La fusion entre Pernod et Ricard signe la fin de la vraie-fausse guerre du pastis
Ricard ou 51 ? Depuis ce 1er juillet, la fusion entre Pernod et Ricard est effective. Celle-ci a entraîné 200 départs volontaires, principalement chez les commerciaux. Avec eux, s'en va une partie de l'histoire commune de ces deux entreprises qui se sont longtemps livré une bataille devenue légende commerciale.
La fusion entre Pernod et Ricard signe la fin de la vraie-fausse guerre du pastis
51 d’un côté, Ricard de l’autre. Alors que les deux filiales françaises du numéro deux mondial des spiritueux ne font qu’une sur le reste de la planète, le groupe Pernod-Ricard avait jusqu’alors maintenu deux sociétés parallèles dans son pays d’origine. Depuis le début du mois, et tandis que le groupe n’est pas au meilleur de sa forme financière, la fusion, dans les tuyaux depuis de longues années, est effective. “La nouvelle organisation est quasiment terminée. La fusion a été annoncée il y a un an et les accords conclus à la fin de l’année dernière. La mise en œuvre est toute récente à cause du Covid”, développe Corrine Gosselin, déléguée syndicale FO de la centrale Pernod qui a participé de près aux négociations.
Pour parvenir à cette fusion, près de 200 emplois, principalement de commerciaux, ont dû être supprimés. L’entreprise a vu partir majoritairement les plus anciens, dans le cadre d’un plan de départ volontaire. Avec eux, c’est une partie de l’histoire du groupe qui s’en va. De bataille acharnée à concurrence feinte, cette histoire est même devenue une légende commerciale.
“Choisir son clan”
Ils sont nombreux à le dire : travailler chez Pernod ou chez Ricard, c’est un peu comme faire partie d’une “grande famille”. Le genre de famille que l’on ne quitte pas comme ça. “On rentrait à 20 ans pour en sortir à 60. On évoluait en interne, on nous offrait des formations. On n’avait pas envie de partir”, se remémore Patrick Sinquin qui est resté “presque 40 ans” chez Pernod. Chez Ricard, ce sentiment d’appartenance valait peut-être encore plus.
Fondée en 1932 et ancrée sur la personnalité de Paul Ricard, l’entreprise a su fidéliser ses salariés. “Cette marque a une identité tellement forte ! Leurs employés vivaient Ricard, estime un organisateur d’événements festifs à Marseille qui collabore régulièrement avec l’une et l’autre entreprise. Ils y font toute leur carrière, comme quand tu fais une carrière à la mairie. Et bien sûr, ils ne buvaient que du pastis.” D’un côté comme de l’autre, la concurrence frontale entre les deux groupes ne faisait, jusqu’à il y a peu, pas de doute. “Il fallait choisir ton clan. Clairement, si j’allais voir Ricard je ne pouvais rien faire avec Pernod, et vice-versa.” Pour les commerciaux, qui sont les principaux concernés par ce plan de départs, là était tout le nerf de la guerre.
Coups bas et vraie concurrence
“Il y avait un doublon sur l’anisé. Mais les conditions commerciales sont différentes et il y avait une vraie concurrence, explique Jérôme*, chef de vente chez Pernod depuis plusieurs années qui a profité de ce plan de départ. On essayait de faire ça intelligemment sur le terrain, même si tout le monde ne le respectait pas. Certains étaient très vindicatifs.” Il développe : “On essayait à tout prix de récupérer un maximum de bars, de boîtes. On surenchérissait l’un sur l’autre pendant des années”. Jusqu’à parfois, poursuit-il, atteindre des prix dérisoires, voire, sans plus-value.
“Il y a plusieurs années, il y avait une vraie guéguerre et aucune amitié entre les gens de Pernod et ceux de Ricard. Mais il n’y avait pas de coup bas… sauf parfois, relate encore Patrick Sinquin. Je me souviens, à la fête de l’Humanité, il y avait le stand Ricard et le stand 51. Les gens n’osaient pas passer de l’un à l’autre. Et puis, dès qu’une banderole était posée, elle était arrachée. Au bout d’un moment, le budget banderole a commencé à être cher.”
Un matin, on a appris que Ricard allait sortir une bouteille de 4,5 L dans les 6 mois. On a fait la notre en 2 mois.
François Michel Lambert, député, ex-responsable logistique chez Pernod
François Michel Lambert, devenu député de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône, a travaillé 16 ans comme responsable logistique chez Pernod. Cette concurrence avec Ricard, il s’en souvient également. Et elle avait lieu autant sur le terrain commercial que sur l’innovation. “Un matin, on a appris que Ricard allait sortir une bouteille de 4,5 litres dans les six mois. On a fait la notre en deux. Autant vous dire qu’elle était moins qualitative. On a collé les étiquettes et on les a remplies à la main. Il y en avait 1500 ou 2000.”
Pour le député, les approches de conquête des clients étaient pourtant bien différentes. “Ricard était plus sur des questions de volume. Quand ils livraient un camion c’était un camion de Ricard. Pernod pouvait avoir 13 ou 14 références différentes.” Différence qu’il retrouvait aussi dans la clientèle visée : “chez Ricard ,il y avait plus une notion de grand public alors que Pernod essayait de viser les clients du monde de la nuit assez visible, plus élitiste.” Mais ni les différences ni les quelques coups bas n’ont entravé l’inéluctable mariage.
“Quitte à décagner quelqu’un, autant que ce soit Baccardi”
“Il s’agissait de deux entités très différentes qui s’affrontaient, développe à son tour Cathy Racon-Bouzon, l’autre députée (LREM) des Bouches-du-Rhône estampillée Ricard qui y a travaillé dix ans. Ce n’était pas une compétition factice mais cela crée une émulation positive, une dynamique stimulante.” Une analyse que partage Patrick Sinquin : “À l’époque il y avait une vraie concurrence, mais c’était une bonne concurrence, résume-t-il. Maintenant, si tu vends du Ricard et que ton client ne veut que du 51, tu ne vas pas insister.”
Car avant-même de fusionner en France, les commerciaux avaient cesser de nier les liens entre les deux groupes. “Quitte à décagner quelqu’un, on savait que c’était plutôt Baccardi que Ricard”, résume Jérôme. Ça fait un moment qu’il y a une bonne ambiance et moins d’animosité dans les jeunes générations. Les anciens qui se sont battus pour leurs enseignes sont quasiment tous partis et ceux qui restent sont moins piquousés. Aujourd’hui, les gens apprennent les uns des autres.” Certains salariés ont même pu passer d’une sociétés à l’autre. C’est le cas de Marc*, il y a plusieurs années déjà. “Il y avait une vraie concurrence mais petit à petit les relations se sont policées, raconte celui qui évoluait dans les branches “distribution”. Finalement, cette concurrence a participé a créer de l’attractivité, à constituer une légende.”
“On a fini par en rire, de cette concurrence, parce que c’était une fausse concurrence, abonde l’organisateur d’événement cité plus haut. Surtout à Marseille, où tout le monde se connait. Avant c’était une guerre mais au bout d’un moment les mentalités changent et puis la situation économique aussi.” Pour Jérôme, cette fusion signe “la fin d’une époque où les deux plus grosses boîtes de vente d’alcool se faisaient concurrence. Il va maintenant falloir finir de fusionner les systèmes informatiques, les outils, les politiques commerciales, mettre les gens aux bons endroits…” Pour qu’il ne reste entre un 51 et un Ricard, qu’un petit goût de réglisse.
*Le prénom a été changé à la demande de nos interlocuteurs pour garantir leur anonymat.
Commentaires
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https://www.leparisien.fr/societe/alcool-salaries-de-ricard-ils-denoncent-la-pression-permanente-pour-boire-au-travail-18-11-2019-8195421.php
Il faut voir la tête des commerciaux lors des fêtes de l’huma, de la Marseillaise ou des différentes férias… des épaves humaines qui “tiennent l’alcool”, c’est plus que de l’alcoolisme
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Je m’en fous, chez moi c’est Henri Bardouin 😉
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Ah ces mecs du 8e peuvent jamais faire comme les autres, Casa ou Janot, mais du Bardouin quand même 🤑
Y a plus grave, à la vôtre
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Bardouin est un poil surfait, Janot bio ça le fait.
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Je vais en profiter pour faire de la pub au pastis de La Plaine distillé par la brasserie du même nom. Un goût fantastique.
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En lisant cet article, je mesure combien le temps est passé. Enfant j’allais à l’école de filles de Ste Marthe, où se trouvait l’unité de production de Ricard et souvent en empruntant la rue Méyère, celle des Peupliers ou le bd Ricoux, la potion d’anis se répandait dans les rigoles. Je me souviens du cercle Ricard qui était une institution pour certains dans le village. Je revois sur Tourssainte le Château Ricard et les chevaux qui gambadaient dans cet immense parc, dans leque je rêvais d’entrer. Je garde le souvenir du baptême du petit fils Ricard à l’église de Ste Marthe où tous les enfants s’étaient attroupés en fin de messe pour crier «Parrains rascous» ; la collecte avait été royale pour mes frères. Le temps file à toute allure, les drogueries, charcuterie, écoles de filles et de garçons, le petit cinéma ont été remplacés par d’autres qui répondent aux besoins d’aujourd’hui. Aujourd’hui on est à l’heure de la mondialisation, du Covid et de la basse politique politicienne, c’est sûr j’ai pris un sacré coup de vieux !
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“le parrain, il est rascouss” ça c’est un souvenir délicieux avec la magie des pièces de monnaie jetées en l’air, trésors pour les enfants du quartier
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Cela serait super si ce type d’annectotes pouvait être récolté et répertorié quelque part. Chaque quartier doit avoir les siennes. Peut être dans un blog ?
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