La métropole renonce in extremis à une motion ultra-conservatrice sur la culture

Un conseil métropolitain en février 2019. (Photo JV)

Le texte est d’un rare conservatisme. Il y est beaucoup question de la France : “Elle est le bleu, elle est le blanc, elle est le rouge.” Ce pays “bâti sur les fondations d’une culture gréco-romaine et chrétienne” ; cette “douce France ne peut qu’être aimée, elle est mers et montagnes, villages et clochers, traditions et résistances, chevalerie et courtoisie”. Cette France-là, vomit les “ayatollahs de l’inclusion”, la “cancel culture”, les “indigénistes” et autres “islamogauchistes”. Elle rejette comme il se doit “la communautarisation mortifère” mais plaide, sans y voir un quelconque paradoxe, pour la reconnaissance de “l’identité provençale.”

Un tract du Rassemblement national que ces deux pages ? Perdu. Ce texte-là émane du groupe majoritaire dans l’hémicycle d’Aix-Marseille Provence Métropole que préside Martine Vassal (LR).

Cette motion signée par Jean-Baptiste Rivoallan, en tant que président du groupe Une volonté pour la métropole, devait être lue ce jeudi 15 avril en séance, en marge du vote de la délibération 86 du conseil métropolitain. Cette dernière vise à approuver un soutien technique de la métropole au projet “Rocher Mistral”, le “Puy du Fou provençal” de La Barben déjà particulièrement bien doté en argent public. Mais la motion, un “appel à l’expression d’une politique culturelle de l’enracinement et de l’amour de la France” – c’est son titre – ne sera finalement pas débattue.

Mercredi soir, à la veille de l’assemblée, de nombreux représentants du Printemps marseillais à la métropole ont manifesté leur stupeur à la découverte du texte. “Un plaidoyer pour les dominations et les inégalités. Un torchecul comme dirait Rabelais, une injure aux valeurs de la République, une atteinte à notre riche histoire commune qui fait de la culture notre liberté”, s’est notamment indigné l’élu marseillais à la culture Jean-Marc Coppola, ignorant probablement qu’il serait finalement retiré de l’ordre du jour.

“Ce texte est hors sujet”

“La motion a été retirée”, glisse Jean-Baptiste Rivoallan, joint par Marsactu. Pourquoi ? L’élu, par ailleurs conseiller délégué aux relations avec les collectivités territoriales à la mairie des 11/12, dit l’ignorer. Même mystère sur le nom de son (ou de ses) auteur. Est-ce la démarche du cabinet de la présidente, d’un élu isolé ou bien une œuvre collective ? Jean-Baptiste Rivoallan refuse de répondre. Une certitude, plusieurs conseillers de la droite métropolitaine se sont manifestés pour demander son retrait.

Daniel Gagnon, le vice-président en charge de la culture, notamment. Cette motion, il la juge “non pertinente” : “Cela n’avait rien à voir avec la délibération que nous allons discuter. On doit annoncer notre soutien moral au Rocher Mistral, je ne vois pas pourquoi, on mélange les choses. Ce texte est hors-sujet, c’est tout.”

Jean-Pierre Pernaut et Stéphane Bern chantres de “la véritable culture populaire (…) âme de la France”.

Dans un curieux mélange, l’écrit convoque Charlemagne, Victor Hugo et Jeanne d’Arc, cite De Gaulle, glorifie Jean-Pierre Pernaut et Stéphane Bern chantres de “la véritable culture populaire (…) âme de la France”, fustige “les nombreuses productions contemporaines où la recherche du beau et du bien a totalement disparu” et dénonce “la laideur et le militantisme de la cérémonie des Césars ou le carnaval politique de la Plaine”. Tissé d’envolées réactionnaires et d’une exaltation outrée du sentiment national, il a fait tousser jusque sur les bancs de la majorité de droite. “Je ne me reconnais pas du tout dans ce texte, ah non !”, lâche tout de go un élu majoritaire.

“Ce n’est pas la peine d’alimenter ce genre de vaine polémique. Les temps sont difficiles, la révolte sociale couve. Je pense que nous devons plutôt appeler à la cohésion de la société, au rassemblement des forces dans le bon sens. Ce texte ne m’apparaît pas opportun”, analyse pour sa part Sophie Joissains, vice-présidente UDI de la métropole déléguée à la réforme métropolitaine. Autre composante de l’exécutif, le groupe d’intérêt communal (GIC) d’Aix-Marseille Provence dont elle est membre a exprimé son souhait de ne pas voir cette motion présentée au vote.

D’autres conseillers métropolitains y voient surtout un labourage des terres d’extrême-droite, tentation régulière qui ne profiterait pourtant jamais à la droite… “La campagne est là, c’est assez logique. Mais cette stratégie, on le sait bien, ne marche pas”, prévient un élu qui appelle ses collègues “à un peu de mesure”. Car le brûlot est assez malvenu à l’heure où Martine Vassal cherche à façonner le rassemblement le plus large pour assurer sa réélection à la tête du département en juin prochain.