La campagne suspendue d’Yvon Berland en attendant le choix de LREM

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le 8 Oct 2019
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Deuxième candidat déclaré à l'investiture LREM pour les municipales, Yvon Berland, jusqu'alors président de l'université Aix-Marseille, vient de déposer son dossier de candidature à Paris. En campagne sans l'être vraiment, il compte rester discret tant que la commission n'aura pas donné son feu vert.

Yvon Berland entouré de ses soutiens au théâtre des Chartreux.
Yvon Berland entouré de ses soutiens au théâtre des Chartreux.

Yvon Berland entouré de ses soutiens au théâtre des Chartreux.

“Non et non”. La réponse d’Alain Richard, co-président de la commission nationale d’investiture chargée de désigner celui qui représentera le parti présidentiel aux municipales est ferme. La question est pourtant simple. Il s’agit de savoir si une date, ou a défaut une période, est fixée pour l’annonce du choix marseillais. Ni l’un, ni l’autre, donc. Pour le moment, deux dossiers figurent sur les bureaux parisiens de cette instance.

Le premier a été déposé par le député Saïd Ahamada de la septième circonscription des Bouches-du-Rhône (15e, 16e arrondissements et une partie du 14e). Au beau milieu de l’été, Marsactu vous racontait comment ce dernier, déjà ancré sur le territoire et largement soutenu par des associatifs des quartiers nord, tentait de sortir du peloton. Le second dossier vient lui d’arriver et s’oppose au premier sur un grand nombre de points. Il est signé de la main Yvon Berland, jusqu’alors président de l’université Aix-Marseille et candidat déclaré depuis juillet. Mais celui qui met en avant un entourage de “notables” ne bougera pas des starting-block sans le top départ parisien.

“Je ne vais pas m’amuser à sillonner Marseille”

“Tant que je n’ai pas l’investiture, je ne vais pas m’amuser à sillonner Marseille”, déclarait-il jeudi dernier au Mundart, brasserie chic de la Joliette prisée de La République en marche (LREM). Il y avait invité la presse pour annoncer avoir déposé, la veille à Paris, son dossier de candidature. “Mais dès que je serai légitime, je peux vous dire que je ne vais pas dormir.” Élu président de l’université en 2012, puis réélu en 2016, Yvon Berland, 68 ans, est néphrologue de formation. Il est un mandarin reconnu du CHU de Marseille où il dirige encore le centre de néphrologie et de transplantation rénale. Bref, un candidat “issu de la société civile”, comme on dit dans le jargon des marcheurs.

“Contrairement à d’autres candidats, je ne suis pas un politique. Ce n’est pas mon truc de critiquer les individus”, lançait-il d’ailleurs jeudi dernier alors qu’un journaliste le questionnait sur son seul rival déclaré, Saïd Ahamada. Une allusion à celui qu’Yvon Berland considère comme “le seul autre candidat” à ses yeux, tandis que le député organisait une soirée, le même jour à la même heure. Car si la bataille politique se fait déjà ressentir, dans l’entourage du désormais ex-président de l’université, on assume cette différence de bagage, qui peut aussi faire office de handicap.

Une campagne orientée vers Paris

“Forcément Saïd Ahamada est déjà inscrit dans le paysage politique, constate-t-on parmi ceux qui soutiennent Yvon Berland. Quand il demande au maire de réunir le conseil municipal pour rendre public le rapport de la chambre régionale des comptes, il est dans son rôle. Pour Yvon, ce n’est pas possible pour l’instant. Il nous faut d’abord convaincre Paris qu’il est le bon candidat.” Et donc orienter la campagne vers la commission d’investiture avant de bouger le petit doigt.

Après le dépôt d’un dossier de candidature d’une dizaine de pages qui comporte les grands axes d’un programme et une stratégie politique, encore faut-il séduire ceux qui influenceront, de près ou de loin, le choix final. “Pour l’instant, la commission est une boîte noire, confie-t-on encore, en off, dans l’entourage d’Yvon Berland. Il faut trouver des relais à Paris, à la fois dans la commission mais aussi à l’Élysée. C’est sûr que pour l’heure, notre attention est concentrée sur cela. Sans compter le moindre ministre qui se déplace et qui a un avis sur la ville et le meilleur profil pour la prendre.” Comme du côté de Saïd Ahamada, Yvon Berland attend impatiemment la fumée blanche qui viendra de Paris. “Les gens ne me connaissent pas donc il faut vite que l’investiture se fasse”, s’impatiente l’intéressé.

Dans ces ministres approchés pour un coup de pouce, le dernier en date est Julien Denormandie, ministre du logement descendu le lendemain de l’annonce officielle du dépôt de candidature d’Yvon Berland. Mais ce dernier part de loin. “Je ne l’avais jamais rencontré, nous avons échangé nos numéros de portable”, se réjouit-il sans pouvoir en dire plus. À Paris, Yvon Berland n’a pas rencontré le président, même s’il assure “que’Emmanuel Macron connaît très bien [son] projet”.

Médecins, maître de conférence, pharmacien…

Un peu plus de deux mois après l’annonce de sa candidature, et en dépit de ce silence parisien, Yvon Berland commence à remplir son agenda, dans la foulée du dépôt formel de sa candidature. Son équipe a en effet organisé trois réunions ou “ateliers programmatiques”. Les thèmes ? La jeunesse et la formation, les urgences dans la ville (propreté, logement et sécurité), et les grands projets (ville durable, emploi, environnement, mobilités…). Le but affiché ? “Nous accorder sur les constats et de nouvelles solutions” ou encore “structurer un programme ambitieux pour Marseille”. 

Ce vendredi soir, au théâtre des Chartreux, une quarantaine de personnes a fait le déplacement pour parler des “urgences dans la ville” – quand Yvon Berland se vante d’en avoir rassemblé plus de 70 sur Twitter.

“Nous avons peu communiqué vers l’extérieur, si ce n’est un petit encart dans La Provence, note Pascal Chamassian, ancien élu apparenté PS désormais membre du pôle politique de LREM 13 et directeur de campagne d’Yvon Berland. Sinon, nous avons demandé à nos soutiens d’en parler autour d’eux et fait quelques posts sur les réseaux sociaux.” “C’est mon neveu qui fait partie du comité de soutien d’Yvon Berland qui m’a demandé de venir”, informe par exemple Jean-François Perrimond, un ancien conseiller d’arrondissement EELV.

Rassembleur ?

Des discussions avec “des Marseillais”, qui ressemblent fortement à ceux que composent son comité de soutien. Beaucoup de retraités sont présents. À la table “sécurité”, les catégories socio-professionnelles sont relativement proches de celle du candidat à l’investiture : médecins retraités, pharmaciens, maître de conférence à la faculté de médecine, kinésithérapeutes… Après un comptage précis, Marsactu a relevé parmi le comité de soutien Yvon Berland qui comporte quelques 400 noms, un tiers de personnes issues du monde médical ou universitaire. Ce qui n’empêchent pas ses soutiens de miser sur le côté “rassembleur” de Berland. “Il a réussi a capter des opposants, des syndicalistes très à gauche par exemple”, défend Pascal Chamassian. Berland lui-même dit discuter “avec tout le monde, de l’extrême gauche à la droite ” en passant par les Verts.

Autre ligne directrice affichée de sa candidature, la jeunesse. Là encore, ni l’âge du candidat ni celui de son entourage ne semble poser problème à ceux qui le soutiennent. “Il est capable de porter la jeunesse, est convaincue Annabelle Bérard, référente des Jeunes avec Macron Bouches-du-Rhône. Il a une vision collective, un engagement sincère. Je le sens.” Au sein de l’université, Berland est connu pour être consensuel, ne pas faire de vague.

Mais ces atouts sont-ils suffisants pour convaincre Paris ? “Pour Paris, aucun des deux candidats déclarés ne fait l’affaire. Ils attendent une troisième candidature”, veut-on croire parmi une élue proche de la majorité présidentielle. Tout les oppose, mais plus le temps passe, plus Yvon Berland et Saïd Ahamada ressentent le même sentiment : l’inquiétude de voir un nouveau concurrent entrer en lice. Ce lundi, Johan Bencivenga annonce avoir quitté la présidence de l’UPE “pour considérer la possibilité d’une autre forme d’engagement pour Marseille et le territoire”.

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Commentaires

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  1. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    “Il duce ha sempre ragione” =
    Le Chef a toujours raison
    (Benito Mussolini)

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  2. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Ils sont touchants, ces candidats à la mairie de Marseille qui attendent sagement, le doigt sur la couture du pantalon, l’autorisation parisienne de se présenter.
    Il est éloquent, l’aveu d’Yvon Berland, qui n’attend pas d’autre légitimité que l’onction présidentielle et ne consentira à “sillonner” Marseille que si c’est vraiment nécessaire. Avec des gants.
    Quand Marseille a besoin d’un homme à poigne, je ne vois que des courtisans et des valets.
    “Qui ne saute pas le pas n’est pas Marseillais, yé !” La CNI, on s’en fout #Villani

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  3. Alceste. Alceste.

    ou dit autrement ” Tu duca,tu sinore et tu maestro ( tu es mon guide, monseigneur et mon maître” ( Dante .Enfers II, 140) . Benito me gêne quand même un peu

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Tout cela fait tout de même penser à la façon dont LREM prépare sa défaite à Paris, après avoir exclu tout processus de consultation des militants (parce que “ce n’est pas la manière dont nous fonctionnons à LREM” selon Benjamin Griveaux) au profit d’une désignation “par en haut” selon des critères aussi peu transparents que contestés. Le seul vrai critère étant, bien entendu : “c’est le choix de Macron”.

    Le résultat, c’est que celui qui a été désigné, le même Griveaux, est certainement le préféré du président, mais aussi le plus détesté par les électeurs parisiens. Et que ce processus a abouti à une candidature dissidente issue de son propre camp.

    Décidément, il n’y a pas qu’à gauche qu’on sait faire tourner la machine à perdre.

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Pensée pour le candidat du président en 1977, Michel d’Ornano, et son challenger innatendu, un certain Jacques Chirac…

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    • leravidemilo leravidemilo

      Ben, c’est que la conséquence de la “verticalité” choisie par les électeurs de Macron, qui n’ont pas fini d’attendre une quelconque horizontalité. En macronie, il en va de l’horizontalité comme de l’horizon, une ligne imaginaire qui s’éloigne au fur et à mesure que l’on croit s’en rapprocher…
      Inutile de s’exaspérer, il en est ainsi comme avec tous les dieux, “veillez et priez, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure.” Jupiter décidera, dans un éclair comme d’hab, et les demi dieux n’ont qu’à se tenir à carreau, s’ils ne veulent pas que l’éclair les dézingue.
      Encore Macron, dans sa grande mansuétude, n’a t il pas choisi le pire. Seul enfant épargné (planqué par Cibelle )il n’a pas été dévoré par son papa; celui ci, Saturne, avait pour habitude de dévorer ses enfants dès leur naissance, pour éviter tout parricide et tout éjection du pouvoir.( Brutus versus César, ça les avait traumatisé les romains). Mais également, pour arrêter le temps, une préoccupation bien humaine.
      Bon, reste quand même la filiation; on sait pas trop si ces choses se transmettent ou pas, c’est quand même aléatoire tout ça hein! A leur place, je me méfierai, parce qu’il a quand même un coté légèrement déviant, de Maitre des horloges.

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  5. Raymond Dayet Raymond Dayet

    Affligeant!

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    • leravidemilo leravidemilo

      Mais non M ,Dayet, ceci n’a vraiment rien d’affligeant, et c’est même strictement raccord avec vos préconisations permanentes et renouvelées à propos de ces municipales, afin que les” veinards” que sont les citoyens marseillais puissent choisir, en toute clarté le meilleur projet pour Marseille. Il est indispensable, pour ce faire, que chaque candidat aille au bout de sa démarche, qu’il ait réellement le courage de défendre ses convictions, dans la clarté et jusqu’au bout, qu’il se montre à la hauteur d’un M Barles ou d’une Mm Ghali…
      Allez Y Berland, S Ahamada, J Bencivenga, C.Madrolle, JP Agresti…
      pas question de se dégonfler, de la conviction, du courage, de la clarté, soyez à la hauteur requise, pour votre ville…

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