La métropole réclame plus de neuf millions d’euros à Alexandre Guérini et ses complices
Au procès Guérini, les parties civiles ont présenté leurs plaidoiries ce mardi. La journée a été marquée par la demande d'indemnisation très importante de la métropole.
Alexandre Guérini au premier jour de son procès le 15 mars 2021. Photo Emilio Guzman.
Elle met du concret sur les grands mots que développent les associations anti-corruption. La métropole Aix Marseille Provence assiste au procès Guérini en principale victime de cette affaire. Elle prend place sur le banc des parties civiles aux côtés notamment de Transparency International et d’Anticor, venues rappeler “l’enjeu démocratique” d’un procès symbole “des dérives de nos institutions”. Les préjudices que la métropole présente au tribunal quant à eux n’ont rien de moral. L’établissement public soupèse ce que les agissements d’Alexandre Guérini ont pu lui coûter et tombe sur un chiffre choc : plus de neuf millions d’euros.
La métropole est en réalité l’héritière de trois institutions absorbées lors de sa création : l’Agglopole Provence (pays salonais), la communauté du pays d’Aubagne et de l’Étoile et la communauté urbaine Marseille Provence métropole. Avocat de la “deuxième plus grande intercommunalité de France”, Gilbert Sindrès a le souci de planter le décor. Le tribunal a pendant deux semaines été plongé dans un “microcosme, celui des entités publiques qui sont aujourd’hui devant vous, des entreprises qui y ont des intérêts importants, des élus locaux dont une bonne vingtaine ont vu leur nom cité dans la procédure”.
Le préjudice de l’intercommunalité se situe essentiellement au Mentaure où Alexandre Guérini se voit reprocher d’avoir accueilli des déchets privés dans cette décharge publique. Pour la métropole enfouir 75 000 tonnes de déchets privés – une qualification contestée par Alexandre Guérini – aurait “abrégé la durée de vie du casier sans que la collectivité ne puisse en retirer un quelconque avantage notamment en termes de perception de recettes publiques”. Dit autrement, la capacité d’une décharge n’étant pas infinie, le choix d’Alexandre Guérini et de sa société SMA environnement a raccourci la durée de vie de l’installation et pénalisé la collectivité.
“Des recettes sur les moyens de la collectivité”
Pour Beatriz de Silva, elle aussi conseil de la métropole, les sommes gagnées par Alexandre Guérini sont en réalité des “recettes assises sur les moyens donnés par la collectivité”. Et l’avocate a fait ses comptes sur la période, cela représente 9 208 627 euros. C’est cette somme très importante qu’elle veut voir rembourser au centime près.
Pour ce faire, l’institution vise directement les auteurs ou complices de la fraude présumée : Alexandre Guérini, son homme de confiance Philippe Rapezzi, sa société SMA environnement et l’ancien président de la communauté du pays d’Aubagne et de l’Étoile Alain Belviso (PCF). Beatriz de Silva estime qu’ils doivent être condamnés solidairement à payer cette somme. Durant sa plaidoirie, elle dit toutefois limiter à 5 % de la demande les montants engageant Alain Belviso puisqu’il n’a “rien perçu” dans ce cadre.
La métropole évoque aussi deux autres pans du dossier qui visent là encore le frère de l’ancien président du conseil général. Elle s’intéresse d’abord à l’intervention de l’entrepreneur – présenté comme “un homme politique sans mandat” par Gilbert Sindrès – dans la gestion des marchés de déchets de la communauté urbaine. Un sujet largement abordé au deuxième jour du procès. L’avocat décrypte l’action du cadre de la communauté urbaine Michel Karabadjakian mais aussi de l’avocat Olivier Grimaldi qui a rendu une étude juridique conforme aux desseins d’Alexandre Guérini, à ses yeux contraire aux intérêts publics. Son analyse est claire : “Il y a une main invisible qui va guider Olivier Grimaldi*. Et cette main invisible, j’ai tendance à penser que c’est pas celle d’Adam Smith, c’est celle d’Alexandre Guérini.”
La mauvaise image liée aux affaires
Dans ce cas, le préjudice est à ses yeux “moral”, comme dans le dernier dossier, celui de la décharge de la Vautubière où une entente au profit d’Alexandre Guérini est soupçonnée. “Les faits de favoritisme […] jettent le discrédit sur la collectivité, en suscitant dans l’esprit des acteurs économiques intéressés par ses marchés publics et ses délégations de service public la crainte de ne pouvoir se porter candidat dans des conditions de libre concurrence”, écrit la métropole dans ses conclusions.
Si le tribunal devait suivre les demandes d’indemnisations de la métropole, ce sont 9,3 millions d’euros qui pourraient être réclamées à celui que l’on surnommait “Monsieur frère”. Dans le cadre de la procédure, Alexandre Guérini, dont les avocats plaideront la relaxe, a déjà vu une bonne part de son argent bloqué. Au total 13 millions d’euros sont mis sous séquestre dans trois pays : la France bien sûr, mais aussi la Suisse et le Luxembourg.
* Me Sindrès nous fait savoir qu’il conteste cette citation dont nous n’avons pu recouper auprès de nos confrères l’exactitude. L’avocat de la métropole précise en tout cas que, dans son esprit, cette main invisible guidait bien Michel Karabadjakian et non Olivier Grimaldi.
Le département et les associations anti-corruption ciblent Jean-Noël GuériniEux aussi veulent voir reconnaître leur préjudice moral. Le département et les associations anti-corruption Transparency international et Anticor ont notamment visé Jean-Noël Guérini. Pour avoir pris part à l’achat puis à la revente d’un terrain destiné à agrandir la décharge du Mentaure, Jean-Noël Guérini s’est rendu coupable de prise illégale d’intérêt, a expliqué Matthieu Hénon, l’avocat de la collectivité. Il chiffre l’indemnisation de “l’atteinte portée à l’image et à la crédibilité” de l’institution à 30 000 euros. Les deux associations ont réclamé 10 000 euros de dommages et intérêts chacune contre l’élu.
Commentaires
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Excellent article, Jean-Marie Leforestier, comme d’habitude. J’aimerais que la ville de Marseille vous érige une statue pour votre courage face à la pègre politique, la quasi fermeture du journal, le risque d’en avoir lancé un comme celui-ci, votre talent d’écriture, et cette plateforme que Marsactu nous donne pour nous exprimer et nous chamailler et nous défouler. MERCI.
Je pense que la métropole et les associations anti-corruption ont raison de réclamer ce dû et je ne suis pas dupe qu’elles ne l’auraient pas fait, surtout la métropole, si la corruption venait d’un élu de leur propre bord. C’est l’argent du citoyen qui s’est envolé pour aller dans les poches de deux personnes. J’espère que les tribunaux auront le même courage pour poursuivre les actions tordues de la métropole si un jour quelqu’un met son nez dedans. D’une manière générale, la manière de dépenser l’argent public a besoin d’un controle beaucoup plus vigilant par les citoyens en plus des instances créées pour les protéger. Souvent, j’ai espéré avoir un accès internet direct aux dépenses engagées par la métropole en clair (et non pas noyées dans des lignes obscures où on ne comprend rien, leurs délibérations avec la municipalité de marseille, une Visio de leurs réunions, etc. En démocratie, on devrait avoir le droit de tout savoir sur ces instances. J’aurais aimé savoir combien chaque année la métropole dépense en réunions de voeux de nouvel an, avec quelles mairies, combien elle dépense en frais de déplacement, frais de repas a l’extérieur, etc, frais d’assistants. Tout en ligne sur leurs pages. Je peux rêver. D’ici là on va continuer à supputer.
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Merci pour la remarque liminaire ! Je rougis.
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en effet, on peut rêver… pour la transparence en cours d’exercice.
Quant à l’eventuelle immiscion de la justice dans les comptes de l’équipe vassal-muselier-gaudin, on peut espérer, quand même,un jour… cf guerini enfin jugé ! faut juste être patients…..
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