux, on y croisait punk à chiens et rockeurs chevelus, la fête de la Musique y était célébrée et partagée avec les gens du quartier. Bon je ne critique pas les aménagements qui ont été faits, le toit terrasse est splendide de même que le nouveau théâtre mais un peu plus d’authenticité et de spontanéité ferait du bien. Concernant le cabaret aléatoire, il faut que les collectivités se mobilisent pour sauver cette structure qui au final ne demande pas plus pour respirer une année que la moitié de la somme qui avait été allouée par la ville pour le concert de David Guetta à Borely pour une soirée.

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  9. Last exit to Gaudin Last exit to Gaudin

    Incroyable ces commentaires qui tout en fustigeant les bobos (un peu facile, tout le monde le fait sans vraimnent savoir quoi leur reprocher au juste), prônent sans sourciller l’appartheid social. Les habitants du quartier sont susceptibles de venir à la Friche, au même titre que l’ensemble des Marseillais. Ni plus ni moins.

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  10. Anonyme Anonyme

    Assez des discours démago sur la Belle de Mai : j’habite le 3ème depuis 45 ans et force est de constater la mise à sac en règle de ce quartier .Ce quartier toujours modeste, mais vivant, est devenu un “grand n’importe quoi “sale,en ruine, paupérisé, où règne l’insécurité et la violence comme dans une grande partie de cet arrondissement oublié des dieux …et des subventions.
    Friche, caserne Bugeaud ou autre commençons à rendre leur dignité et le goût de vivre décemment aux habitants de la Belle de Mai, avec des écoles, réouverture des services médicaux fermés des salles de sport et des espaces culturels au sein desquels ils pourront décider eux mêmes de leurs programmes .
    Pour remplacer le commerce illicite et la “débrouille” par la culture il y a un long chemin à parcourir…et ce ne sera pas sans eux.
    Quant à faire à pied le trajet St Charles- la friche en pleine nuit aujourd’hui il vaut mieux ne pas être une femme seule ,et au moins ceinture noire karaté ou judo pour un homme…
    Tout simplement peut être une navette vers la gare aux heure de début et sortie des spectacles ?

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  11. jdeharme jdeharme

    tous les commentaires censurés. pas grave la dictature se met en place lentement mais surement

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