L’administrateur judiciaire du parc Corot s’explique : “Je ne peux rien faire sans fonds”
Certains propriétaires du parc Corot lient les récents dysfonctionnements de cette copropriété fortement dégradée à la nomination d'un administrateur judiciaire. Pour la première fois, Vincent Gillibert s'explique sur sa mission et revient sur les freins qu'il rencontre.
La façade du bâtiment A du parc Corot.
Depuis janvier, les 650 logements du parc Corot (13e) sont gérés par un administrateur judiciaire, Vincent Gillibert. Par décision de justice et en lien avec le tribunal à qui il rend régulièrement des comptes, il assume désormais le rôle des syndics professionnels, des conseils syndicaux à la fois pour la copropriété générale et pour la majeure partie des bâtiments, dont les A et C très dégradés. Pour Marsactu, il répond point par point aux interrogations et inquiétudes des salariés et copropriétaires du parc. Il dresse un tableau sévère de l’état de la copropriété.
Quelle situation avez-vous découvert en prenant en charge l’administration du parc Corot ?
J’ai été nommé le 13 janvier dernier, pour prendre l’administration provisoire du syndicat général et des particuliers des bâtiments du parc Corot, à l’exception du bâtiment D, le seul qui fonctionne normalement. J’ai découvert une situation de gestion calamiteuse, sans aucun fonds. Il y avait en particulier des impayés de salaires pour les deux personnes employées par le syndicat général qui ne sont plus payées depuis novembre. Or, je ne peux pas payer si je n’ai pas d’argent. J’ai donc dû procéder à un appel de fonds auprès de l’ensemble des copropriétaires. Moins de 30% d’entre eux y ont répondu positivement. Dès que j’ai eu une somme suffisante, j’ai versé à ces deux salariés 4500 euros correspondant aux arriérés de salaire. Mais il faut bien avoir en tête qu’en prenant mes fonctions, je n’avais rien : ni relevés de compte, ni procès-verbaux de décision en assemblée générale, rien. Il a fallu que j’aille au contentieux et que j’assigne les syndics Cogefim Fouque, Léandri pour obtenir ces archives. Elles sont arrivées sur papier, non triées, non classées et très volumineuses. Pour nous, les salariés sont toujours une priorité, avant les fournisseurs. Mais, dans les copropriétés, il n’existe pas de fonds de garantie des salaires comme pour un employeur classique. Je ne peux donc verser ce que je dois que quand j’ai de la trésorerie, donc une réponse positive à mes appels de fonds. Je ne peux rien faire sans cela.
À votre arrivée, la copropriété était-elle couverte par une assurance ?
Certains immeubles n’étaient plus assurés. En particulier, les deux qui présentent la situation la plus critique, le A et le C. Il a donc fallu que je trouve en urgence une assurance qui accepte de les prendre en charge.
Depuis quand et pourquoi n’y avait-il plus d’assurance ?
L’ancien syndic a été prévenu en juin 2016 que l’assurance prenait fin en décembre. Cela est dû au trop grand nombre de sinistres et à des primes impayées. En effet, quand vous avez des sinistres réguliers avec des incendies et des inondations, les primes augmentent ainsi que la franchise au-dessus de laquelle les assurances remboursent. Pour les bâtiments A et C, les primes d’assurances font le double de celles des autres bâtiments.
Ces conditions d’assurance persistent aujourd’hui ?
Effectivement, du fait des sinistres à répétition, nous avons des conditions d’assurance qui ne sont pas bonnes mais nous n’avons pas le choix.
Dans quel état était la copropriété Corot à votre arrivée ?
L’état de délabrement du parc Corot est bien antérieur à mon arrivée. Vous trouvez sur internet des reportages de 2008 qui montrent bien que la situation n’a guère changé. En ce qui concerne les parties communes, il est vrai que des entreprises viennent y faire des dépôts illicites de gravats. En revanche, les déchets ménagers qui y sont déposés sont le fait de locataires ou de copropriétaires du parc. Je ne peux pas faire venir tous les deux jours une entreprise pour nettoyer des encombrants déposés par les habitants. Cela relève de la solidarité d’une copropriété : les bons payeurs paient pour les mauvais. Il en va de même pour le civisme. Si les pouvoirs d’un administrateur sont importants, la limite est la trésorerie.
Les bâtiments A et C sont-ils en déficit. Certains écrits dont nous avons pu avoir connaissance font état d’un trou de 500 000 euros dans les comptes de la copropriété du bâtiment C ?
Par définition, une copropriété ne peut avoir de comptes en déficit. En revanche, les dépenses non engagées ou les travaux non payés apparaîtront dans les comptes en fin d’année. D’autre part, la copropriété peut être débitrice vis-à-vis d’une entreprise dont elle n’a pas payé les travaux. Elle peut aussi avoir fait des appels de charge sans avoir fait les travaux pour lesquelles les fonds étaient appelés. C’est d’ailleurs une des grandes incompréhensions dans les copropriétés : certains propriétaires paient de bonne foi et ne comprennent pas quand les travaux ne sont pas faits. Souvent l’argent arrive sur le compte du syndic et sert à payer les dépenses courantes ou d’autres travaux que ceux prévus.
À notre connaissance, les bâtiments A et C présentent des réseaux électriques et d’adduction d’eau hors normes. Cela fait partie des problèmes urgents ?
Cela pose problème. Mais il faut pouvoir avoir une vision claire de la situation pour ne pas faire un appel de fonds fantaisiste. Pour l’heure, la première priorité est d’arriver à avoir un appel de fonds au-delà des 30% qu’on obtient aujourd’hui. Sur cette base, je n’ai pu faire face qu’aux problèmes de salaires impayés, d’assurances et de travaux d’urgence. Il faut ajouter à cela le formalisme de la gestion d’une copropriété qui fait que toute décision doit être notifiée aux 360 copropriétaires en lettre recommandée avec accusé de réception. Si vous comptez 5 euros par envoi, cela fait vite cher.
Certains propriétaires disent que les squats se multiplient depuis janvier. Est-ce le cas ?
Nous sommes dans un état de droit. S’il y a des occupants sans droit, ni titre, ils doivent être signalés dans les 48 heures. Et cela incombe aux propriétaires. Le font-ils ? Il y a sur le parc Corot des marchands de sommeil qui tirent un bénéfice financier de la présence de ces locataires.
Le 17 juillet, une réunion est prévue avec les copropriétaires. Qu’en attendez-vous ?
Je vais réexpliquer ce que j’ai déjà dit par mail et par téléphone. Contrairement à ce que prétendent les propriétaires, je suis joignable. Mais si les conditions du dialogue consiste à occuper par la force nos locaux, alors je dis qu’elles sont inacceptables. Le parc Corot est dans une situation très compliquée. Beaucoup de personnes œuvrent à son redressement, l’État, par l’intermédiaire du préfet, la Ville, par celui d’Arlette Fructus, l’adjointe au logement. Un plan de sauvegarde a été mis sur pieds. Mais les solutions ne peuvent pas venir des seuls pouvoirs publics. La situation du bâtiment D, le seul à être dans un état normal, indique bien qu’une gestion saine est possible. Les copropriétaires ont éjecté le syndic indélicat dès 1998.
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