L’avenir de Rocher Mistral balloté entre déboires judiciaires et soutien du préfet

Décryptage
le 22 Mai 2024
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Alors que le parc à thème implanté à La Barben démarre sa quatrième saison, il continue d'occuper la justice. Le Conseil d'État vient de statuer par deux fois sur la question de l'accès à son parking, tandis que le préfet a déféré ce même dossier devant le tribunal administratif, qui l'audiencera le 3 juin.

La château de La Barben où est installé le parc à thème Rocher Mistral. Photo : PID
La château de La Barben où est installé le parc à thème Rocher Mistral. Photo : PID

La château de La Barben où est installé le parc à thème Rocher Mistral. Photo : PID

Nouvelles séquences judiciaires et nouvelles incertitudes pour l’avenir de Rocher Mistral, ce parc à thème installé au château de La Barben. Depuis 2021, il soulève les fourches de riverains et d’écologistes pour ses aménagements réalisés sans les autorisations afférentes en termes d’urbanisme, d’environnement et de patrimoine. Ses détracteurs lui reprochent aussi des désordres sonores et de circulation automobile dans cette commune rurale de 800 âmes.

Alors que ses premiers aménagements extérieurs ne sont toujours pas régularisés – une guinguette avec des stands de produits provençaux, plusieurs scènes et la billetterie – Rocher Mistral veut s’étendre sur près de cinq hectares. Son créateur, Vianney d’Alançon, souhaite ajouter un nouvel espace de spectacles, un “village provençal” de produits locaux, ainsi qu’un parking. En décembre 2023, le projet a fait l’objet de trois arrêtés municipaux, dits “de sursis à statuer”, suspendant les demandes de permis d’aménager pour deux ans. Des actes administratifs que la direction du parc a contesté en justice.

Le projet d’extension toujours suspendu

Dans une décision rendue ce 17 mai, le Conseil d’état a écarté le caractère d’urgence de la procédure introduite par Rocher Mistral, confirmant la décision du tribunal administratif de Marseille prise à la mi-janvier. Les arrêtés pris par le maire, “afin d’éviter que le projet […] ne compromette ou ne rende plus onéreuse l’exécution d’un futur plan local d’urbanisme en cours d’élaboration”, ne constituent pas une atteinte à la viabilité économique du parc, analyse le Conseil d’état. Contactée, la direction de Rocher Mistral ne souhaite pas faire de commentaire tant que toutes les procédures judiciaires ne sont pas terminées. Cette dernière doit encore être jugée sur le fond.

Autour du parc, qui entame sa quatrième saison, les procédures font florès. Le 13 février 2024, le tribunal d’Aix-en-Provence a condamné en correctionnelle la société et son promoteur à la remise en état des espaces extérieurs, aménagés sans autorisations. Suspendue par sa mise en appel, la peine est assortie d’amendes avec sursis de 70 000 euros à l’encontre de la société et de 20 000 euros à l’encontre de Vianney d’Alançon.

Parmi les aménagements concernés par cette condamnation en première instance, un parking sur un terrain classé agricole fait l’objet d’une autre bataille devant les juridictions administratives. Notamment à l’initiative du préfet de région, dont l’intervention vient en appui du parc à thème. Le représentant de l’État a en effet transmis le 7 mai dernier au tribunal administratif un déféré préfectoral, dans lequel il demande l’abrogation d’un arrêté municipal de juillet 2023 interdisant la circulation motorisée sur le chemin d’accès au parking.

Le chemin de La Baou sépare le parking de Rocher Mistral à l’ouest et le parking du zoo de La Barben à l’est. (Crédit : Google Maps)

Reliant la route de Saint-Cannat à la petite départementale qui dessert le zoo et le château de La Barben, ce chemin de La Baou fait l’objet d’une interdiction semblable depuis 2011. Mais Rocher Mistral espérait utiliser la voie comme un accès pérenne entre son parking et l’entrée du parc. Son asphalte est parti par morceaux à plusieurs endroits. Pour le maire, Franck Santos, le fermer aux véhicules permet “d’assurer la sécurité” des piétons empruntant cette voie communale étroite au manque de visibilité.

“Détournement de pouvoir” du maire selon le préfet

Dans son déféré, le préfet renvoie la responsabilité sur la mairie :“l’entretien incombe à la commune”. Il considère par ailleurs qu’il y a un potentiel “détournement de pouvoir et de procédure” de la part de l’élu. Ainsi, “la multiplication des interdictions et arrêtés adoptés par le maire de La Barben […] constitue un faisceau d’indices concordants permettant d’établir une présomption sérieuse en vertu de laquelle [il] recherche à limiter la fréquentation de Rocher Mistral”, détaille l’écrit préfectoral. “L’impossibilité d’accéder au parking porte une atteinte manifeste à l’activité de service de la société Rocher Mistral, ainsi qu’à la liberté de circulation, qui n’est pas justifiée par un motif d’intérêt général”, conclut-il. Contactée, la préfecture n’a pas souhaité commenter davantage. “S’agissant d’une procédure en cours”, elle ne souhaite pas “communiquer sur le fond de ce recours”, nous indique-t-on.

Son intervention provoque en tout cas l’ire de l’association départementale France nature environnement (FNE 13), partie civile constituée dans le volet pénal, rappelant que les propres services de l’État ont émis des avis défavorables aux aménagements extérieurs du parc. “C’est donc en contradiction totale avec une décision de justice et avec la position des services de l’État que le préfet vole au secours du Rocher Mistral”, exprime-t-elle dans un communiqué.

Rencontré récemment à La Barben, Franck Santos parait serein. “Le préfet considère que l’arrêté est entaché d’irrégularités. La justice tranchera. Moi, j’écoute la justice”, commente-t-il. Au sujet l’aménagement du parking lui-même, il indique par ailleurs que “la demande a fait l’objet d’un rejet tacite en l’absence de pièces complémentaires, dont une étude d’impact, demandées à Rocher Mistral et qui n’ont pas été fournies”.

Le Conseil d’État s’en mêle

Toujours à propos du chemin de La Baou, le Conseil d’État a rendu aussi une décision, le 10 mai. Il rejette les arguments de Rocher Mistral visant à faire rouvrir la voie. La société, “a pris la décision, en 2021, d’implanter un parking d’accès à son site sur une parcelle desservie par un chemin communal dont elle ne pouvait ignorer qu’il était, dans son intégralité, interdit à la circulation des véhicules à moteur depuis 2011”, précise l’ordonnance de la plus haute juridiction administrative qui ne manque pas de rappeler la condamnation au pénal pour ce même parking. En revanche, il demande à la municipalité de rendre l’accès à la maison d’une riveraine qui s’était jointe à la procédure, via l’extrémité sud du chemin de La Baou.

Pour l’instant, Rocher Mistral oriente ses visiteurs sur d’autres espaces de parking dans une clairière et une prairie attenantes au château. Les 8 mai, une affluence exceptionnelle au parc et au zoo voisin a rempli le parking controversé du chemin de La Baou, les automobilistes y accédant via celui du zoo. Des embouteillages se sont formés sur la route qui passe devant le château. “Ce jour-là, j’ai tremblé”, témoigne le maire qui se dit préoccupé par un possible accident de la circulation, autant que par l’aléa fort de risques incendie et inondation. “Cela démontre le problème de la configuration des lieux qui n’est pas faite pour recevoir une telle affluence”, martèle-t-il. La saga mouvementée de Rocher Mistral promet de nouveaux développements. Le prochain sera l’examen du déféré du préfet par le tribunal administratif de Marseille, ce lundi 3 juin.

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Commentaires

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  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Mr le Préfet de Région est manifestement en service commandé. Ni lui, ni ses services qui ont rédigé le référé ne peuvent ignorer qu’il ne semble pas avoir vraiment de base solide. Tout cela fait gagner du temps et ne sert qu’à encombrer la justice.

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    • Stéphane Coppey Stéphane Coppey

      Oui, attitude bien pitoyable au plus haut sommet de l’Etat

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    • barbapapa barbapapa

      Le préfet de la République aux ordres d’un fauteur de troubles ? Au service d’intérêts très privés ? Excessivement troublant

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  2. Andre Andre

    Pourquoi donc le Préfet ferme-t-il les yeux sur les irrégularités qui entachent ce parc à thème? Son proprio est-il encore un copain de Macron ou de son épouse?
    En tout cas, je n’irai jamais me perdre dans les embouteillages de leur parking. Ce parc à thème me semble bien ridicule, avec tous les poncifs folkloriques pour touriste gogo.

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  3. MarsKaa MarsKaa

    J’imagine un cocktail, à Cassis ou Aix en Provence, où le prefet de région, la présidente du département, le président de la region, et quelques happy fews, discuteraient en trinquant des ennuis in-su-ppor-tables qui sont faits à ce brave Vianney, entrepreneur bienfaiteur pour la culture provençâle et son rayonnement… planétaire !
    Tout ça par la faute d’un petit maire de campagne et une poignée d’emm… pardon “d’écolos” (guillemets avec les doigts et yeux au ciel) qui veulent vivre à l’âge des cavernes ! Non, vraiment c’est insupportable !

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  4. mrmiolito mrmiolito

    L’ingérence d’un Préfet dans un tel dossier est en effet hautement suspecte…
    Pourquoi faut-il absolument un Puy du Fou provençal ?

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    • MarsKaa MarsKaa

      La question est plutôt pourquoi les hauts responsables locaux, élus ou représentants de La République, acceptent-ils la politique du fait accompli, le non-respect des lois et autres code de l’urbanisme, pourquoi sont-ils prêts à fermer les yeux, pourquoi protègent-ils à tout prix Vianney D’Alençon et son entreprise plutôt que les habitants citoyens du coin et leur maire ?

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