[La nature au sommet] Comme un lézard au château d’If
Pendant une semaine, 20 000 congressistes du monde entier viennent à Marseille pour échanger sur la biodiversité à l'occasion de l'UICN. Marsactu n'est pas en reste et vous propose une série d'articles sur les enjeux locaux. Au château d'If, l'opération de restauration des remparts s'est heurtée à la présence d'une espèce de gecko rare. Pour y remédier, des gîtes étonnants ont été construits.
Depuis 2019, les murailles du château sont rénovées, en prenant soin d'épargner les lézards qui y vivaient. (Photo JV)
On croyait ses murs inhabités depuis le départ du dernier gardien du phare, il y a une trentaine d’années. Après avoir accueilli des prisonniers pendant plus de trois siècles, le château d’If se contente désormais des 100 000 visiteurs qui y débarquent chaque année. En 2016, les préparatifs d’un chantier de restauration des remparts ont rappelé que l’îlot de trois hectares n’était pas totalement vide la nuit. “Comme nous sommes en cœur du parc national des Calanques, nous devons avoir leur autorisation pour les travaux. Un scientifique m’a alors dit : « Vous ne l’aurez jamais, ces murs sont habités »“, raconte Armelle Baduel, l’administratrice du site pour le Centre des monuments nationaux.
Le locataire en question est du genre discret. Le phyllodactyle d’Europe est un petit gecko de quelques centimètres, qui fuit la lumière et s’active au crépuscule. Il est considéré comme une espèce prioritaire par le parc national des Calanques, car sa présence est limitée au littoral méditerranéen entre Marseille et la Toscane, ainsi que la Corse. “Oui mais ces remparts seraient partis à la mer et il n’y aurait plus rien eu à protéger ! À certains endroits on voyait à travers”, reprend Armelle Baduel, qui a voulu relever le défi de “montrer comment on peut associer les deux patrimoines, historique et naturel”. Un sentier pédagogique doit voir le jour sur ce thème après le chantier.
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Le meilleur exemple en est pour elle ce graffiti dans une des cellules du château, représentant, à côté d’une lavatère – une plante fleurie typique de l’archipel du Frioul – un lézard, et peut-être même un phyllodactyle ? Mais le lien entre l’homme et le petit reptile va plus loin que ce symbole. “C’est à cause de cet environnement exceptionnel, un rocher imprenable, que le site a été choisi pour installer une garnison pour défendre le premier port de France”, rappelle la conservatrice. Et à l’inverse, ce sont les constructions de l’homme qui “ont créé un habitat idéal pour cette espèce”. D’abord en l’abritant des intempéries puis, au fil des siècles, les fissures aidant, en lui fournissant des anfractuosités qu’il affectionne.
Un goût qu’il ne partage pas avec les spécialistes de la restauration des monuments historiques. “Il a fallu travailler avec l’architecte en chef des Monuments nationaux, qui était soucieux de ne pas créer des creux où le sel s’infiltrerait, détruisant la restauration”, pose-t-elle.
La solution retenue est simple en apparence : des gîtes formés de tuiles sont insérés dans les murs tous les cinq mètres. Cette idée est directement inspirée par l’expérience des Embiez, dans le Var, où elle est utilisée pour suivre la population de phyllodactyles d’une des îles.
Étranges lueurs et éléments déchaînés
Ce stratagème trouvé, le projet a reçu un feu vert et, depuis 2019, d’étranges lueurs s’allument sur If la nuit. Ce sont des projecteurs, braqués vers les murs en cours de restauration pour garantir que des phyllodactyles ne s’y installent. Il s’agit en fait de prendre soin des petites bêtes, en particulier éviter de les emmurer sous l’enduit. Avant d’attaquer une portion de remparts, pour 720 mètres au total, une campagne de capture est donc menée. Au fil des mois, environ 300 sont ainsi passés par des logements tiroirs. “La dernière capture date de 10 jours, actualise Armelle Baduel. À partir de ce moment, les ouvriers ont trois semaines.”
Lorsque la houle tape fort, impossible d’accoster et il faut tout recommencer.
Ce délai, qui vise à limiter la longueur de la captivité, est l’une des complexités majeures de l’opération de sauvetage, pour le reste peu coûteuse à l’échelle du budget total de 2,4 millions d’euros. Cet impératif se conjugue en effet avec les humeurs, bien moins prévisibles de la météo. Lorsque la houle tape fort – 150 jours les mauvaises années – impossible d’accoster et il faut tout recommencer. “On a même eu un échafaudage qui est parti à l’eau, lance Armelle Baduel, mi-amusée mi navrée. Et comme on est en cœur de parc et qu’on tient à faire les choses bien, il a fallu aller les repêcher au fond.”
Quand il ne reste pas à quai, le personnel de Vinci doit aussi parfois composer avec les gabians, “qui sont très agressifs pendant leur période de reproduction, en mars-avril”. Paradoxalement, cette espèce protégée est considérée comme invasive et la Ville de Marseille dispose d’une dérogation de l’État pour limiter sa présence en stérilisant les œufs. Histoire de ne pas enrichir ce bestiaire, la direction du château d’If doit se montrer un brin sourcilleuse sur son approvisionnement : dès l’Espagne d’où elle est importée, la pierre doit être éclairée au projecteur par le fournisseur et emballée à triple tour pour faire fuir d’éventuels lézards d’outre-Pyrénées. C’est qu’à l’inverse, le phyllodactyle n’a que peu de moyens pour essaimer sur la côte. À moins de tenter à la nage la traversée qui a fait légende d’un illustre prisonnier.
Commentaires
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Le château d’If construit pour protéger le port de Marseille ? J’avais cru comprendre le contraire, à savoir qu’il était là pour surveiller les marseillais
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Le château d’If construit pour protéger le port de Marseille ? J’avais cru comprendre le contraire, à savoir qu’il était là pour surveiller les marseillais ?
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Ce sont les forts St Jean et St Nicolas qui étaient chargés de surveiller les marseillais. Avec la portée des canons à l’époque de Louis XIV le littoral était hors de portée du Château d’If
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Merci ma connaissance de Marseille à de grosses lacunes.
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Il faut lire “Marseille insolite” de François Thomazeau. Tout marseillais y apprend qq chose
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Re merci je vais le lire
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Passionnant reportage!
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Joli reportage, très bien écrit! Merci! Qui l’eut cru qu’on puisse se donner tant de mal pour protéger une famille de lézards. Il y a au moins un truc qui marche à Marseille et fait dans les règles de l’art, mais bon, c’est parce que le commanditaire et contrôleur sont l’Etat… Finalement, il faudrait peut etre l’Etat partout, et ça finirait par marcher?
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Malheureusement, pour nos zéros d’élus,
Nous arrivons inévitablement à cette conclusion,l’Etat.
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