[La gloire de nos pierres] Au bord de l’A7, la Guillermy, bastide dégradée prête à renaître

Série
le 31 Août 2019
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En ruines, reconverties ou entourées de barres d'immeubles, quelques dizaines de bastides d'antan ont survécu à Marseille et alentours. Elles rappellent un passé bourgeois bucolique, mais témoignent aussi des inexorables métamorphoses du paysage urbain. En bordure de l’autoroute A7, La bastide de la Guillermy trouve une seconde jeunesse après avoir été dégradée pendant plusieurs années.

[La gloire de nos pierres] Au bord de l’A7, la Guillermy, bastide dégradée prête à renaître
[La gloire de nos pierres] Au bord de l’A7, la Guillermy, bastide dégradée prête à renaître

[La gloire de nos pierres] Au bord de l’A7, la Guillermy, bastide dégradée prête à renaître

On a connu plus bucolique comme chemin menant à une bastide. D’un côté, des centaines de voitures passent à toute vitesse sur l’autoroute A7 et de l’autre quelques détritus jonchent le sol. Mais une fois le portail d’entrée franchi, c’est une tout autre ambiance qui s’offre à observer. Le jardin en partie en friche, laisse entrevoir ce que fut ce petit château il y a plusieurs siècles. Quelques arbres devant l’entrée de la bastide semble la protéger.

Car cette bastide du 17e siècle a connu une histoire mouvementée. Peu après la Seconde Guerre mondiale, elle échappe de peu à la destruction au moment de la construction de l’autoroute nord de Marseille. Rachetée par l’État en 1957, l’installation de gendarmes dans la bastide permet d’échapper à ce sort funeste et va permettre de la conserver en bon état jusqu’au départ de ces derniers en 2001. C’est après que les choses se gâtent.

Des projets avortés

“Au départ les gendarmes venaient faire un petit tour et puis pouf ! Ils sont partis et à partir de là, la bastide a été vandalisée“, raconte Gérard Marletti, président du comité d’intérêt de quartier (CIQ) du 15e arrondissement. En réaction, les associations du quartier réclament sa restauration en raison de son intérêt patrimonial et sa réutilisation comme équipement public. “On voulait convaincre les collectivités locales d’en faire un bâtiment qui servirait à toutes les associations sociales et culturelles de la région. Je voulais en faire le siège du CIQ”, indique Gérard Marletti. Mais le projet n’aboutit pas, faute de moyens financiers.

En 2009, un tout autre projet est lancé par les pouvoirs publics. La préfecture propose de faire du site de la bastide un lieu d’hébergement de familles roms pour plusieurs dizaines de familles. Résultat ? Levée de bouclier de la part des riverains et des élus locaux. “On a organisé des manifestations avec le CIQ, les associations du quartier et la mairie de secteur [alors dirigée par Samia Ghali, ndlr] pour stopper le projet. Il y en a même une où on a rassemblé plus de 3000 personnes devant l’entrée du chemin de la Guillermy”, note Gérard Marletti. Raymond Ciabattini, président de l’association des amis des Aygalades se souvient aussi : “notre slogan c’était “halte à la misère”, ça avait bien marché. En dix jours, c’était plié”.

“On ne trouvait pas ça normal que ce ne soit que le 15e arrondissement qui soit impacté, alors on a proposé au préfet de répartir les Roms dans tous les arrondissements de Marseille. Finalement on n’en a plus entendu parler”, conclut, satisfait, le président du CIQ du 15e.

Une bastide dégradée

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Une fois le projet rejeté, la bastide va rester inoccupée pendant plusieurs années avant que l’État se décide à la vendre via à un appel d’offres. Pendant ces temps d’inoccupation, la bâtisse reçoit de nombreux visiteurs nocturnes et le bâtiment est pillé à de nombreuses reprises. “À l’intérieur de la bastide, il y avait des objets de qualité comme des frontons de cheminée, des rampes d’escalier et tout cela a été pillé”, se lamente Gérard Marletti. “Les grilles en fer forgé qui dataient du 17e ont été arrachées.” Malgré l’ancienneté de la bastide, il reste en effet peu d’éléments d’époque.

Même son de cloche chez Ahmed Baila, l’actuel propriétaire, qui a racheté la bastide en piteux état en 2012. Après des travaux, il a mis en location le bâtiment adjacent qui accueillait les logements des gendarmes, avant de s’attaquer à la bastide proprement dite. “La moitié du toit avait été arraché, le moindre centimètre de cuivre a été enlevé, il n’y avait même plus de fenêtres”, raconte-t-il.

Encore aujourd’hui, même si quelques déblaiements ont été effectués, les stigmates de cette période sont toujours visibles. De nombreux murs sont éventrés, des milliers de tags couvrent les 1400 mètres carrés de la Guillermy et les pigeons ont trouvé un nouveau perchoir à l’intérieur de la bâtisse. La famille Baila commence à entreprendre des travaux pour la réhabilitation des lieux – la toiture a déjà été complétée – mais le projet est colossal. “Sûrement plus d’un an de travaux”, soupire le propriétaire.

Cela fait sept ans qu’on a acheté et on n’a jamais fait trop de recherche historique”, confesse Ahmed Baila, par ailleurs agent immobilier. Conformément aux recommandations de l’architecte des bâtiments de France, il entend “refaire l’extérieur de la bastide à l’identique, comme avant”. Le bâtiment n’est certes pas classé mais “il y a quand même quelques contraintes au niveau de l’urbanisme”.

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Un futur “espace de co-working” ?

Quand on lui demande le prix qu’il a payé, Ahmed Baila se cache derrière un sourire gêné. “Vous comprenez que je ne peux pas vous le dire”, répond-il en prenant soin de choisir ses mots. La préfecture n’a pas répondu à cette question, comme aux autres que nous lui avons posées. Quant au futur de la bastide l’agent immobilier hésite : “on n’est pas encore arrêté sur un projet, on veut en faire un lieu de vie pour les jeunes, peut être un espace de co-working. L’important c’est qu’elle revienne aux Marseillais”.

Georges Aillaud, président du comité du vieux Marseille qui a publié un livre référence sur les bastides, insiste sur la spécificité de la Guillermy par rapport aux autres bastides. “Ce qu’il a de très intéressant avec la Guillermy, ce sont ces tuiles vernissées, ce qui est très peu courant en Provence et surtout à Marseille.” Des tuiles multicolores que le propriétaire des lieux promet de restaurer.

Quand on l’interroge sur les nuisances de l’autoroute A7 située à quelques mètres du bâtiment tri-centenaire, le propriétaire se montre peu inquiet. “Dans trente ans, je pense vraiment qu’il n’y aura plus de voitures à essence, ce sera des voitures électriques, donc il y aura moins de bruit”, avant de renchérir : “Et puis le fait que ce soit sur une autoroute ça nous fait un sacré coup de pub, tout le monde la voit la Guillermy.”

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Commentaires

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  1. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    et bien voilà vous nous avez appris l’histoire de cette bastide, car effectivement combien de fois en passant devant nous sommes posés la question : elle a l’air belle cette bastide, comment se fait il qu’elle ne soit pas réhabilitée??

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  2. Be.mc Be.mc

    Mon enfance enchantée !!

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  3. David David

    Ce sont les mêmes qui ne voulaient pas des pauvres (“halte à la misère” mon œil, plutôt halte aux pauvres)qui se plaignaient qu’elle avait été abandonnée… Suite à leur action. Après je suis d’accord, ça aurait été plus sympa d’héberger réellement les roms dans des structures adaptées (au lieu de les obliger à s’installer dans des bidonvilles à la rose), et de laisser ce lieu au CIQ et aux associations. Mais, que voulez-vous… En France tout l’ argent public est transféré aux banques et au privé, via le cice et autres flat tax… Vous comprenez, peuchère, ils n’en ont jamais assez… Ne restent aux gens que les yeux pour pleurer, et finalement, tout le patrimoine du pays est bradé aux agents immobiliers. C’est la vie…

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  4. Germanicus33 Germanicus33

    Depuis que je la vois se dégrader depuis l’autoroute, de plus en plus avec les années et le départ des gendarmes, je pensais qu’elle allait disparaître. Mais une restauration s’impose, avec ensuite une utilisation pérenne.
    En effet, les tuiles vernissées sont la caractéristique de cette bastide élégante et il faut remettre en état l’ensemble de la bâtisse qu’on a laissé pillée.
    Le patrimoine n’est pas pris en considération dans de nombreuses villes, en particulier à Marseille: même la Magalonne n’est pas classée!….

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  5. Be.mc Be.mc

    Et ma grand mère préparait le goûter et nous allions ramasser des jonquilles entre la Guillermie et Montleric au milieu des sous bois !

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