L’autorité environnementale tacle le projet de zone logistique du port de Marseille-Fos

Actualité
le 5 Août 2024
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L'autorité environnementale, organisme d'État, vient de publier un rapport qui épingle le projet de plateforme logistique du Grand port maritime. Ce futur espace, dédié au stockage, au nettoyage et à la réparation de conteneurs doit s'étendre sur plusieurs hectares qui présentent un intérêt écologique.

L’autorité environnementale tacle le projet de zone logistique du port de Marseille-Fos
L’autorité environnementale tacle le projet de zone logistique du port de Marseille-Fos

L’autorité environnementale tacle le projet de zone logistique du port de Marseille-Fos

Plus de 27 hectares à cheval entre les communes de Port-Saint-Louis-du-Rhône et Fos-sur-Mer. Le Grand Port maritime de Marseille nourrit là, pour son développement économique, le projet d’une “zone de services portuaires”, sorte de plateforme logistique, qui devra coller avec les besoins pharamineux des trafics qu’il draine. Plus particulièrement, avec l’activité liée aux conteneurs qui nécessite des espaces permettant de stocker, réparer, nettoyer les conteneurs vides… Pour cela, le port prévoit, entre autres, la construction d’un bassin de décantation mais aussi de liaisons de desserte, y compris ferroviaires. 700 000 mètres cubes de remblais seront également nécessaires pour surélever cette plateforme logistique, qui viendra s’ajouter à celle déjà existante. Elles seront d’ailleurs toutes deux mitoyennes. Coût total du chantier : 36,6 million d’euros.

Mais les contours de ce projet sont loin de faire l’unanimité, notamment en ce qui concerne ses effets possibles sur l’environnement. C’est ce qui inquiète l’institution étatique chargée d’étudier ces dossiers, l’autorité environnementale, qui vient de rendre un rapport. Il n’augure rien de bon ni pour le port, ni pour la biodiversité qui se trouve sur son foncier. Plusieurs zones d’intérêt écologique se trouvent sur ce site, dont une zone Natura 2000.

Une Etude d’impact lacunaire

L’autorité environnementale, pointe plusieurs lacunes dans le projet du Grand port de Marseille. Les rédacteurs du rapport que Marsactu a épluché, trouvent de manière générale que l’étude d’impact, étape obligatoire à tout projet qui s’inscrit dans un milieu naturel, manque de rigueur ou ne répond pas aux attentes des règles de protection de l’environnement en vigueur.

Ils notent notamment l’absence de “scénario de référence”, qui permettrait de comparer le projet avec l’évolution probable du milieu sans lui. Cela “fragilise les évaluations présentées”, jugent-ils encore tandis que le port justifie cette absence de manière très étonnante. Pour le GPMM, “l’évolution possible du terrain avec ou sans réalisation du projet demeure identique”, puisque ce terrain est de toute façon voué à une “activité industrialo-portuaire”.

Mesures compensatoires insuffisantes

Aussi, s’ils ne trouvent rien à redire sur le “diagnostic des milieux”, sorte d’état des lieux préalable, les rapporteurs tiquent sur l’insuffisance des “mesures compensatoires”. Ces dernières ont pourtant toutes leur importance puisqu’elles ont pour objectif d’éviter au maximum les impacts sur le milieu, et quand cela n’est pas possible, prévoient des réparations (plus ou moins liées avec les dégâts selon les possibilités). Par exemple, l’étude d’impact précise l’ambition de capture d’amphibiens et reptiles pendant la phase de travaux pour les relâcher ensuite, mais sans préciser où. Pourtant, des impacts significatifs sur la faune et la flore sont prévus dans ce projet.

Les rapporteurs estiment par ailleurs qu’une compensation pour le Pélobate cultripède, ou crapaud à couteau est nécessaire, ainsi qu’une compensation d’habitats pour d’autres espèces, comme les oiseaux. Et plus globalement, que le Grand port de Marseille-Fos devra “compléter l’étude d’impact par la démonstration, si besoin en prévoyant des mesures complémentaires, que le projet ne porte pas atteinte à la biodiversité, et pour chaque espèce protégée, qu’une dérogation à leur régime de protection ne dégrade pas leur état de conservation”.

Risque d’inondation par submersion

L’autorité environnementale pointe également le fait que la zone sera louée à des entreprises qui devront se charger du revêtement, de la collecte et du traitement des eaux pluviales, de l’aménagement des réseaux internes ainsi que de mettre en place un assainissement autonome. Or, “les travaux qui seront réalisés par les entreprises preneuses de parcelles font partie intégrante du projet, et leurs incidences devront donc être intégrées dans l’étude d’impact. Ce n’est pas le cas à ce stade du dossier, le GPMM ne connaissant pas encore les activités spécifiques qui pourraient y être installées, écrit l’autorité. Si celles-ci sont susceptibles d’autres incidences sur l’environnement que celles décrites dans l’étude d’impact, elle devra être mise à jour.”

Il est un autre point qui inquiète l’institution : la question de la gestion des eaux. “Le seul risque [naturel] touchant le site de manière significative est le risque d’inondation, par débordement du Rhône ou par submersion marine”, détaillent les rapporteurs. Or, si l’étude d’impact précise les aléas sur la partie de la zone qui dépend de Port-Saint-Louis, ce n’est pas le cas pour la partie sur Fos, alors que, rappelle l’autorité “le risque de submersion marine y est a priori comparable”. De plus, le port ne prend pas en compte l’hypothèse “d’une hausse plus importante du niveau de la mer à horizon moyen ou long terme, possible, voire probable, au vu de certaines projections climatiques récentes”.

Pollutions accidentelles

L’eau présente sur place constitue aussi un enjeu environnemental important. Dans un rayon proche, fait remarquer l’autorité environnementale, on trouve “un ensemble de plans d’eau, étangs, marais salants etc., et le golfe de Fos”. Mais “l’état de la qualité des eaux est peu documenté dans l’étude d’impact”. Bien que cela soit mieux documenté dans un autre document, la demande d’autorisation environnementale, fourni par le port, ce dernier dossier ne donne pas d’indication sur la qualité de la nappe présente sous le site. Ainsi, le rapport recommande “de fixer les niveaux de qualité exigés pour les rejets après traitement des effluents du lavage des conteneurs, de documenter les incidences de ce lavage et d’évaluer les incidences de cette activité avec des rejets.” Ou encore de “préciser les risques de pollutions accidentelles et d’envisager la possibilité de traitements plus performants des eaux de voirie”. Bref, le port a encore du pain sur la planche.

Autre point noir de ce projet sur le plan environnemental : il impactera fortement des zones humides. En effet, les remblais nécessaire à la plateforme vont détruire 33,4 hectares de ce type de milieu et enlèveront un hectare au lit du Rhône. Si un site de compensation est prévu au nord du projet, il ne permettra pas de recréer une zone humide, et l’autorité recommande de renforcer l’étude et la quantité de cette compensation.

Enfin, il est d’autres êtres vivants que le projet du port risque d’importuner. Ceux-ci marchent sur deux pattes. En effet, l’autorité environnementale consacre un volet de son rapport aux nuisances engendrée par cette plateforme sur le cadre de vie des riverains. Outre l’augmentation du trafic routier, se pose la question de la pollution atmosphérique dans un secteur déjà fortement touché par cette problématique. Là encore, le port devra revoir sa copie. Ce qu’il promet de faire. “Suite à l’avis formulé par l’autorité environnementale, nous allons rédiger ce que l’on appelle un mémoire en réponse, conformément à ce que prévoit le code de l’environnement, répondent à Marsactu les services du port industriel. Dans ce mémoire en réponse, nous reprendrons point par point les recommandations de l’autorité environnementale pour améliorer le projet et la qualité du dossier.”  Le tout en amont de l’enquête publique, qui devra avoir lieu avant que les autorisations ne soient délivrées au Grand port de Marseille-Fos.

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Commentaires

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  1. Pascal L Pascal L

    ” l’activité liée aux conteneurs qui nécessite des espaces permettant de stocker, réparer, nettoyer les conteneurs vides… ”

    Et actuellement, c’est fait à quel endroit ? On ne sait pas mais il semble que ce soit un peu à Mourepianne, un endroit où il y a beaucoup, beaucoup “d’êtres vivants sur deux pattes” à proximité.

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    • Marc13016 Marc13016

      +1
      Il est vrai qu’ à Mourepiane, il y a sûrement moins de crapauds à couteau et de Pélobate cultripède …
      Trêve d’ironie, installer ces zones d’activité industrielle loin des concentrations de population marseillaises, ça paraît de bon sens. Même si ce n’est pas une raison pour massacrer des zones qui ont déjà bien souffert et menacer encore plus les populations de Port St Louis et Fos. L’autorité environnementale exerce son rôle de vigilance, tant mieux.
      N’oublions pas de penser global quand même, pour ensuite agir local. (proprement bien sûr).

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  2. RML RML

    L’absurdité de tout ça, c’est de ne pas envisager la montée des eaux! Sérieusement ? Mais ils vivent dans quel monde, ces gens? A moins que les autorités du Port soient dirigées par une bande de climato sceptiques ou de cynique purs?

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    • petitvelo petitvelo

      Elle a été envisagée mais en mode optimiste, comme en général les retombées économiques, les besoins en centrales nucléaires, en avions, …

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    • julijo julijo

      Ah ça ! L’absurdité ils connaissent….
      Et oui cyniques. Absolument. La protection de la nature c’est passionnant quand ça ne concerne pas leurs activités industrielles. Là ça devient rapidement de ” l’écologie punitive” !

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  3. Oreo Oreo

    Si on fait un rapprochementl avec votre podcast sur une soi disant dé-bétonisatoin de la Crau, avec de gentils scintifiques aux ordres du GPM qui travaillent sur… 300m2, on voit que c’est vraiment du foutage de gueule.

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