La fédération LR des Bouches-du-Rhône, une “coquille vide” sans président ni boussole
Président de la fédération LR, Renaud Muselier a claqué la porte le 24 novembre sur fond de primaire pour la désignation du candidat à la présidentielle. Son départ laisse un parti encore affaibli par l'échec aux municipales de 2020, sans leader évident dans les Bouches-du-Rhône.
En 2012, la fédération UMP des Bouches-du-Rhône dépassait largement les 10 000 adhérents. (Photo JV)
Sur la façade, l’affiche cartonnée bleue claque dans le vent glacial. Elle annonce que le bâtiment est à louer. Les riverains de la rue Sainte-Cécile (5e arrondissement) l’ont peut-être oublié, mais pas Michèle*. Au numéro 39, dans ce local choisi en 1985 par le député RPR Maurice Toga, se sont écrites les grandes heures de la droite marseillaise. “Cette permanence, on y était tout le temps fourrés avant, avec mon mari”, soupire celle qui a milité là plusieurs décennies durant. “Mais maintenant, il ne reste plus rien de tout cela.” Les Républicains qui louaient ce vaste espace 5000 euros par trimestre, ont quitté les lieux en septembre 2020.
Alors que le candidat du parti pour la prochaine présidentielle sera désigné ce samedi 4 décembre, dans quel état se trouve la fédération Les Républicains des Bouches-du-Rhône ? L’assistant d’un parlementaire LR ironise : “Un article sur la fédé ? Ah bon, il y en a donc une ?” Et ce local vidé de sa vie militante résonne comme un symbole. “Ici, c’est bien simple, la fédé est à genoux, commente un élu du cru. On a connu des périodes où il y avait des permanences régulières dans chaque circo. Là, c’est une coquille vide.”
6000 adhérents
Dans les Bouches-du-Rhône, Les Républicains affichent désormais un nombre d’adhérents autour de 6000. Comme partout en France, de nouvelles cartes sont venues gonfler le socle des militants à l’approche des primaires. “On avait environ 3000 adhérents l’an passé, puis début 2021 on a atteint les 4500 au moment de l’élection du président de la fédération. Mais on reste tout de même une des fédérations les plus puissantes de France”, souligne Lionel Royer-Perreaut, maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille. “En 2007 à la fin du mandat de Sarko, on est à 15 000 adhérents et en 2018, même après l’affaire Fillon, on est encore autour de 10 000”, se remémore, nostalgique, un ancien du parti.
Il y a aussi le choc de la défaite des municipales de 2020 qu’il a fallu digérer. Cela a pris du temps. (…) Nos divisions nous ont fait du mal.
Yves Moraine
Pour Yves Moraine, vice-président du département au côté de Martine Vassal, la fédération est “en convalescence”. Et les raisons de la désaffection sont multiples. “Il y a d’abord la pandémie : on a forcément des scrupules à organiser des réunions et les gens ont évidemment des inquiétudes quand il faut y venir. Et puis un désintérêt global touche tous les partis”, pose l’ancien maire des 6e et 8e arrondissement. “Mais il y a aussi le choc de la défaite des municipales de 2020 qu’il a fallu digérer. Cela a pris du temps, il a fallu attendre que la campagne pour les départementales démarre pour voir les troupes se remobiliser. Nos divisions nous ont fait du mal.”
En deux ans, ce sont deux chiraquiens historiques, Bruno Gilles et Renaud Muselier, qui ont quitté le parti. Lionel Royer-Perreaut confirme les traces laissées par les municipales : “Il est évident que des militants sont encore très affectés par l’acte de division de Bruno Gilles. Bien plus que par le départ de Renaud Muselier qui n’a eu que peu d’impact.
Appareil déboussolé
Lorsqu’il claque la porte des Républicains, le 24 novembre, en dénonçant sa “porosité avec l’extrême-droite”, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est aussi celui de l’antenne départementale du parti. Alors qu’il incombe à la fédération d’organiser au mieux l’exercice forcément épineux des primaires, il laisse un appareil déboussolé. Une partie de LR lorgne, comme lui, vers la macronie ; l’autre est aimantée par l’aventure extrême-droitière d’Eric Zemmour. Même si elles ont offert une revanche à la perte de la Ville de Marseille un an plus tôt, les campagnes pour les départementales et les régionales n’ont fait que brouiller les pistes. Ni Renaud Muselier lorsqu’il se rapproche d’En Marche, ni Martine Vassal lorsqu’elle se fait élire au département avec des voix d’élus LREM et de gauche, ne prennent le soin de consulter leur base sur ces stratégies.
Au risque de froisser les militants. “Muselier n’a pas laissé un souvenir impérissable. Il ne nous réunissait jamais. On n’était au courant de rien”, tacle Michèle, la sympathisante marseillaise. Un élu local se positionne sur la même ligne :“Si la fédé est vidée de sa substance, c’est parce que Renaud n’a rien fait. Vous vous souvenez d’une action politique ou militante qu’il aurait organisée, vous ?” Un conseiller municipal LR ajoute : “On ne va pas nier que lorsque l’on perd une personnalité de sa stature, on s’appauvrit. Mais auprès des militants, il était carbonisé.”
Un chef c’est fait pour cheffer, or Muselier ne le faisait pas. On manque de chefferie pour faire tourner la boutique!
Un ténor de la droite
Sympathisants comme personnalités restent dans l’attente d’un leader. “Un chef, c’est fait pour cheffer, or Muselier ne le faisait pas. On manque de chefferie pour faire tourner la boutique ! Alors, oui, c’est sûr, c’est du boulot. Il faut aller caresser les uns et les autres dans le sens du poil, se taper des réunions à l’autre bout du département. Si le haut ne montre pas l’exemple, la base ne suit pas”, analyse un vieux routier de la droite marseillaise. La pique agace dans l’entourage du président de la région : “On ne peut pas tout mettre sur le dos de Muselier. Il a été élu à la tête de cette fédération en avril 2021. Puis il a eu une campagne régionale à mener. Si on est honnête, il faut tirer un bilan des anciens présidents et secrétaires départementaux. Pas sur ces seuls six mois d’exercice.”
Incarnation forte
Une pierre dans le jardin de Martine Vassal, secrétaire départementale au sein de l’UMP puis des Républicains, qui n’a pas souhaité répondre sur ce sujet à Marsactu. “Cette critique nous l’entendons sur le terrain, c’est vrai. Mais Martine fait le job, va aux galettes, va voir les commerçants, les élus du département…”, assure un ténor local qui reconnaît pour autant que la fédé traverse une vraie vacance en termes de leadership. “Vous mettez le nom de Gaudin sur un carton et encore aujourd’hui vous remplissez la salle. Même ceux qui ne l’aiment pas, ils viennent…”, prolonge Yves Moraine, resté un fidèle de l’ancien maire et homme fort de la droite marseillaise.
Cette “incarnation forte” qu’ils sont nombreux à appeler de leurs vœux, Lionel Royer-Perreaut en dessine le portrait : “Il nous faudra très vraisemblablement un leader différent, issu d’une nouvelle génération. Un homme ou une femme en surplomb des bisbilles personnelles.” Toutefois, pas de scrutin pour le désigner à l’horizon. “S’ils étaient à ce point obsédés par un fonctionnement optimum de la fédé chez LR 13, eh bien ils les organiseraient maintenant les élections pour trouver un président”, ricane un proche de Renaud Muselier. Selon les cadres LR, le nouveau chef local ne pourra pas émerger avant l’élection présidentielle.
“Ce qui manque c’est un espace qui soit la maison commune des Républicains.
Lionel Royer-Perreaut
Autre urgence à leurs yeux : la nécessité de rouvrir un siège départemental. “Ce qui manque, c’est un espace qui soit la maison commune des Républicains, plaide Lionel Royer-Perreaut. Un lieu de débat et d’échange qui permette de redonner du sens à l’engagement politique.” Mais aucun élu marseillais ne se hasarde encore à imaginer une date pour cette ouverture potentielle.
Horizons… 2027?
Car, outre l’échéance présidentielle, la recomposition du paysage national à droite promet aussi quelques secousses à venir, ressenties jusque dans les Bouches-du-Rhône. Ancien président de la fédération LR, sénateur et candidat aux municipales en dissidence, Bruno Gilles a rallié le mouvement créé par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, Horizons, comme vient de le faire le Niçois Christian Estrosi. Celui qui fut aussi maire LR des 4e et 5e ambitionne d’ailleurs de devenir le référent à Marseille de ce parti, satellite ancré à droite de la majorité présidentielle. Bruno Gilles ne cache pas son envie de draguer les déçus des Républicains d’ici : “Mon objectif est clairement d’aller chercher ces militants en déshérence”, prévient-il. Dans sa ligne de mire, un échec inéluctable de LR à la présidentielle, une reconstruction de la droite locale autour d’Horizons. Si ce dernier regarde ostensiblement vers la présidentielle 2027, une autre échéance la précèdera au niveau local : les municipales
À chacun son championLa primaire en cours a vu plusieurs élus Les Républicains buccho-rhodaniens se positionner. Valérie Boyer, Guy Teissier, Julien Ravier et Didier Réault se sont rangés aux côtés d’Eric Ciotti, arrivé en tête du premier tour. Sabine Bernasconi et Lionel Royer-Perreaut ont choisi Valérie Pécresse, l’autre finaliste. Proche de cette dernière, Martine Vassal s’est refusée à se prononcer en tant que secrétaire départementale du parti. Pour ce qui est des candidats sortis de la course mercredi, Yves Moraine, Catherine Pila et l’Aubagnais Bernard Deflesselles soutenaient Xavier Bertrand et l’Arlésienne Marie-Pierre Callet roulait pour Michel Barnier.
Commentaires
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Mais que fait Martine la Magnifique ?
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Elle ne veut pas risquer de tâcher son blanc tailleur…
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Évidemment, les affaires entre amis, les personnalités inamovibles, les luttes internes pour le pouvoir, l’abandon de Marseille, l’absence de vision d’avenir autre que les JO, la gastronomie, lOM, les croisieristes, leur inaction économique, sociale, urbaine, et leur mépris pour les citoyens, bref leur nullité politique n’y est pour rien.
Tout est de la faute à Muselier.
Pas de Gaudin, Vassal, Boyer, Moraine et toute la bande UMP LR des Bouches-du-Rhône…
Bon, peut-être aussi le contexte national… le parti de droite est mal en point partout, tiraillée sur ses deux flancs.
Et puis, le vieillissement de leurs militants. Qui n’ont plus la motivation, la force, les moyens physiques de militer. Et préfèrent finalement Marine, Zemour qui passent, eux, à la télé…
Et comme ils ne séduisent pas la jeunesse…. ils sont mal barrés.
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Ce très vieux parti bouge encore un peu, mais il est déjà mort (et je pourrais en dire autant du PS). Et il ne doit chercher qu’en lui-même les responsables de son décès : les lumières politiques qui ont droitisé à l’extrême leur discours, ici les Boyer ou les Teissier, ont livré sur un plateau leurs électeurs à Le Pen et, désormais, à Zemmour. L’électeur préfère toujours l’original à la copie. Et la droite “raisonnable” est partie, elle aussi, vers d’autres horizons : Macron pour les uns, Philippe pour d’autres…
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Julien Ravier va reprendre la boutique. C’est maboule de cristal qui me l’a dit.
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