La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires

Actualité
le 15 Mar 2017
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Après avoir mis fin aux formations pour jeunes sous main de justice, la région stoppe la totalité des programmes ETAPS. Ces modules visaient à accéder aux savoirs de base - lire, écrire, penser un projet professionnel - pour des populations très en difficulté de plus de 16 ans. La région poursuit ainsi son tri entre les formations qui mènent à un emploi et les autres.

La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires
La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires

La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires

À la fin 2016, quatorze associations apprenaient avec stupeur la fin quasi immédiate d’un dispositif régional particulier : les ETAPS-Justice. Une formation à destination des jeunes sous main de justice, visant à les rapprocher de la vie professionnelle, à travers des enseignements pratiques et théoriques et donnant lieu à une rétribution en tant que stagiaires. Ce sont cette fois-ci les ETAPS (espace territoriaux d’accès aux premiers savoirs) “classiques”, sans lien avec le ministère de la Justice, qui ne seront pas renouvelés à la rentrée de septembre. Soit un dispositif bien plus important, concernant 7000 personnes dans la région d’après l’union régionale des organismes de formation, l’UROF.

Concrètement, le parcours d’un stagiaire s’articulait en plusieurs modules de deux mois, renouvelables jusqu’à 10 mois, avec des thématiques de bases et généralistes comme “communication en français”, “citoyenneté et solidarité”, ou encore “prévention, santé, développement durable”. Parmi les bénéficiaires, des précaires de tous les âges, jeunes sans diplôme ou adultes en emploi précaire, chômeurs, illettrés… En juillet dernier, Marsactu s’intéressait notamment au cas de jeunes roms qui avaient trouvé dans les ETAPS un réel espoir d’insertion. “Michel Vauzelle [ex-président PS du conseil régional] avait fait des ETAPS un outil de 2e chance, explique Philippe Cottet de la CGT PACA. Des centaines d’organismes en proposent, principalement dans le milieu associatif, car la démarche relève de leurs valeurs”.

70% de retour à l’emploi sinon rien

Après l’arrêt des ETAPS-Justice, les organismes de formation ne se faisaient guère d’illusion sur la poursuite des ETAPS “classiques”. Il y a quelques semaines ils ont reçu l’information par lettre de la région : cette dernière ne financera plus ces modules de formation. “Une priorité est donnée aux formations permettant un accès direct à l’emploi”, peut-on lire dans cette missive, à en croire la CGT qui a publié un communiqué ce lundi à ce sujet.

Dans la réponse écrite qu’elle a faite à Marsactu, la région se dit “compétente pour la formation et non pour l’insertion”. Or, pour la nouvelle majorité, formation rime avec retour vers l’emploi”. Un objectif à 70 % d’accès à l’emploi est ainsi fixé pour chaque formation financée. “Le seul enjeu pour la Région lorsqu’elle engage plusieurs centaines de milliers d’euros sur l’argent du contribuable, ce sont les résultats”, prône l’équipe de Christian Estrosi (LR). Placer à 70 % le taux d’embauche à la sortie permet de tailler franchement dans l’offre de formations et d’en réduire les dépenses.

Mais cette grille de lecture bute irrémédiablement pour les ETAPS, dont l’objectif premier n’est pas de mener directement à l’emploi mais plutôt de se préparer à accéder à une formation professionnelle. Dorénavant, la région déclare vouloir soutenir “des parcours de formation débouchant vers l’emploi et non pas hors sol comme c’était le cas dans les ETAPS”. La région avance des chiffres pour appuyer son propos et décrire des “taux de sortie positive” qu’elle qualifie de “très médiocres”. Sur le cursus 2015/2016, les stagiaires des ETAPS en sont sortis à 41% “sans solution”, tandis que 19% “poursuivent un cursus de formation”, ainsi que 14% sont “en attente d’un emploi ou d’une formation” et seulement 12% auraient trouvé un emploi. 

“Les Etaps, ce n’est pas de l’action sociale, c’est une action de formation, assure pourtant Rachid Solaimani, directeur d’un établissement de formation continue de la fondation des Apprentis d’auteuil à Marseille. Ce qu’on y apprend, c’est le premier niveau de la qualification : travailler sur le projet professionnel, oui, mais surtout se remettre à niveau, avoir un minimum de compétences linguistiques et aussi en mathématiques, des choses qu’on n’a pas le temps d’assimiler dans les 9 mois – 4 ou 5 mois si on enlève le temps en entreprise – que dure un CAP.”

“Le président de région ne veut plus de formation où l’on apprend à lire et à écrire”

Pour les structures de formations, plus d’une quinzaine rien qu’à Marseille et souvent des associations, la nouvelle peut être fatale. “Pour certains ce sera la fermeture, pour d’autres, c’est tout un pan de leur activité qui va être en souffrance”, dénonce Philippe Génin, président de l’UROF en PACA. À Nice, l’association Arbre, a déjà été liquidée en janvier suite à la fin des ETAPS-Justice, le coup de grâce dans un climat général de baisse des subventions.

Quant aux publics concernés par le dispositif en quête de remise à niveau, la fin des ETAPS risque de laisser un trou béant. “Aujourd’hui, il n’y a pas grand chose pour les publics les plus éloignés de la formation. Il y a en permanence une liste d’attente pour accéder aux ETAPS, constate Philippe Génin. Mais le président de région ne veut plus de formation où l’on apprend à lire et à écrire”. “Tous ces publics vont rester sur la touche, appuie Rachid Solaimani. Dans les quartiers Nord ça va être catastrophique. Je pense que les hommes politiques n’ont pas pris la mesure de cette décision. Comment est-ce qu’ils vont réagir quand ils verront plein de jeunes de retour dans la rue ?” Dans un communiqué, la CGT dénonçait lundi une “politique régionale qui refuse de prendre en compte les besoins des populations et n’a qu’un seul credo : répondre aux besoins des chefs d’entreprise”.

400 heures contre 600 à 700 heures auparavant

Un nouvel appel d’offre pour les organismes de formation a été publié en février dernier. C’est dans ces documents que ces derniers ont pu découvrir les alternatives créées pour remplacer les ETAPS. “Consciente que toutes les personnes n’ont pas les prérequis pour accéder aux formations professionnelles”, la région a expliqué à Marsactu que des parcours de formation modularisables”, verront le jour à la prochaine rentrée scolaire. Il y aura donc des “actions préparatoires”, d’une durée de 400 heures, contre 600 à 700 heures environ pour les ETAPS, et aboutissant à l’obtention du Cléa, un certificat de compétences professionnel reconnu au niveau national. Les stagiaires actuels devraient pouvoir finir leurs parcours avant que l’ancien dispositif ne soit définitivement supprimé.

“Tout ce qui a été commandé dans ce nouvel appel d’offre ne représente même pas 30 % en durée et en budget de ce que représentaient les ETAPS”, déplore Rachid Solaimani. “Ce sont des publics à qui il faut du temps : une personne illettrée, en deux ou trois mois, elle a juste le temps de s’acclimater”, analyse de son côté Philippe Génin, qui estime que le nouveau dispositif ne toucherait plus que 3000 personnes environ, 4000 de moins qu’aujourd’hui.

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Commentaires

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  1. Juliette Juliette

    Triste.

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  2. LN LN

    Les mots me manqueraient presque tant je m’étrangle…
    La Région serait bien inspirée de contrôler plutôt le nombre incalculable d’organismes de formations bidons (je dis bien BIDON) qui obtiennent des agréments, des financements (Région, Pole Emploi) et qui ne forment strictement à rien (rarement du qualifiant au mieux une approche) Elles savent s’engouffrer dans l’opportunité au moment pertinent d’une enveloppe ou d’un projet politique (avec qqs appuis évidemment) Cela permet à certains d’en vivre confortablement au détriment des stagiaires et des formateurs vacataires. L’utilité publique, le sens et la démarche sociale ne sont que des mots couchés sur papier pour justifier l’enveloppe. Mais M. Estrosi l’a décrété : il ne veut plus d’insertion mais de la formation. On voit bien là sa politique. Quelle absurdité…

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  3. Pitxitxi Pitxitxi

    Mais comment avoir “un accès direct à l’emploi” si on ne peut même pas avoir les savoirs de base ? Encore une fois, sous couvert de faire des économies, on les fait toujours payer aux mêmes… M’étonnerait pas qu’avec ces nouvelles coupes, on cherche surtout à obtenir des stats avantageuses sur lesquels on pourra s’appuyer pour sa réélection…

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