La "patate chaude" des Roms tourne toujours

À la une
le 29 Juil 2011
7

C’est un anniversaire dont Médecins du Monde (MdM) se serait bien passé, même s’il fournit à l’association, qui a publié cette semaine un rapport sur les Roms et organisait une conférence de presse ce vendredi, un jalon inévitable. « Il n’est pas question aujourd’hui de commémorer le discours de Grenoble, mais de présenter la réalité marseillaise en cet été 2011″, justifie Philippe Rodier, responsable de mission à MdM. Situation qui est – même si le dossier remonte à plus loin – « bousculée par la politique martelée dans ce discours ».

Une politique dont il s’est attaché à décortiquer l’esprit et les effets :

On résume : « surtout, ne rien faire qui puisse favoriser l’intégration de ces familles ». Intégration qui, si elle était accomplie, réglerait d’elle-même le « problème ». « Par contre, on fait tout pour désintégrer ce qui a pu être construit », via des expulsions et un démantèlement des lieux à un rythme soutenu qualifié « d’acharnement ».

La même, en pire

« Le résultat, c’est le status quo ante, en pire. Plus personne n’a accès à l’eau, à des toilettes, au ramassage des déchets, de moins en moins ont un abri efficace. L’autre conséquence, c’est de rompre tous les efforts d’intégration engagés : processus de scolarisation ,papier, soins… » Abstraction faite de quelques textes un peu datés (comme l’article 25 de la Déclaration universelle des droit de l’homme, adoptée à Paris…), cela pourrait se tenir, si selon lui cette politique n’était pas « un échec et une impasse ».

Ce docteur tient d’ailleurs à pointer qu’« il n’y a pas d’approche de droite et de gauche. Il y a une approche réaliste, et une chimère, qui est de faire croire que l’on peut dissuader par cette politique indigne ». En notant que « le nombre de familles n’a pas varié, les gens sont toujours présent, essayent de survivre et espèrent. »

Mieux vaut être riche et bien portant…

Dans son coeur de métier, l’association constate les dégâts : « rupture des traitements, chronicisation et aggravation des pathologies ordinaires (diabètes…). Malgré toute la bonne volonté de tout le monde, personne ne peut imaginer par exemple un suivi efficace de grossesse ou d’un problème au coeur dans ces conditions. » Car, « dans l’état de maltraitance institutionnelle, les problèmes de santé viennent après tous les autres impératifs de survie ».

Avec un « impact direct sur les indicateurs de santé : mortalité infantile cinq fois supérieure et même neuf fois pour la mortalité néo-natale ». Sans compter les « traumatismes psychologiques répétés, ce qui est une façon élégante de parler de la désespérance des gens dont l’avenir est bouché par le manque de perspective, absence qui s’ajoute à celle connu dans le pays d’origine et qui a motivé leur migration ».

Autre exemple :

Marseille on the lose

Descendu de Paris pour l’occasion, le directeur général de l’ONG Pierre Salignon précise qu’il y a ici « un climat particulier de tension sociale, un rythme d’expulsion répété. On observe ailleurs aussi des éléments comme ceux là, mais il semble au vu de la perception de nos équipes que le lieu où c’est le plus aigu, c’est Marseille. Il ne s’agit pas de stigmatiser la ville, mais tout laisse à croire qu’ici on a un fonctionnement un peu débridé ». Une « tension sociale » qui recoupe un terme bien pudique, car outre les « agressions verbales » incessantes, les militants de terrain évoquent des jets de cocktail Molotov et des attaques au couteau… D’où une demande « solennelle » : un « moratoire sur les expulsions sans solution de relogement et à une réunion avec l’ensemble des acteurs institutionnels pour que cette politique soit repensée ».

Réponse à ce stade de la préfecture : le préfet délégué à l’Egalité des chances est en vacances, même si les services de l’Etat semble avoir, aux dires des militants associatifs, trouvé le temps de venir signifier aux Roms installés Porte d’Aix leur expulsion imminente, sans suite pour l’instant.

A défaut d’une évolution de la politique nationale, la seule vue par des millions de téléspectateurs – comme jeudi au 20 heures de France 2 – de cette misère s’étalant à quelques centaines de mètres du Vieux-Port devrait suffire à faire bouger du côté du quai du Port, où le maire est très soucieux de l’image de Marseille et vante chaque année dans son discours aux nouveaux arrivants la « grande tradition d’accueil ». Pas très on the move tout ça…

Esquive en cinq temps

Contacté, l’adjoint chargé de la lutte contre l’exclusion Michel Bourgat reconnaît tout d’abord que la situation est « une catastrophe, on est d’accord. A partir du moment où des êtres humains vivent dans des conditions sordides, il n’y a même pas besoin d’être médecin… Après, la cause et son traitement c’est plus mon problème. » Mais pour dresser ensuite un premier bouclier : « En tant qu’élu communal, je suis en bout de chaîne. Le problème reste d’abord européen avec une action qui n’a pas été efficace, où ils se sentent obligés de partir parce que les conditions là-bas ne sont pas bonnes. Quant on veut ne pas avoir de migrants, il faut d’abord que les gens se sentent bien dans leur pays de départ, ce qui ne dépend pas de la mairie. Ensuite le problème relève aussi de l’Etat ».

Deuxième bouclier : « le Samu social (géré par la municipalité, ndlr) est en permanence là et distribue de la nourriture ». Les services de la Préfecture devraient être ravis de partager le troisième : « En 2009, nous avions trouvé avec le secrétaire général adjoint de la Préfecture Christophe Reynaud un terrain à la Guillermy (une ancienne gendarmerie dans le 15e, ndlr), 400 000 euros de financement, 15 bungalows et la ville était prête à faire un effort de maintenance, de soutien,
tout était prêt. Et puis pour des raisons qui m’échappent, un peu clientélistes et de peur de la réaction des habitants, tout est tombé à l’eau. On aurait eu une plate-forme, qui aurait été une première et il y aurait pu en avoir deux ou trois dans le reste de la ville, et on n’en serait pas là aujourd’hui ».

Conclusion : « Une fois que je me suis pris cette gifle, que voulez-vous que je fasse ? Je ne suis qu’un adjoint au maire ». Est-ce à dire que la mairie va rester sourde aux appels, qui se multiplient côté associatif mais aussi de la part de maires de secteurs ? « Après, je veux bien recommencer, si les gens sont d’accord pour faire une plate-forme d’accueil, mais à partir du moment où les gens sont de mauvaise foi, on ne peut rien faire », répond l’élu, en rogne contre l’opposition à l’époque d’associations comme MdM et Rencontres Tsiganes, qui critiquaient le choix du site au bord de l’autoroute dans une « cuvette de bruit ».

Donc, la mairie est prête à s’engager dans le projet que porte désormais la Région, aux côtés d’ailleurs d’un collectif associatifs fourni où figurent ces deux dernières ? « On n’a pas été contactés. Mais moi la porte est ouverte. » Un peu léger. Mais aujourd’hui, dans l’urgence humanitaire que connaissent les Roms, ne peut-elle pas ouvrir un gymnase, comme l’y engagent des maires de secteur comme Samia Ghali et Patrick Mennucci (PS) ? Le bouclier a déjà moins belle allure : « Et pourquoi ils n’ouvrent pas leur maison aussi ? C’est facile de dire y’a qu’à. D’abord un gymnase c’est fait pour la gymnastique. »

La « patate chaude »

Restent le conseil régional, dont le représentant à la conférence de presse Pierre Souvet a rappelé « le vote d’une motion puis d’un fond d’urgence pour les associations », l’organisation d’un colloque pour en finir avec les « amalgames » et enfin le travail précité sur un lieu d’accueil. Et le conseil général, concerné au premier chef de par ses compétences, comme l’a rappelé son vice-président Michel Amiel, lui aussi présent :

A l’image de Med in Marseille ou La Marseillaise, qui haussent le ton ces derniers jours, les médias ont soumis les deux élus à un feu nourri sur un traitement de l’urgence humanitaire ici et maintenant. Réaction : dès qu’il s’agit d’un acte fort, et pourquoi pas à la limite de la désobéissance civile, les boucliers se lèvent là aussi : situation européenne, nécessité d’une action conjointe, et le plus prisé que les migrants tunisiens connaissent aussi, le coup de la « patate chaude ». Une discipline pratiquée également par les maires de secteur précités, qui se contentent d‘ »en appeler à ».

D’où ce bilan en demi-teinte dressé par Alain Fourest, fondateur de Rencontres Tsiganes :

« On ne prendra pas de mesures unilatérales », résume pour sa part Michel Amiel. Signe que les militants associatifs non plus ne se contentent pas de promesses de « tables rondes avec tous les partenaires », le maire des Pennes-Mirabeau a été approché en fin de conférence par Philippe Rodier pour « aller un peu plus loin dans la prise en compte de l’urgence ». C’est encore loin le discours de Marseille ?

Actualisation à 21h20 : après avoir décidé de « ne pas donner suite » à notre demande adressée ce matin, le préfet des Bouches-du-Rhône s’est finalement décidé, certainement à cause de cette dépêche AFP, « à apporter les précisions qui suivent » (on vous laisse les découvrir en cliquant ici). En gros tout est légal et fait dans la dignité. Une certaine idée de la loi et la dignité…

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Jean-Paul KOPP Jean-Paul KOPP

    Ce communiqué tardif de la Préfecture me laisse perplexe à bien des égards.
    Sur la première affirmation concernant les opérations d’expulsion : ayant assisté à plusieurs d’entres elles, je confirme. Et d’une manière générale, les forces de police se sont comportées humainement et sans violence envers une population qui de toute façon est plutôt coopérative.
    Par contre, à ma connaissance, aucun « retour » n’a été proposé. Pour la bonne raison qu’il n’y a eu aucun contrôle d’identité. Aucun agent de l’OFFI n’était présent. Alors, dire qu’ils ont été « systématiques »…
    De même, qu’il n’y a eu aucune offre d’hébergement systématique. Pour la bonne raison que le Samu social n’était pas présent lors des expulsions auxquelles j’ai assisté. Sur la Capelette Lazer, c’est sur insistance de MdM qu’une voiture du Samu social est venue plus tard proposer un hébergement d’une nuit à l’UHU de la Madrague Ville pour quelques personnes. Les familles qui venaient d’être jetées à la rue, n’ont en effet pas souhaité être séparées.
    Les seuls hébergements (en nuits d’hôtel) pour les plus fragiles ont été pris en charge par le collectif associatif sur le fonds d’intervention d’urgence de la Région. La préfecture ne s’en est souciée d’aucune façon.
    Le « harcèlement policier » dont il s’agit consiste essentiellement à empêcher toute tentative de nouvelle implantation, en interdiction de dresser des tentes pour s’abriter la nuit ou de la pluie, en intimidations quotidiennes, en menaces d’évacuation répétées (comme encore aujourd’hui) qui n’ont d’autres buts que de pousser les familles à bout et les contraindre à fuir.

    Signaler
  2. Jeanne Jeanne

    Mais où vont les milliards de l’Union Européenne destinés au Roms ? à lire sur internet – très intéressant.

    Signaler
  3. démocratieparticipative démocratieparticipative

    Encore une fois à la lecture de cet article on s’aperçoit encore que l’on se renvoi la balle de part et d’autres.
    Cher monsieur on parle de situation d’urgence alors si Patrick Mennucci propose un gymnase il faut le prendre!!!!!!et l’aménager en conséquence !!!! dire qu’un gymnase est fait pour faire de la gym s’est se foutre du monde quand il y a une catastrophe ou un accident où rassemble-t-on les gens????????
    Un peu de bon sens !!!!!

    Signaler
  4. Tresorier Tresorier

    Il faut arrêter ce cercle infernal qui fait que tous les pauvres, les immigrés, les clandestins, les RMistes se concentrent sur Marseille en raison des solidarités de groupe, du laisser faire des autorités, du renvoi sur la ville par les communes périurbaines et par la politique traditionnellement plus sociale de la commune.

    Ce n’est pas en concentrant les problèmes qu’on les résout.

    Signaler
  5. jb jb

    ou sont les miltants, les petits chefs des partis de gauche, du ps, du pc, tous démissionne, honte et tout ceci par pure ‘tradition electorale’

    et la ligue de droits de l’homme, idem……

    j’oubliais, à vitrolles son représentant est affilé au parti de gauche…..

    Signaler
  6. démocratieparticipative démocratieparticipative

    il y a 70 ans on traitait les italiens de macaronis
    il y 50 ans on traitait les immigrés maghrébins de bougnoules
    Aujourd’hui on traite les rom’s de voleurs de poules
    Dans 20 ans qui traiterons-nous et de quoi????????

    Allez -y ouvrez grande la porte aux nationalistes et extrémistes de tous genres !!!!!!! et après vous viendrez pleurer de votre stupidité et aveuglante méchanceté!!!!!!!!!!

    Le bon sens et l’altruisme ,c’est ce qui nous sauvera!!!!!!!!!

    Signaler
  7. Vieux Patriote Vieux Patriote

    Madame la maire d’Aix a fait récemment (en Avril) voter une importante subvention pour la construction d’un chenil pour la SPA et a mis un terrain communal à sa disposition prés de Cabriés Cherchez l’erreur ?

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire