La chambre régionale des comptes va passer au crible le plan Marseille en grand

Info Marsactu
le 11 Oct 2023
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La chambre régionale des comptes a décidé d'ausculter le plan Marseille en grand, dans le cadre de son évaluation des politiques publiques. Elle sera épaulée par un comité d'accompagnement où siègent notamment des chercheurs et des représentants associatifs. Installé jeudi, ce comité sera soumis à la même exigence de confidentialité que les magistrats financiers.

Emmanuel Macron à Marseille en juin 2023. (Photo : Marie Lagache)
Emmanuel Macron à Marseille en juin 2023. (Photo : Marie Lagache)

Emmanuel Macron à Marseille en juin 2023. (Photo : Marie Lagache)

Emmanuel Macron n’a qu’à bien se tenir. Le plan Marseille en grand va être soumis à la moulinette conjointe de la Cour des comptes et de la chambre régionale des comptes (CRC) Provence-Alpes-Côte d’Azur. Si la première inspecte plutôt les dépenses de l’État, la seconde, contrôleuse locale des comptes publics, a désormais un nouvel aiguillon à son bouquet d’épingles. Depuis un décret de décembre 2022, elle peut évaluer les politiques publiques, soit sur demande, soit en s’auto-saisissant.

La CRC Paca a fait le choix de taper le plus haut possible, en s’attelant à une politique publique qui part du plus haut sommet de l’État pour se traduire à l’échelon le plus local, de la classe maternelle de Fonscolombes à la ligne de tramway vers la Castellane. Et pour mieux embrasser le grand écart, la chambre tente un pas de deux avec la Cour des comptes qui a institué en janvier dernier une “formation commune”, chargée de cette tâche.

Une évaluation en marchant

Cette évaluation se fait in itinere prévient l’un des documents de cadrage que Marsactu a pu consulter, ce que l’on peut traduire par “chemin faisant” ou “au fil de l’eau”, selon que l’on préfère le cabotage ou la randonnée. Elle donnera lieu à un ou plusieurs rapports, en toute indépendance. “Cela vise à répondre à l’objectif de transparence et de concertation voulu par le Président de la République”, indique la Préfecture dans une réponse écrite à Marsactu.

Pour réaliser cette évaluation, cette formation commune de magistrats se dote d’un comité d’accompagnement réparti en plusieurs collèges dont l’installation a lieu ce jeudi 12 octobre et dont les avis consultatifs éclaireront les travaux des magistrats. On y trouve des représentants des “parties prenantes” : services de l’État compétents sur les différentes thématiques du plan présidentiel et représentants des collectivités locales, en l’occurrence les directeurs généraux des services de la métropole et de la Ville. Un autre collège rassemble les représentants des usagers et de la société civile, là encore en recoupement des champs couverts par le plan Marseille en grand.

Des représentants des grandes fédérations de parents d’élèves (PEEP et FCPE) côtoient des élus des amicales de locataires et un militant d’Un centre-ville pour tous. Les usagers des hôpitaux comme des transports publics complètent ce collège.

Enfin, un collège des experts vient enrichir le comité. On y retrouve l’urbaniste Jérôme Dubois, les géographes Élisabeth Dorier et Virginie Baby-Collin qui ont travaillé sur les problématiques de centre-ville, d’habitat indigne mais aussi de résidences fermées ou de transformation des paysages du nord de Marseille. Ces trois collèges sont soumis aux mêmes obligations de confidentialités auxquelles sont soumis les magistrats dans le cadre de leurs travaux.

Pour préparer la réunion d’installation de ce jeudi, chacun des membres a reçu un court résumé de trente pages de présentation du plan Marseille en grand dont Marsactu a pu sonder la substantifique moelle. Sur 30 pages, les rapporteurs s’efforcent de résumer l’état d’avancement du plan. Ce faisant, ils donnent déjà quelques indications de premières distorsions.

De la bouche du président

La première d’entre elles, est l’origine du plan qui tombe de la bouche même du président lors de son discours du 2 septembre 2021. Les lecteurs de Marsactu ont sans doute en mémoire ce discours fleuve, interrompu par la pluie, au cours duquel le président privé de micro a dû s’époumoner de longues minutes. Tout est là, sur les gazons du Pharo, le Vieux-Port dans le dos.

Résultat : “Le plan Marseille en Grand n’est défini dans aucun document-cadre. Il n’existe aucun acte officiel en déterminant le périmètre et les parties prenantes”, écrivent les magistrats de la formation spéciale. Comme rien n’est clairement formalisé, les différentes parties prenantes ont, “une appréciation parfois divergente” du périmètre comme du calendrier du projet. On se souvient de l’irritation du ministre de l’Éducation en visite à Marseille à propos du lancement de la société publique d’aménagement dédiée à la rénovation des écoles (Spem) qui “piétinait” faute d’un accord avec la Ville sur le nom du directeur. Depuis, celui-ci a été choisi et la CRC met la création de la Spem dans la colonne “réalisé”. En revanche, la liste des chantiers d’ores et déjà lancés n’apporte aucune nouveauté : trois écoles livrées en 2023 dont les chantiers ont été lancés du temps de Gaudin, 19 chantiers sont en cours, 10 anciennes écoles GEEP sont dans le viseur et 31 études sont dans les tuyaux.

En passant, les rédacteurs de la note de synthèse s’étonnent de l’effacement de l’État dans le pilotage des projets : Si l’État occupe une place prépondérante dans le financement des actions du plan, il n’en est que marginalement maître d’ouvrage”. Pour les transports, le pilotage a été confié à un groupement d’intérêt public largement à la main de la métropole. L’État est également minoritaire dans la société publique dédiée à la rénovation du centre-ville. Quant à la société des écoles, elle est présidée par le maire qui a choisi son directeur alors que l’État en possède 50% des parts.

Côté financier, les magistrats notent que le plan Marseille en grand a un budget “estimé” à cinq milliards d’euros dont la ventilation est encore inconnue. Notamment parce qu’on ne connaît pas toujours la part assumée par chaque collectivité locale mais aussi parce qu’une partie des crédits d’État sont dits “préemptés”, c’est-à-dire issus de lignes budgétaires déjà existantes et fléchées vers le plan voulu par le président. Une des missions de l’évaluation consiste donc à établir un “chiffrage financier consolidé” de l’ensemble du plan.

“Faible niveau d’avancement”… selon Marsactu

Sur les autres thématiques, la note se contente de collecter les données existantes. Ainsi sur les transports, un tableau sanctionne d’un “faible niveau d’avancement“, la création d’un RER marseillais porté par la métropole, l’électrification des postes à quai des bassins Est du grand port maritime, la desserte de l’aéroport ou le développement du transport fluvial. Mais sur ce thème comme sur la rénovation du centre-ville, le document cite en source le Macronscope développé par Marsactu.

Cela montre le chemin qui reste à parcourir pour consolider les données. En appui de cette source, le document précise que lesdits projets n’ont donné lieu pour l’heure à aucun engagement des 2,4 milliards de budgets annoncés.

Enfin et c’est un effet du principe d’évaluation “chemin faisant”, le document liste façon inventaire à la Prévert, une nouvelle louche d’annonces présidentielles parfois “non chiffrées” dont les magistrats et leurs trois collèges d’experts, usagers et parties prenantes, devront interroger le caractère concret dans les mois qui viennent.

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Commentaires

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  1. saveria555 saveria555

    Mais qu’ a donc fait le Préfet, Carrier en charge de ce plan ?

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Carrié

      Il est rentré chez lui, près de Toulouse, pour prendre la préfecture du Gers. Le bonheur est dans le pré

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  2. vékiya vékiya

    Espérons que cela ne se transforme pas en grand n’importe quoi comme si souvent à marseille.

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    • petitvelo petitvelo

      Quand l Etat pilote c est pas terrible mais ca avance (euromed), s il ne pilote pas…. inutile d’espérer

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  3. Mars, et yeah. Mars, et yeah.

    Avoir perdu 1 an et demi à chercher à imposer un DG de la SPL des écoles contre l’avis du Président Macron, pour finalement céder, va laisser des traces sur l’avancement des projets. Donc sur la bonne gestion des deniers publics.

    Avoir vendu du rêve sur la capacité opérationnelle aussi.

    Tout comme le fait de s’être cru sachants en étant plus ignares qu’un inculte.

    Bref, une fois encore : de bonnes et légitimes intentions, puis l’effondrement par l’incompétence des institutions. Regrettable.

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  4. Manipulite Manipulite

    La CRC saisie par la mode de la communication.
    Son boulot est pourtant de contrôler l’utilisation de l’argent dépensé et poursuivre les délinquants publics. Il y a tant à faire en PACA. Les dernières productions de la CRC sont d’une rare indigence avec aucune saisie de la justice. Les élus seraient saisis par la grâce ? Les œuvres de « Mme classement sans suite » du côté du parquet ?
    Au lieu de quoi la CRC accompagne (?) des gens dont le boulot est de mettre en œuvre le projet «Marseille en grand » et d’assumer leurs responsabilités. Dans ce « montage » la caution de la CRC est engagée. Malin !
    En un mot comme en cent: ils n’ont rien d’autre à f… la CRC Paca ? Si c’est pour sécuriser Macron c’est à la Préfecture de le faire. Il y a même une ministre pour ça.

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    • julijo julijo

      oui c’est un peu étonnant cette procédure. intervenir a priori, n’est pas normalement leur fonction, même dans le cadre d’évaluer les politiques publiques, ils attendent qu’elles soient appliquées.

      c’est joli et nouveau : “in itinere”

      la question c’est : pourquoi faire ??? il n’ont que très peu de pouvoir -preuve en est leurs rapports divers et variés qui n’aboutissent à rien généralement-

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    • petitvelo petitvelo

      In itinere ça pourrait permettre de ne pas attendre 2ans après la fin de l échec pour ne rien faire car il ne reste plus sue des procès sur 10 ans à faire… Et peut-être d éviter des impasses, de limiter la casse… Si l Etat pilote !

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  5. marie pons marie pons

    Génial, cette démarche ! On va enfin aller au-delâ des effets d’annonce pour décrypter le montant et l’origine des crédits alloués (l’argent nouveau par rapport aux affectations du droit commun de l’Etat et les contributios effectives des autres collectivités – c’est à dire ce qui a été “payé”, et non pas “engagé”-) et on va avoir une instance qui saura décrire les chicayas entre ville et métropole qui ne cessent de bloquer l’avancée des rèponses à donner aux besoins des Marseillais… Les élus et la haute administration vont enfin avoir un organisme capable de décrypter leur travail effectif ! Bonne nouvelle pour la démocratie de proximitè dont tout le monde se gargarise sans jamas rentrer dans l’examen du fond des dossiers…

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    • julijo julijo

      et la marmotte elle plie le chocolat dans le papier d’alu….

      au vu du flou technique et financier de ce grand plan absolument merveilleux dans sa présentation en 2021 par macron, il me vient comme un doute….qu’en est-il 2 ans après ce discours et la pluie ?
      le fameux “in itinere” (décidément j’aime beaucoup) est une idée sympa qui pourrait être redoutablement efficace, mais….le contribuable que je suis a beaucoup trop payé pour être naïf, donc je ne dirai que : chiche, étonnez nous ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Ce qui était aussi absolument merveilleux, en avril 2022, c’était cette promesse faite par Macron – lors d’un meeting de campagne au Pharo – d’engager un effort massif de purification de l’air dans les bâtiments publics “avant la fin de l’année”.

      Chiche de faire du “in itinere” sur ce sujet aussi ? Certes, on a l’habitude à Marseille des promesses qui se révèlent être des mensonges, c’était la technique de Gaudin pour ferrer l’électeur. Mais avec internet, c’est de plus en plus difficile d’avoir la mémoire d’un poisson rouge.

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  6. Alceste. Alceste.

    Cet examen du plan Grand Marseille par la CDC et la CRC accompagnées par des “experts ” ( rien que le mot me fait marrer) et des associations ( le mot miracle est lâché) afin d’évaluer le projet du Président peut avoir des conclusions inverses aux attendus de certains commentateurs.. Pas si sûr ” in fine” que le résultat ” in intenere” déserve tant que cela Macron.
    En effet dans tout examen de ce type et qui se respecte, il y a toujours un volet présentant le pourquoi et le comment ,en un mot l’origine de la décision prise.
    Et là, quand nos magistrats vont se pencher sur l’historique des décisions rendues ou non rendues par les responsables politiques qui ont mené Marseille à la situation actuelle , je crois que certains vont rire jaune.A ceci ,je pense que nos magistrats vont aussi se pencher sur le comportement des acteurs locaux qui devront assumer les retards et dérives de la mise en place du Plan. Ce qui risque de ne pas manquer de sel.
    “Bene diagnoscitur, bene curatur”.

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